Borges ou l'encombrant héritage (Papa était vraiment prise de tête)

Le 23/10/2017
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par Mill
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Dossiers / Testament
On avait lancé un appel à textes "testament" il y a quelques temps aussi je me permet d'y glisser cette subtile contribution de Mill même s'il est probable que l'auteur ne l'ait pas expressément écrit pour l'occasion. En effet, ce texte autobiographique semble être un extrait de roman de littérature blanche en gestation que Mill n'aurait pas encore achevé. L'extrait est finalisé avec classe cependant. Je ne veux pas dire que ce texte est un premier jet. Il est posté sur la Zone et Mill se demande d'ailleurs si c'est bien sa place dans les commentaires complémentaires. Personnellement, je le publie avec plaisir en espérant que cela ne signifie pas que le roman est abandonné car c'est un excellent preview qui appelle à ce que d'avantage soit dit. Raconter une histoire en ponctuant l'action des personnages en ne conservant exclusivement que les échanges littéraires qu'ils peuvent avoir, en digressant longuement sur les références à d'autres auteurs, à de nombreux genres, serait effectivement hautement jouissif et instructif, en particulier si c'est écrit par Mill dont la culture classique et pop est incommensurable et qui est bien un des rares à pouvoir créer des ponts insolites entre les deux tant sa vie est habitée par la littérature sous de ses multiples formes.
« Tiens, lis ça. »
    Ça, c'est un livre tout petit, format 11 x 18, couverture souple et pages douces au toucher, les coins jaunis, odeur de poussière fanée, une édition madrilène d'Alianza Editorial, collection « El libro de bolsillo ». Sur la jaquette, un nom composé à l'exotisme feutré, un nom dont les sonorités gutturales s'adoucissent dans les bouches latino-américaines : Jorge Luis Borges.
Le titre, El informe de Brodie, n'évoque rien de particulier. Je songe à des colonnes de chiffres, des pages à moitié vides de paragraphes ternes divisés en alinéas. Je m'étonne que mon père me glisse ce curieux objet dans les mains.
    Un chouïa de contexte, ça te fera pas de mal.
    « Tiens, lis ça », une phrase que mon pater a pris l'habitude de prononcer depuis que j'ai dépassé l'âge canonique de dix ans. A force de voir traîner dans mes bagages les charmantes aberrations littéraires signées Enid Blyton, Paul-Jacques Bonzon ou Georges Chaulet, il a bien fallu qu'il intervienne, l'esthète. Sa première intervention en la matière peut sembler déplacée : Wilt, de Tom Sharpe, du grand comique outrancier axé fesses et critique de mœurs Je comprends pas tout mais je m'amuse d'y découvrir le protagoniste, coincé dans une poupée gonflable en pleine party californienne. Occupé à dévorer l'étrange et impudique volume, je perçois d'une oreille distraite les réticences de ma belle-mère accablant le jugement un poil trop hâtif de mon pater :
    « Wilt, à dix ans ? Et après, ce sera quoi ? Christiane F. ?
    - Oui, bon, je me suis peut-être un peu loupé... »
    Mes souvenirs de Wilt demeurent enfouis dans une boîte noire dont j'ai paumé la clef y a belle lurette. Je me rappelle toutefois fulgurances et phrases-chocs, un style direct et dur, non sans finesse entre deux dialogues ciselés au scalpel. Je me rappelle également de timides érections lorsque l'un des protagonistes se dénudait et entamait une danse lascive, et de nombreux éclats de rire pas réprimés pour deux sous dans la chambre impersonnelle que j'occupais chaque été. Mon cousin, ça lui a donné envie. Dès que j'ai lâché le bouquin, il s'en est emparé et l'a dévoré lui aussi en deux-deux. Résultat des courses : papa 2 - belle-maman 0.
    Malgré son côté obtus d'intello fier de sa culture et de ses neurones, le vieux savait tout de même engranger les conseils des uns et des autres. Je suppose que me confier aux bons soins de Sa majesté des mouches, de William Golding, revenait à rectifier le tir. Pourquoi pas ? A mon âge tendre, un bouquin n'était rien d'autre qu'un bouquin. Pas plus pas moins. Des mots jetés par un esprit supérieur sur des pages à la mécanique irréprochable : tu tournes, tu lis, tu tournes, tu lis... Ça avance tout seul, que tu le veuilles ou non.
    Sauf que Golding, c'était la claque dans le dedans de ta gueule. Le genre qui résonne pendant des décennies et te contraint d'y revenir régulièrement, en gros tous les cinq ans, histoire de voir à quel point tu as changé depuis ta défloraison. Je m'y suis replongé y a deux mois - je comptais l'offrir à Esteban, tradition familiale oblige - et, si mon regard s'est acéré, éclairci avec le poids des années, j'ai ressenti les mêmes angoisses, les mêmes joies que tantôt, m'identifiant aux mêmes personnages avec autant de force et d'implication qu'à mes dix ans. En vertu de ce polythéisme pratiquant qui me caractérise désormais, je l'affirme sans une once de doute : Golding, c'est Dieu.
    Une fois l'ouvrage essoré, je le range dans la bibliothèque du sous-sol. Mon père est là, à son bureau. Sans lever la tête de son ordinateur - une vieille machine à l'ergonomie plus que douteuse au regard des évolutions technologiques survenues depuis - il me demande de la voix friable des fumeurs en voie de décomposition passive :
    « Ça t'a plu ? »
    Je réponds que oui, ça m'a plu et que...
    Il me fait taire d'un mouvement de menton et, toujours sans varier d'un iota sa position de rédacteur opiniâtre, me tend de sa main gauche un petit volume à la couverture colorée.
    Chaîne autour du soleil, de Clifford D. Simak.
    Caracoles, m'exclamè-je, qu'est-ce donc que ce titre étrange ?
    De la SF, jeune bambin, de la SF concoctée par un maître du genre.
    Je le lis dans l'après-midi, fasciné, transporté, sans savoir que je l'oublierai intégralement des années plus tard. Mon premier livre de science-fiction, le premier d'une liste à rallonge. De mon père, en effet, j'hérite un goût prononcé pour l'anticipation, la « scientifiction » chère à nos cousins anglais, pionniers en la matière, ou le « merveilleux scientifique » selon le mot de Rosny. Je n'ai pas encore goûté aux saveurs interdites d'un Edgar Poe ou d'un Lovecraft, et le matérialisme rassurant d'un Robert Heinlein ou d'un Van Vogt s'accordent mieux que bien à mon esprit tellurique de gamin en gestation. Dans la foulée, je me pâme pour Bradbury et Fahrenheit 451, les Chroniques martiennes, ses divers recueils de nouvelles à l'écriture si fluide qu'elle me paraît poésie. J'y piocherai des maniérismes et de mauvais réflexes dont je tarderai plusieurs années à me débarrasser, me complais dans la pratique de la nouvelle et, lorsque je ponds mon premier texte en prose, à l'âge de dix-sept ans, je me crois lié au style de Bradbury, que je pille sans élégance ni virtuosité. Je m'en fous. Rimbaud avait raison et je me prends trop au sérieux.

