Les lecteurs ça se mérite, les réponses aussi…

Le 16/02/2017
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par Le Docteur Burz
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Thèmes / Polémique / Société
Le Docteur Burz revient sur la Zone et exhume une ancienne pratique que nous traitions il y a dix ans avec bien moins de sérieux : le courrier des lecteurs. Nous retrouvons ici avec joie un Docteur Burz moins crypto hermético aléatoire que d'habitude. Du coup ce qui reste un billet d'humeur assez premier degré devient un peu moins corrosif pour les neurones à la lecture (toutes proportions gardées - cela demeure du Docteur Burz. Restez donc sur vos gardes. Une implosion du cervelet peut survenir au moindre retour à la ligne, au détour d'une virgule mal placée, aussi vérifiez bien que votre assurance multirisques couvre bien un tel cas de figure avant d'entamer la lecture. La Zone décline toute responsabilité.) Aujourd'hui nous traitons donc d'un épineux sujet de société : la disparition préméditée de la classe moyenne qui conduira à l'effondrement de nos civilisations par le cannibalisme.
De temps en temps, je laisse choisir le thème de mes publications aux lecteurs qui le veulent. Et je fais avec. Pour celui-ci, il m'apparaissait de circonstance d'y répondre sous forme de courrier.
C'est comme d'habitude mais en différent...
Jan Bardeau : Je pars au travail chaque jour, je m'y ennuie énormément, on m'explique pourtant que je suis heureux, parce qu'ailleurs les gens meurent prématurément, pour toutes sortes de raisons, souvent contingentes. Je ne suis plus tout jeune, les années passées, indubitablement, représentent davantage que celles qui restent, et ça ne va pas s'arranger, comme on dit ; à l'heure d'un premier bilan, je me demande ce que je fous, vraiment, ce que nous foutons tous, à gaspiller nos vies, sans raison solide, surtout si ces vies ne valent rien : aucun motif alors ne justifie de les vendre ou de les offrir.



