Les Sept - Luzbel (5)

Le 10/02/2017
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par Cuddle
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Rubriques / Les Sept
Cinquième opus de la rubrique "Les Sept" de Cuddle. Le reboot de licence des Sept Mercenaires version RPG Fantasy prend à chaque épisode des formes de plus en plus inattendues. Cuddle contourne une nouvelle fois l'écueil du World Building expédié en shoot intraveineuse au lecteur, en téléportant ce denier dans des univers très lointains et très contrastés les uns des autres. Ce pourrait être désarçonnant s'il fallait s'attacher aux détails folkloriques pour comprendre la trame générale. Ce n'est pas le cas, mais chaque chapitre jusqu'à présent peut aussi être perçu comme un texte indépendant, cohérent, très immersif et très agréable à lire. Chacun d'eux est une petite perle et le cinquième dans des sphères totalement étrangères à celles des 4 premier volets, est à nouveau original et envoûtant. Le Panthéon des Sept s'enrichit d'un nouveau membre, un nouveau fléau pour l'humanité. Le suspense est à son comble, on attend avec impatience la rencontre de l'ensemble des personnages qui ne se croisent toujours pas. Que pourra-il donc advenir ? Les sept vont-il détruire une bonne fois pour toutes et comme elle le mérite depuis si longtemps, l'espèce humaine ? Les sept vont-il sauver Blanche Neige puis se reconvertir dans l'extraction de minerais ? Peut être formeront-il un syndicat de super héros bien relous puis lanceront-ils une grève générale, ce qui serait un beau pied de nez à toutes ces ligues de justiciers débiles qui saturent l'espace storytellique contemporain ? A moins qu'ils ne décident d'être embauchés par Barnum et qu'ils montent un grand freak show télévisé ? Vite la suite ! Nos petits neurotransmetteurs synaptiques sont en ébullition et nous voilà déjà tous accro.
Luzbel n’avait pas toujours été l’un des Sept. Bien avant sa déchéance en Enfers, il avait été Gouverneur. Dans la hiérarchie des anges, les Gouverneurs sont des anges soldats crées des mains de l’Éternel qui ne descendent sur terre que pour punir les Infidèles. Le châtiment encouru est « l’Épéiste », par un simple geste sur le front, l’âme du fauteur est déchirée en deux et son corps sans vie est laissé à l’abandon. Les Gouverneurs sont des anges aveugles, sans conscience ni besoin, ce sont des serviteurs, de simples exécutants qui répondent aux ordres de la hiérarchie. On ne peut les apitoyer, les soudoyer ou même communiquer avec eux. Ils incarnent une justice de fer, une justice implacable.

Mais la première génération de Gouverneurs s’est avérée défaillante aux yeux de l’Eternel. Certains anges ont commencé à développer une conscience et le développement d’une conscience est dangereux pour la stabilité et l’équilibre d’un monde. D’autres Gouverneurs ont vu le jour et ont eu pour mission de détruire cette version antérieure d’eux-mêmes. Et alors que la purge s’abattait au sein d’Eden, Luzbel, qui avait compris le sens du libre arbitre, décida de se déchoir lui-même de ses fonctions. Par une nuit particulièrement sanglante, il tomba simplement des Cieux et échappa au sort funeste qui lui était réservé.

Quelques jours plus tard, il fit une rencontre fortuite en la personne de Mateus, un de ses frères déchus qui, lui aussi, avait réchappé à la sanction divine. Seulement, une chose étrange lui était arrivée : il était mort. Luzbel ne comprit pas tout de suite les propos de l’ange déchu et fut troublé par ses révélations. « Depuis la chute, nous sommes des anges morts », répétait-il sans fin. Et après quelques discours farfelus, il disparut curieusement. Luzbel continua sa route sans but, les propos de Mateus ne cessaient de l’obséder jour après jour, lorsqu’enfin il comprit.

Alors qu’il traversait un village un jour de marché, son regard se posa sur les nombreux comptoirs de marchandises où se mêlaient de nombreuses viandes rôties aux fumets délicieux. Mais aucune de ces merveilleuses odeurs ne vint chatoyer ses narines. Il fut alors saisi par une cruelle réalité, il n’avait ni faim, ni soif, ni sommeil, ni envie. Il ne ressentait rien. Sur l’étal d’un boucher il vola un couteau à la va-vite et courut se cacher dans une ruelle sombre, plus loin. Il devait en avoir le cœur net. Et alors qu’il se découpait le ventre en deux et qu’il écartait la chair pour mieux voir, il fut forcé de constater avec effarement qu’il n’y avait rien. Son corps était vide, dépourvu d’organes.

Un bruit dans la ruelle le fit brusquement se retourner. Un homme corpulent se dirigeait vers lui d’un air menaçant.
-    Eh ma jolie, qu’est-ce que tu fous là ?
Luzbel resta silencieux et observa l’homme approcher en dodelinant. Ce dernier le plaqua avec force contre le mur et ses mains se mirent à glisser sur son corps avec une excitation soudaine. Il caressa sa poitrine, releva sa robe pour y effleurer du doigt son sexe mais Luzbel le laissa faire.
L’ange mort fit alors le signe d’une croix inversée sur son front et le corps de l’homme se raidit avant d’être prit de convulsions. Ses yeux s’exorbitèrent de terreur et petit à petit leur lueur vitale s’estompa. Comme une poupée de chiffon, le corps du vieil homme glissa mollement sur le sol et Luzbel laissa derrière lui une coquille vide. Il se sentait transformé, quelque chose avait étrangement muté en lui. Il n’avait pas détruit l’âme du fauteur comme par le passé mais il l’avait tout simplement aspirée. Il pouvait ainsi voir la vie de ce mortel par sa simple pensé, mais surtout, et par-dessus tout, revivre tous les plaisirs que sa victime avait pu partager durant son existence.

L’appel survint presque aussitôt, le potentiel de l’ange mort était perceptible jusqu’au Maître des Sous-sols. Ce dernier semblait avoir enfin trouvé son fossoyeur, mais tout ne se passa pas comme prévu. Certes Luzbel rejoignit le panthéon des Sept mais il refusa de livrer les âmes des défunts à Lucifer. Une discorde sans précédent divisa les forces obscures mais la monstruosité de l’ange mort était telle qu’elle fut craint par Lucifer lui-même. Luzbel quitta alors les Sous-sols et revint sur terre poursuivre son pèlerinage macabre. Le Dévoreur d’âme avait désormais un but, une raison d’exister, il lui fallait collecter des âmes, encore plus d’âmes, pour peut-être un jour combler le vide infini qui subsistait à l’intérieur de son être.