    Tu sais, t'as le droit de m'interrompre. Je parle trop, je tire à la ligne et là, vu que je cause bouquins, ça pourrait durer des plombes. Pas sûr que ça t'emporte autant que ça me nourrit, autant freiner le débit. Mon père a joué les pygmalions avec ton singulier narrateur. Et les livres ne constituent somme toute qu'une infime partie de tout ce que le bonhomme s'est permis d'introduire dans les cases encore vertes de mon petit cerveau. J'ai déjà évoqué Corto Maltese par ailleurs, mais je peux ajouter tout un pan de la bande-dessinée underground des années soixante-dix et quatre-vingt. En touche à tout génial et bordélique, mon père lisait tout et n'importe quoi, accumulait styles et formes, passait de l'un à l'autre sans complexe, sans faillir, sans jamais ralentir son rythme de lecture. Je me devais par conséquent d'accéder à son niveau. Pas le choix. J'avais écopé d'un papa à l'intellect surpuissant. Si je voulais donner le change et comprendre un tant soit peu le personnage, il me fallait me hisser à la hauteur de ses espérances. Mes premières nuits blanches, je les lui dois. Mon cursus d'insomniaque patenté, c'est grâce à lui. Mes réveils nocturnes parce que cauchemar scénarisé à l'extrême, c'est encore lui. Papa, t'étais quelqu'un, mais faut quand même que je te dise un truc : tu fais chier, merde.

