PAUL TREMENS
Je suis un pur rebelle, j'ingurgite au goulot des litres et des litres de javel. J'aime bien les infirmières des urgences, leurs robes sexy souvent pleines de sang et les Valium qu'elles glissent en pagaille sur mes ordonnances. J'ai pas vraiment de cerveau. Je vois pas bien l'utilité de sculpter la courbe des mots dans un univers sans alphabet. Quand je m'ennuie, que la pluie cogne aux carreaux ou dans mon ciboulot, je mutile mon corps malade avec des petits bouts de vers pilés récupérés sur les cadavres de mon alcoolisme. Mon médecin ne veut plus que je picole, mais quand j'avale quelques cachetons sous une généreuse rasade de sky, le monde entier se met à fondre. Je deviens si fort, si puissant et invincible que le futur s'ouvre devant moi. J'arrive à deviner par exemple que quand ma bouteille sera vide, j'irais en racheter une. Et le plus dingue c'est que ça se produit à chaque fois.
Un peu perdu dans l'incohérence d'un trip en bad, je cours comme un taré sans jamais avancer.
J'ai parfois du mal à comprendre ce qui m'entoure et me sert d'horizon. Toute cette agitation, ce vacarme, ces mouvements de va-et-vient répétés à l'infini m'encourage dans mon inertie. J'ai, par moments, une furieuse envie de me pendre. Pas pour les délices strangulatoires du nœud coulant mais pour imprimer à mon corps un mouvement de balancier. Mon saut dans le vide et ses multiples inconnues face à vos interminables trajectoires sans surprises. En plus, ça prouverait à mon médecin que je ne suis pas un sale trouillard comme il a l'indélicatesse de me le reprocher si souvent. Oui, j'attends que le bonhomme soit vert avant de traverser, je vérifie une dizaine de fois que le gaz est bien coupé, je flippe quand le soleil transperce un nuage et projette mon ombre sur le trottoir. Mais le jour où je serais prêt, je regarderais la mort bien en face et je lui tendrais les bras.
Bien paumé dans une existence falsifiée d'onirisme, je fonce à toute allure vers mon prochain cauchemar.
Le corps médical me range dans la case cinglé. Un compartiment hermétique où des gens avalent leurs langues, se prennent pour dieu, Hitler voire les deux à la fois. Il y a aussi des groupes de fous furieux qui sont capables, en une seule nuit, de réduire à néant la population d'un petit village. Si mon Body art et mes scarifications sont perçues comme une perturbation mentale, alors soit, j'avalerais du Tranxen jusqu'aux portes du cimetière. Je me permets cependant de penser que la vraie folie est plus anodine et passe partout. Celui qui prend sur trente ou quarante ans un crédit astronomique, pour une maison clonée sur celles des voisins, dans un cheptel pavillonnaire est à mon avis bien plus dérangé que moi. Il se noie dans la masse et pense passer inaperçu mais moi je le vois, aussi gros que le nez de Cyrano au milieu d'une figure.
Totalement largué au milieu d'un défilé métronomique, les jours passent et me dépassent.
Je tente en vain d'y imprimer les preuves de mon passage mais l'encre de ma vie est trop délébile et n'adhère pas vraiment. Quelques traces illisibles en guise de SOS, au mieux le début d'une montée d'angoisse, des pattes de mouches grotesques là où j'aurai besoin des griffes d'un aigle pour attraper les secondes et percer leurs secrets. Quand ça devient trop flou, je me sers un grand verre d'eau que j'avale sous un camaïeu de pilules neuroleptiques. Et tout de suite ça va mieux. Les infirmières à tête d'horloges cavalent après l'aiguille des heures, la rattrape et me la plante dans un bras gonflé de veines sinueuses. A chaque delta, mes fleuves sanguins accueillent une foule globuleuse venue saluer les bateaux de morphine en partance pour le cerveau. A destination il sera trop tard, mon inertie deviendra pathologique et je fermerais une nouvelle fois les yeux pour ne plus pleurer qu'à l'interieur.