                                                                 Cher Jan,


    Vous touchez là une note sensible de ce qu’est chacun d’entre nous, une catégorie socioprofessionnelle à caractère rentable. Vous m’en voyez terriblement désolé si votre activité salariale est merdique, ou tout au moins semble peu vous inspirer. Il apparaît qu’une majorité l’est, et/ou toute proportion gardée, l’est en devenir. Beaucoup de nous tous ressentons quelquefois, ou régulièrement, cette même catharsis à l’égard de notre gagne-pain. J’ai envie de vous dire, démerdez-vous.
    Evidemment, ce n’est pas à proprement parler un conseil socialement convenable. Mais c’est celui que prodigue pourtant nos bienveillantes entreprises à leur salariés la majeure partie des 2 minutes qu’ils peuvent avoir à perdre en s’adressant à nous. Et notre aimable société d’appuyer l’argument auquel vous faites allusion, le niveau de vie ailleurs est mortellement plus viable. Dans ces conditions, on comprendra la volonté de cette même société de nous demander d’arrêter de nous branler la quiche à moineau, sous prétexte de crise et autres affaires incessantes de malversation des plus riches.
    Néanmoins, concernant la contingence, il y a jurisprudence. Le proverbe le dit bien « être ou avoir été » n’est pas fiable. Pas seulement pour des raisons de voyage dans le temps, ni parce que Michel Sardou en a fait les frais, non, tout simplement parce que la connerie ne vieillit pas. Etre heureux reste une négligence particulièrement regrettable, dont les autorités n’ont pas le contrôle absolu, et c’est tout à votre honneur malgré vous.
    J’admire en revanche, votre capacité sans précédent à vous enorgueillir de ce qu’il vous reste de vos apprentissages du primaire. Savoir compter est essentiel dans la vie. Même si la science se vante de pouvoir nous faire vivre plus longtemps, c’est surtout pour finir comme des cons cancéreux, ou pour le loisir de nous voir trimer afin que les plus méritants polissent leurs petits culs sur des planches à billets à nos frais. Et on pourrait s’interroger sur la bienveillance à nous faire vivre plus pour gagner moins. Serait-ce un complot des financiers ? La science est-elle à la solde des enculeurs de fourches à blé ? Doit-on penser que les mouches à merde sont l’avenir du monde ? Peut-on s’attendre à une recrudescence des pâtes aux pâtes dans nos assiettes ?
    Mais je m’égare, on aura compris que le problème est d’abord notre rapport au travail. L’argent n’intéresse que ceux qui nous font travailler. Alors bien sûr, comme ça, de but en blanc, sans autre questionnement philanthropique de bas étage, j’aurais envie de dire que je m’en secoue la bite comme de ma première quéquette. Et on l’aura encore compris, c’est donc le problème de nos dirigeants, car ils doivent nous faire croire que nous n’avons pas le choix. Que nos petits questionnements philosophiques sur le sens de la vie, et Jan je vous cite : « … je me demande ce que je fous, vraiment, ce que nous foutons tous, à gaspiller nos vies, sans raison solide… », ben j’ai encore envie de dire, ils s’en branlent eux, ça n’intéresse que vous.
    Il est à noter que seuls les sujets contraints à la tâche de l’obligation d’exercer une activité qui rapporte aux riches, se posent ce genre de barrière psychologique. Et vous n’échappez pas à la règle mon cher Jan. J’en suis sincèrement émotionné, mais je suis obligé d’avouer que malgré ma volonté de vous réconforter cela ne doit pas faire beaucoup avancer le sens de votre vie.
    Mais, je vous cite encore : « si ces vies ne valent rien : aucun motif alors ne justifie de les vendre ou de les offrir. ». Je dois m’ébaudir de respect devant vos inébranlables compétences à vouloir anéantir les maux de la faim. A vrai dire, j’ai même un certain respect pour la grande naïveté et la sincérité décomplexée. Mais je dois bien admettre, par convenance, que c’est certainement parce que des vies ne valent rien qu’il y a un fort potentiel à en tirer de quoi faire fructifier les grands pontes. Cela ressemble fort à de l’esclavage quand on y réfléchit. Métro-boulot-dodo où devenir millionnaire. Aujourd’hui l’esclavage n’est plus aussi simple qu’avant, on peut choisir la liberté d’être un salopard notoire ou de se poser des questions, mais on appelle ça la démocratie ambulatoire. Alors forcément, concernant la possibilité d’émettre un avis éclairé sur sa condition de travailleur, on s’en bat les couilles de l’autre côté du nivellement.
    J’en terminerais néanmoins sur une note optimiste. Tout autant qu’est la difficulté à situer l’importance d’apporter sa contribution à la communauté, la capacité à s’épanouir dans l’activité de son choix revêt de ce fait une importance équivalente à l’emploi qu’il en est fait. Mais vous l’aurez compris, l’importance manifeste dont il est ici question, n’est en rien celle qui remue les « pignoleurs » de nos administrations chéries.
    Je crois que le choix n’est pas. Ce qu’il faut c’est tous les allumer sur un échafaud, et « par accident convenable », les matraquer jusqu’à la garde pour chercher méthodologiquement leurs derniers repas, dans un souci purement « archéo-compatible ».

    Cher Jan, veuillez expressément recevoir par la pensée, et avec une énergie non défaillante, la misère sociale qui m’environne comme autant d’artifices singuliers au déploiement de vos assaillants bouleversements moraux, dont le monde se fout totalement. Et croyez sincèrement que, par ailleurs, je pleure autant que vous la perte non dissimulée de la cause qui nous fait tous avancer, à savoir, le pourquoi du comment les autres s’en branlent. J’espère, autant que vous je l’imagine, qu’une réponse moins énigmatique qu’à l’accoutumée vous sera communiquée par le syndicat modérateur des patrons. Ayez néanmoins l’assurance qu’avec le temps, car il est nécessaire d’y faire référence, l’argent finira par gagner son indépendance à offrir ou vendre de sa propre personne, sans perdre l’idée que les gens resteront son seul moyen d’offenser son existence.
    Toutes mes plates, et surtout, ma considération sans limite dans votre objectif de faire toute la lumière sur vos interrogations, vous avez toute votre vie à gaspiller pour la bonne cause.

    Amen, Touti Quanti et Tralala.
                                    Le Docteur Burz.