    J'en viens à Borges. Ouaip. J'en viens au dieu suprême de mon panthéon littéraire personnel.
    Je vais pas commencer comme il faudrait. Une certaine logique pédagogique voudrait que je décrive l'œuvre, puis l'auteur, que je passe de l'un à l'autre en citant telle ou telle nouvelle, pour t'inciter à y aller tout seul, comme un grand.
    Pas envie.
    Juste envie de te balancer de grandes phrases d'amoureux transi. Borges - ou l'Argentin, comme l'appellent volontiers ses plus fervents admirateurs - synthétise, syncrétise, condense dans un style aussi minutieux que flamboyant, tout ce que tu as lu et que tu liras un jour. Il est l'alpha et l'oméga du grand tout qui se mord la queue. Y a du Kipling en lui, mais aussi du Shakespeare, du Quevedo, du Lugones et du Poe. Kafka, Heine, Casares, Chesterton, Dante et Pline l'ancien s'y affrontent dans une sorte de joute sous-jacente et infinie. Les Mille et une nuits se reconvertissent constamment en trames foldingues, marquées par une érudition de moine reclus, obsédé par la saveur de la langue et les circonvolutions d'un esprit unique, à la fois pur et exalté. Jamais les mots n'ont si bien porté les idées de son auteur qu'avec Borges, et je pèse les miens sur une balance électronique avant de te les jeter à la gueule. Tout ça dans une humilité morbide, incompréhensible pour quiconque accepte le voyage en compagnie de sa plume : le grand maître de la nouvelle n'a jamais entamé le moindre roman.
    « Je ne m'en sens ni la force ni la capacité. »
    En lisant Borges, j'essayais d'atteindre mon père et c'est moi, finalement, moi uniquement que j'ai rencontré, un jour, ivre de mots et d'images, embringué malgré moi dans une recherche, à l'époque infructueuse, qui tenait de l'imitation ou du pastiche tant je m'oubliais dans la plume du maître. Bradbury fut l'auteur de mon adolescence. Borges me précipita dans l'âge adulte.
    Non sans résistance côté psyché perso, vu que j'étais pas fini.
    Loin de là.
    
    Dix-huit piges, mon père lit un quotidien sur la terrasse de la maison de sa femme. Devant lui, trois tasses vides, un cendar encombré de cadavres de Benson and Hedges, sa marque de prédilection. Face à lui, l'horizon, la mer, le ciel bleu, le soleil catalan, lourd et aveuglant. J'ose le déranger, une épaisse pochette farcie de feuilles A4 en police 12 et sans interligne, brandie comme un calice sous son nez suspicieux.
    « Moui ? »
    Foutu acteur. Le « moui » de mon père arracherait des hurlements d'impatience au plus aguerri des stoïciens.
    J'ai la chance d'avoir pris le pli y a un sacré moment.
    « Des nouvelles que j'ai écrites. J'aimerais avoir ton avis. »
    (Mon père lisait le français sans effort.)
    Il hausse toutefois les sourcils, en mode ouais-bon-vlà-autre-chose, se saisit du premier texte dans un demi-sourire matois, et entame la lecture.
    Ça lui prend quinze minutes. Les quinze plus longues de ma vie.
    Sa lecture achevé, il repose les vingt pages d'un geste nonchalant, allume une énième cigarette, crapote placidement en lâchant un mince filet de fumée blanche à travers ses dents serrées en un rictus énigmatique. Et là, rien, motus, juste ces lèvres plissées en un dessin équivoque et ce regard qui vrille derrière ses lunettes de myope.
    Je tiens plus, je demande :
    « Et alors... t'en penses quelque chose ou t'as pas vu la différence avec le torchon de tout à l'heure ? »
    Il pouffe dans sa barbe, ne modifie aucunement sa posture de sphinx dopé à la verveine, daigne prononcer trois mots que je m'empresse de noter dans le dedans de moi-même :
    « C'est pas mal. »
    Nouveau filet de fumée blanche derrière laquelle ses yeux semblent briller en étoiles dans un ciel noir.
    Puis il ajoute :
    « Je t'en parlerai plus tard. »
    Ouais, bon, j'ai compris... « Plus tard », chez le vieux, ça signifiait plus ou moins jamais. Il oubliait, ou affectait d'oublier, et je pouvais me gratter jusqu'au sang avant qu'il fasse semblant de s'en souvenir. Avec sa morgue de gars trop sûr de lui, de monument qu'on entourloupe jamais, d'inamovible montagne aux flancs escarpés. Invariablement, il me crachait, sur un ton non dénué d'une certaine agressivité :
    « J'ai dit ça, moi ? T'es sûr ? Et à quelle occasion ?
    - Le jour où je t'ai fait lire une nouvelle. J'ai plus la date en tête mais, en cherchant bien, je te la retrouve sans trop de problèmes.
    - Ah ouais, t'es sûr ?
    - Putain, ouais. Tu fais un peu chier quand même.
    - Hé ho, je te rappelle que je suis ton père, gamin. »
    Le ton cinglant, le sourire veule, et cette ironie mordante, chez lui irrépressible.