In - AMNESIA NERVOSA -
Je suis un pur rebelle, j'ingurgite au goulot des litres et des litres de javel. J'aime bien les infirmières des urgences, leurs robes sexy souvent pleines de sang et les Valium qu'elles glissent en pagaille sur mes ordonnances. J'ai pas vraiment de cerveau. Je vois pas bien l'utilité de sculpter la courbe des mots dans un univers sans alphabet. Quand je m'ennuie, que la pluie cogne aux carreaux ou dans mon ciboulot, je mutile mon corps malade avec des petits bouts de vers pilés récupérés sur les cadavres de mon alcoolisme. Mon médecin ne veut plus que je picole, mais quand j'avale quelques cachetons sous une généreuse rasade de sky, le monde entier se met à fondre. Je deviens si fort, si puissant et invincible que le futur s'ouvre devant moi. J'arrive à deviner par exemple que quand ma bouteille sera vide, j'irais en racheter une. Et le plus dingue c'est que ça se produit à chaque fois.
Un peu perdu dans l'incohérence d'un trip en bad, je cours comme un taré sans jamais avancer.
J'ai parfois du mal à comprendre ce qui m'entoure et me sert d'horizon. Toute cette agitation, ce vacarme, ces mouvements de va-et-vient répétés à l'infini m'encourage dans mon inertie. J'ai, par moments, une furieuse envie de me pendre. Pas pour les délices strangulatoires du nœud coulant mais pour imprimer à mon corps un mouvement de balancier. Mon saut dans le vide et ses multiples inconnues face à vos interminables trajectoires sans surprises. En plus, ça prouverait à mon médecin que je ne suis pas un sale trouillard comme il a l'indélicatesse de me le reprocher si souvent. Oui, j'attends que le bonhomme soit vert avant de traverser, je vérifie une dizaine de fois que le gaz est bien coupé, je flippe quand le soleil transperce un nuage et projette mon ombre sur le trottoir. Mais le jour où je serais prêt, je regarderais la mort bien en face et je lui tendrais les bras.
Bien paumé dans une existence falsifiée d'onirisme, je fonce à toute allure vers mon prochain cauchemar.
Le corps médical me range dans la case cinglé. Un compartiment hermétique où des gens avalent leurs langues, se prennent pour dieu, Hitler voire les deux à la fois. Il y a aussi des groupes de fous furieux qui sont capables, en une seule nuit, de réduire à néant la population d'un petit village. Si mon Body art et mes scarifications sont perçues comme une perturbation mentale, alors soit, j'avalerais du Tranxen jusqu'aux portes du cimetière. Je me permets cependant de penser que la vraie folie est plus anodine et passe partout. Celui qui prend sur trente ou quarante ans un crédit astronomique, pour une maison clonée sur celles des voisins, dans un cheptel pavillonnaire est à mon avis bien plus dérangé que moi. Il se noie dans la masse et pense passer inaperçu mais moi je le vois, aussi gros que le nez de Cyrano au milieu d'une figure.
Totalement largué au milieu d'un défilé métronomique, les jours passent et me dépassent.
Je tente en vain d'y imprimer les preuves de mon passage mais l'encre de ma vie est trop délébile et n'adhère pas vraiment. Quelques traces illisibles en guise de SOS, au mieux le début d'une montée d'angoisse, des pattes de mouches grotesques là où j'aurai besoin des griffes d'un aigle pour attraper les secondes et percer leurs secrets. Quand ça devient trop flou, je me sers un grand verre d'eau que j'avale sous un camaïeu de pilules neuroleptiques. Et tout de suite ça va mieux. Les infirmières à tête d'horloges cavalent après l'aiguille des heures, la rattrape et me la plante dans un bras gonflé de veines sinueuses. A chaque delta, mes fleuves sanguins accueillent une foule globuleuse venue saluer les bateaux de morphine en partance pour le cerveau. A destination il sera trop tard, mon inertie deviendra pathologique et je fermerais une nouvelle fois les yeux pour ne plus pleurer qu'à l'interieur.
In - AMNESIA NERVOSA -