Le seul et l'eunuque

Le 14/02/2017
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par Lourdes Phalanges
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Thèmes / Obscur / Fantastique
Malgré un jeu de mot à la Castor Tillon dans le titre, le texte qui suit n'a rien de burlesque et est plutôt une petite pépite sortie tout droit de l'imaginaire de Lourdes Phalanges. Alors au début, j'avoue, simple d'esprit que je suis, que j'avais du mal à m’immerger dans l'histoire mais un clic, une image et une relecture plus tard voilà que la lumière suprême s'est abattue sur moi ! La Masse, sorte de créature divine, a faim et son appétit est gargantuesque, attention de ne pas traîner dans les parages...
Ils avaient disposé ceux de Droite à gauche et ceux de Gauche à droite, comme un dernier clin d’oeil aux coups de boutoir silencieux reçus depuis trop longtemps. Tous affichaient leur vrais visages, pissant et chiant de trouille. Ils priaient, et seuls les faibles ont besoin d’un messie. Des bulles de morve sortaient de leurs groins, explosant tandis qu’ils suppliaient, léchant groles, sol et excréments jusqu’à transformer leur palais délicats en nids misérables et grouillants.



On avait retenu La Masse tant que faire se peut, mais il était temps. Plus trace de caresses, de bons mots. Elle ne grognait plus dans le vide de cette époque qui n’avait d’époque que le nom. L’Histoire qu’on avait dit fini se dressait comme une lame de fond au dessus du gras Marchand et de son navire désormais d’infortune.

Ils savaient, pourtant, qu’en privant la Masse de manger, ils lui ouvriraient l’appétit, en grand, en très grand. Un gouffre qu’elle se décidait enfin à combler. Il n’y avait pas eu de Grand Soir, rien de tragique ou de cérémoniel. Va pour moins de jeux mais le pain, pas question. La Masse uniforme qu’ils avaient abêtit désormais s'abattait.

On ne se refait pas et untel fut écartelé par quatre colosses qui entreprirent de violer chacun des orifices du tronc restant, qui gigotait comme un ver et couinait comme ce que vous voudrez. A vrai dire, l’instant n’était plus à la poésie. Non, tout cela était simplement macabre mais voilà ce qu’on récolte quand de foi, et de foie, vous privez la Grand Masse. A force d’invoquer en vain la clémence, la tolérance et la décence, vous récoltiez la démence, la déchéance et tout une batterie d’autres mots rances. Le boeuf ne vous aime pas malgré les coups de fouets, il ne vous aime pas du tout.



Un enfant brûlait alors qu’on entamait son crâne à coups de marteau, et sa mère se faisait lentement éplucher les seins tandis qu’un ricaneur la fixait droit dans les yeux, enfonçant toujours plus profondément son bras entre ses cuisses maculées de bile. Elle restait silencieuse et stoïque. Toute sa vie la menait jusqu'ici, ses choix, ses éclats de rire. Sous les coups de mandrins, les mâchoires devenaient élastiques, les anus béants.

Certains traitres avaient tenté de retourner leurs vestes une toute dernière fois. Ils dénonçaient, avouaient enfin, mais sous chaque gerbe de vérité arrachée, qui sait combien de mendaces fumant se terraient, et on les tua donc, encore pire que les autres.



L’action répétée des poings sur leurs nez, leurs pommettes et leurs fronts offrirent au monde d'étranges sculptures brutales, de sang séché et d'ecchymoses mêlées. 


Tu te pensais perdu

Arpentant le chemin

Et Dieu t’as reconnu



Mais ce Dieu, c’était moi.

Et tous les sorts jetés n’y pouvaient rien changer.