Attends ta cule à la récré

Le 06/12/2016
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par Castor tillon
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Dossiers / Nouvelles lovecraftiennes
Castor Tillon est de retour sur la Zone. Longtemps commentateur assidu, il passe à la contribution textuelle pour notre plus grand bonheur. Imaginez une adaptation de Lovecraft au cinéma par Quentin Tarantino. Sacrilège ! Hérésie ! Scandale ! Vous n'osez pas concevoir mentalement ne serait-ce qu'une seconde la collision monumentale de deux univers oniriques aussi riches et a priori aux antipodes intergalactiques l'un de l'autre de peur de vous faire un claquage de cerveau et sombrer dans une folie irréversible ? Associer entre elles des intrigues malsaines, des personnages hors normes à l’intarissable gouaille, des dialogues et des situations aussi improbables que saugrenues, et asperger le tout de tomato ketchup en guise d'hémoglobine de contrebande, vous semble être une expérience par la pensée sans retour possible à la raison ? Vous n'avez pas tort et c'est ce qui vous attend aussi en tant que lecteur. Mais c'est ce qu'il arrive quand on répond d'une manière ou d'une autre au grand appel à textes de Cthulhu.
Un texte qui ne contient pas de tente, pas de cule, et encore moins de récré. Je suis désolé.
— Repasse-moi la betterave, vieille carne ! T’es en train de te noyer, là !
L’interpellée décolla le goulot de ses lèvres gercées. Cela fit « chtoub », et un clapotement lui inonda le menton. Elle tendit lentement le kil de vin à son compère en jetant un œil résigné sur le niveau du liquide.
— C’est bon, fais pas cette tête, il y en a une autre. Mais tu ne devrais pas boire autant, tu te détruis, et ça me cause de la peine.
Dit-il en reprenant sa place sous la bouteille.
Puis il essuya sa barbe jaunâtre d’un revers de paluche, et émit sentencieusement, dans un graillonnement odorant :
— C’est pour ce matin, va falloir se bouger. Ils doivent avoir terminé, là-haut, avec les bombes à micro-ondes. Ça va être à nous de finir le boulot. T’es prête ? T’inquiète pas, c’est du tout cuit, ah, ah. Ils sont presque tous en train de finir de frire, pendant que nous on est à l’abri dans cette vieille station de métro désaffectée. Les rares veinards rescapés, on va s’en charger !
— J’ai un peu peur, quand même. Pourquoi les nôtres ne peuvent-ils pas exterminer tous ces connards? Et si les terriens survivants étaient plus nombreux que tu ne crois, et nous repéraient ?
— Tu rigoles ? C’est ça le plan, justement : ces imbéciles ne nous regardent même pas. On n’est que des excréments à leurs yeux. A leurs nez aussi, d’ailleurs. Nous allons sortir nos puissants tentacules et les massacrer sans même qu’ils nous aient remarqués !
— N’empêche que j’ai peur. Rosette, elle n’a jamais peur de rien, j’aurais bien aimé qu’elle soit avec nous… ma copine Rosette, tu sais, celle qui chante si bien…
— Rosette ? Elle chante comme une dinde qui s’est pris les barbillons dans l’escalator.
— Oh, bien sûr, toi tu es plus fort que tout le monde. A part siffler une boutanche, tu sais faire quoi, comme musique, hein ? D’ailleurs, je préfère pas savoir.
La vieille insista, fielleuse :
— Tu me laisseras la bouteille vide, ça pourra me servir. Vu que ta bite, elle est aux soins palliatifs, en ce moment. Ça fait un mois que tu m’as pas touchée.
— Ouais ben branle-toi avec ce truc, et t’es pas prête de me revoir. Déjà qu’en temps ordinaire j’ai l’impression de rentrer à vélo dans le tunnel du Simplon…
— Le problème avec toi, c’est que ça a toujours la même taille, que tu bandes ou non.
Le vieux se mit à grommeler comme un orage menaçant dans le lointain :
— C’est tout toi, ça : on est à peine entrés dans la nouvelle ère que tu commences déjà à me faire chier. Ça promet pour les siècles à venir.

Le débouchage n’ayant depuis longtemps plus de secrets pour eux, ils débouchèrent à l’air libre sans encombre. La bise du petit matin les saisit, et la vieille rabattit sur sa poitrine les pans sans boutons de son manteau crasseux. Dans les rues avoisinantes, nul cadavre calciné, pas de chairs fumantes, aucune trace d’un quelconque combat. Sur la place, seuls quelques insignifiants piétons se hâtaient vers leurs destinations quotidiennes.
     Quelque chose n’avait pas marché.
Il ignora le regard désespéré de sa compagne, et, fouillant les alentours du regard, avisa sous l’arche du pont, presque invisible dans la pénombre, un jeune homme en costume sombre. Dans une ultime bravade, il se mit en devoir de déployer ses monstrueux pseudopodes, et chargea.



Le jeune type vit le couple gesticulant accourir vers lui. Il dégaina soudain un court katana, et trancha net le bras maigrelet du premier agresseur. Puis, avec un sourire féroce, il plongea le sabre dans le sternum de l’ivrogne, ce qui eut le mérite de traiter efficacement - et définitivement - son problème de délirium tremens.
Pendant que le poivrot s’écroulait, les yeux exorbités, l’homme empoigna par la tignasse son binôme hurlant, et lui expédia dans l’estomac une droite fulgurante qui lui coupa le sifflet. Attrapant par le colback le cadavre embroché, il le traîna en chantonnant vers un trou circulaire dans l’impasse défoncée, et l’y jeta.
— N’oublie pas ton bras, pépère, hennit-il en balançant le membre poisseux trois mètres plus bas.
Il poussa sans ménagement la vieille à sa suite, descendit lui-même l’échelle métallique après avoir replacé le couvercle de la bouche d’égout dans son emplacement.
Ces pitoyables débris étaient son fantasme le plus excitant, et ils lui étaient maintenant livrés à domicile !

La vieille pue-la-pisse allait lui offrir une nuit royale, avant qu’il la découpe avec tout le soin requis.