Tarot

Le 14/12/2016
-
par HaiKulysse
-
Thèmes / Obscur / Psychopathologique
HaiKulysse avec ce texte devient le 6ème contributeur de tous les temps de la Zone à égalité avec Nounourz et nos textes collectifs hors forum sous appellation Zone Inc. Il compte donc déjà 68 textes publiés et même plus probablement sous d'autres pseudos comme H Kop. L'heure est grave le taux d'HaiKulyssation de la Zone était à 71% hier soir au Nasdaq à la clôture du Wall Street NYSE. Réagissons. Si nous combinons nos efforts, nous pouvons en postant d'avantage de contributions contrecarrer ce qui semble à présent inévitable : la saturation de la matrice par attaque virale de l'agent Smith. Ici encore une fois, on est en mode Burroughs combo écriture automatique, kilométrique et divinatoire. L'intrigue tourne autour de la carte du mat dans le jeu de tarot mais on aurait pu la remplacer par une brillante de Pikatchu ou une Panini du footballeur Ronaldo que l'histoire n'aurait pas plus été affectée que cela. A L4AIDE § AU SECOURS § Il faudrait que nihil revienne et affronte HaiKulysse en duel à mort pour résoudre définitivement le problème.
1.1
Ce matin comme tous les matins, j'étais à mon bureau, peu après le réveil.
Quand j'eus fini mon café et fumé une cigarette, j'ouvris machinalement le journal local et découvris avec satisfaction qu'une bande d'adolescents avait semé le trouble et gâché la fête des lumières célébrée dans le centre-ville lyonnais. De mystérieux personnages masqués avaient défilé dans la rue, en tenant des propos à la gloire de Satan Après l'avoir parcouru de long en large l'article, je l'hachurais au feutre avant de le découper et de l'intégrer à mes notes, tout en ajoutant des annotations sur les éléments intéressants.
Habituellement, devrais-je dire systématiquement, ça se cassait la gueule sans aide extérieure, mes analyses. Mais là, à ce moment là, je croyais avoir trouvé une piste ; en effet je vis sur la photographie illustrant l'article un totem porté à l'avant de la procession.
C'était davantage qu'un étrange mimétisme, non, j'en étais convaincu : ça ne pouvait être seulement ça ! C'était le même totem que j'avais élevé avec la tribut de Papouasie trente ans auparavant, ce totem représentant le Démon.

2.2
Une mare.
Une mare pleine de têtards et de volatiles tournant en rond, sans fin.
Une eau profonde et froide qui avait des relents marécageux.

Balançant de la fine chapelure de pain, Ida couvait une sorte d’existentialisme primaire lorsque je l’observais ainsi, pendant des heures, agenouillée sur l’herbe bordant la mare, à émietter du pain rassis.
Sans jamais s’apercevoir de ma présence, je consultais les nombreux Oracles en ma possession pour répondre à ses questions pressantes. « Le Mat m’a montré la Voie », comme elle aimait le raconter dans ses dîners mondains. Ses paroles me revenaient en mémoire comme un rêve décentré.
Après la promenade au parc, je devais lui parler des futurs désastres qui allaient décimer le monde entier, c’était pour bientôt.
Un grand châtaignier face à sa grande demeure bourgeoise avait vécu ici des lustres. Mais de guerre lasse, il avait fini par capituler, à force de nous entendre.
Etait-ce un dialogue ? En réalité, j’étais son seul divertissement, ce qui -au début- m’imaginais être utile. Mais un bouffon n’a de pouvoir que dans le jeu, hors contexte il n’est pas assez brillant pour se glisser au plus haut sommet de la hiérarchie.

Ida était une sado-masochiste qui ne croyait pas au bonheur commun et encore moins au bonheur individuel. Elle aimait souvent dire -et c’est vrai- qu’elle était devenue superstitieuse à cause de moi. Je lui avais montré une direction, la première fois qu’on s’était rencontré et cette direction s’était avérée malheureuse. Cependant mes prédictions étaient toujours justes.
Un ensemble de sensations prémonitoires me parcouraient l’échine à tout moment et je la tenais informée aussitôt, ce qui, à force d’annoncer de funestes messages, la réconfortaient dans l’idée que le Bonheur n’était pas pour nous, ici-bas. C’était un puissant vomitif, qu’on digérait parfois, tant bien que mal. Mais ça ne durait pas et nos entrailles nous déchiraient tellement qu’il ressortait aussi vite qu’il était entré.

Ida avait une destinée qui sentait le souffre et la seule carte de Tarot qui valait le coup pour elle, c’était moi : le Mat, triste gueux, l’œil fou et la dérision au cœur. Pourquoi autant de personnes crédules tombaient dans mon escarcelle alors que je n’existais même pas ? Quelle solitude et quel panard !

3.3
Le Pendu mimait des fantasmes, la face des montagnes bleues tandis que nous écoutions déferler l’orage, au milieu des ombres. Le Pendu revenait en sortant du blizzard ; le Pendu imitait la connaissance des univers à merveille, le Pendu regardait les corps démembrés des hommes et des femmes qui l’enlaçaient avec amour. Le Pendu concrétisait la cavalcade des chevaux diaboliques, cette cavalcade si folle alors qu’ils avaient été empoisonné, ces fougueux purs-sangs, par ses sortilèges. Indéniablement pendu aux ivresses pénitentes de tous les asiles psychiatriques, il exigeait sa boisson ambrée, ses visages plombés, interrogeait tous ces mondes à peu près cinématographiques ; seul sur le toit du monde, il fécondait les enfants des bordels, laissait un parfum de vie gâchée, inachevée.