Les Sept - Bélial (6)

Le 23/03/2017
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par Cuddle
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Rubriques / Les Sept
Sixième chapitre des Sept. Comme d'habitude, l'écriture fait au plus efficace et on se laisse porter par ces histoires de trône, de precog en armure et d'assassinat. Personnellement, j'y ai vu une critique larvée de la théorie du genre, avec cet anti-héros, travestie lors de son enfance, et qui ne cesse depuis d'avalir son prochain, comme pour mieux se venger. Le portrait est court mais rappelez vous que Les Sept s'entrechoque avec La Loi du Talion, l'autre série heroic-fantasy de Cuddle. Prémices, histoires parallèles, multivers de la mort façon Pratchett ? Seule l'auteur possède le fin mot de l'histoire et le meilleur reste à venir...
Il est des êtres qui naissent profondément mauvais. Même s’ils leur arrivent de mauvaises choses, cela ne change rien au fait que ce sont des monstres.

Ce fut le cas pour Bélial, né au sein d’une famille de fanatique dans le territoire de Kérubin, à Veheriah. Cadet d’une famille de quatre enfants, unique garçon, il fut en proie à de terribles visions dès sa plus tendre enfance qui lui firent perdre la tête au fil des années. En effet, des images de mort accompagnées de hurlements terrifiants vinrent troubler une vie à l’origine sans histoire. Sa mère, horrifiée par les propos incohérents de son fils, l’enfermait tous les soirs dans les sous-sols de la maison pour le purifier de ses fautes. Ses sœurs, qui le détestaient allègrement, s’amusèrent à le travestir pour mieux se moquer de lui. À l’adolescence enfin, il quitta le domicile familial pour la ville de Sodome où il se prostitua afin de subvenir à ses besoins.

Quelques années plus tard, alors qu’il racolait un vieillard dans une ruelle glauque, un éclair de lucidité le transperça net. Il fut victime d’une de ses hallucinations où il se vit étrangler sa propre mère et ses quatre sœurs et c’est ainsi qu’il comprit. Depuis toujours, il avait vu comment les êtres qu’il côtoyait allaient mourir. Une excitation étrange monta en lui, il se sentait fort, puissant. Il avait le pouvoir d’abréger des vies, de les prolonger, d’interférer dans leur destinée. Ce don allait à l’encontre même du libre-arbitre et c’est lui qui en détenait la clé. Ce soir là, il quitta Sodome pour Veheriah et accomplit sa destinée.

Il parcourut le monde où il négocia ses services, excellant dans l’art de la manipulation et échangeant ses visions funestes contre des poignées d’or. Lorsqu’il revint à Sodome, il fut plus riche que jamais. Il demanda audience au seigneur de la cité et marchanda sa vie en échange des clés de la ville. Le seigneur entra dans une rage folle et Bélial quitta les lieux. Avant de partir, ce dernier lui prédit la mort prochaine de son épouse. Un mois plus tard, l’épouse fut prise d’une violente pneumonie et on rappela Bélial au palais. On lui apporta des sacs d’or et le seigneur monnaya les secrets de sa future mort. « Un assassin vous ôtera la vie lorsque vous vous y attendrez le moins, mon seigneur » lui murmura-t-il à l’oreille avant de lui planter son stylet dans le ventre.

Bélial devint alors le seigneur de Sodome et transforma la ville à son image. Il fut interdit d’y circuler la journée sous peine de mort, si bien qu’elle prit le nom de « Sodome Effraie ». La ville nocturne fut alors le lieu de tous les vices, on voua un culte au viol, à la nudité et la pédérastie. On s’employa à faire construire des maisons closes dans chaque quartier où les hommes, les femmes et les enfants durent se prostituer. Les étrangers furent rejetés de la ville, devenue « égoïste », et la cité fut isolée du reste du monde durant quelques années.


Un beau jour pourtant, un étranger se présenta aux portes du palais et demanda audience à Bélial. D’abord surpris que l’individu ait pu passer les enceintes de la cité, il fut par la suite curieux de rencontrer ce cavalier de passage. En majesté sur son trône, le seigneur de Sodome toisa l’étranger avec mépris. L’homme, vêtu d’une armure de plaque, portait un casque qui se prolongeait vers le haut du crâne par des cornes noires. Le cavalier noir leva alors son gant de fer en direction des gardes et leur ôta la vie d’un seul geste. Bélial sourit malicieusement et murmura :
-    La mort n’a pas de secret pour moi, étranger.
-    Pour moi aussi, infidèle.
Le cavalier noir l’attira vers lui d’un revers de main et le força à se mettre à genoux, les bras tendus. Il dégaina brusquement son immense épée et lui trancha net les deux bras. Bélial poussa un hurlement de surprise et, les yeux ronds, vit son sang recouvrir le sol à une vitesse vertigineuse. Blême, il essayait d’échapper à l’emprise de l’étranger mais son aura était bien trop forte. La voix caverneuse du cavalier noir retentit alors une fois de plus.
-    Ce n’est pas à toi, infidèle, de commander à la mort. Ton unique droit est de me servir, comme les autres.
Des fils de fer vinrent étrangler le cou de Bélial, déchirant la chair profondément jusqu’à lui couper net le cou. L’appel retentit aussitôt dans son esprit, il n’avait pas le choix. S’il voulait vivre, il devait rejoindre les Sept. Et alors que le cavalier noir continuait de le torturer, il prit soudain conscience de la présente ironie du sort. Il n’avait jamais vu le jour de sa mort, mais finalement, n’était-il pas déjà mort depuis toujours ?