    Le « plus tard », j'ai failli pas y avoir droit cet été-là. Lui et moi, direction la gare de Barcelone, mon sac sur le dos et une valise blindée au bout de mon bras maigrelet. On cause de tout et de rien, j'ose pas le relancer, je me dis qu'il y viendra tout seul.
    Que dalle.
    A cinq minutes du départ, sur le quai de gare devant le Talgo qui m'attend sans attendre, je tente une dernière salve :
    « Bon. Et les nouvelles, alors ? »
    Il sourit, l'œil évasif.
    C'est son truc, ça, l'œil évasif.
    Il finit par hausser les épaules, non sans empoigner une clope au passage, puis déclare, sur le ton sentencieux des papas immortels :
    « Évidemment, c'est pas parfait hein... mais j'aurais aimé, moi, écrire un truc de ce genre. J'y suis jamais arrivé. »
    Annonce du train sur le départ résonnant dans la grande gare de Barcelone. Figé, je suis. Mon père m'embrasse à sa manière sèche, me pousse sur la plateforme, je sais pas quoi répondre. Je l'entends vaguement murmurer que je devrais raccourcir certaines phrases, puis il vire des talons, se refusant à l'au revoir de la main à travers les vitres du train qui démarre. Trop puéril, sans doute.

    Des années plus tard, peu après la mort du grand homme, mon oncle, interrogé à ce sujet, se fend d'un sublime éclat de rire volé au soleil :
    « Ton père écrivait comme un possédé quand il était gamin. Fasciné qu'il était par Kafka et Borges. Un jour, je sais pas trop ce qui lui a pris, mais il a rassemblé tous ces textes, tous ces brouillons, t'a flanqué ça dans une cheminée, gratté une allumette. Il disait qu'il se sentait pas à la hauteur de ses modèles. »
    Je peux pas dire que ça me surprenne tant que ça. Quand on connaît la nature excessive du personnage, c'est typiquement le genre de comportement qu'on lui attribuera sans crainte de se planter. Je lui en veux, pourtant. De pas me l'avoir dit, de pas me l'avoir confié en usant des mots qu'il maniait si bien. J'aurais tiré des conclusions, appris quelque chose, démêlé je ne sais quoi.
    Je m'en ouvre auprès de mon oncle.
    « Tu vois pas qu'il était jaloux ? »
    Ah ouais, d'accord. Non, j'avais pas vu ça comme ça.
    Des souvenirs se télescopent dans les dossiers mal rangés de ma mémoire brumeuse. Le leitmotiv du « tiens, lis ça » pour me remplir d'une substance chère, celle de ses héros littéraires, ses références à lui, parce que j'étais une page vierge et qu'il fallait m'écrire ; les œuvres complètes de Borges, offertes comme sur un plateau, trois épais volumes que j'ai traînés dans chacune de mes pérégrinations, y compris à Reading ou à Bécours, et cette immersion quasi mystique que leur découverte n'a pas manqué de provoquer chez le lecteur émotif que j'étais alors. Mon père me remplissait de lui, me gavait comme une oie imbécile pour provoquer ce déclic, celui qui n'est venu que plus tard, beaucoup plus tard. En écrivain raté, déçu de lui-même et de sa plume, mon père me vouait à un destin bancal et incertain, celui de l'écriture à foison, l'écriture malgré tout et par-dessus le reste, l'écriture qui prime et qui dévore, qui te nourrit l'âme en te vidant les entrailles, parce que pour en vivre, il ne faut pas seulement publier mais surtout vendre.
    J'ignore si mon père aimait son fils aîné. J'ai tendance à envisager cette éventualité avec des pincettes et la réponse change au gré de mon humeur. Mais je porte en moi sa marque et sa malédiction, son cadeau le plus noir et le plus définitif.

    « Papa, tu fais chier.
    - Ta gueule, je dors.
    - Tu dors pas. T'es mort. Et je te le répète une fois de plus : tu fais chier.
    - Ah ouais ? Et pourquoi donc, gamin ?
    - T'es mort trop tôt. C'était peut-être un leurre, mais tu donnais l'impression de tout savoir, de tout comprendre. Et je t'avoue qu'il m'arrive encore de me perdre.
    - On dit toujours que le rire est le propre de l'homme. C'est faux. C'est le fait de nous perdre qui nous définit tous autant que nous sommes. Alors tes angoisses existentielles, hein...
    - Pourquoi t'as fait ça ? Pourquoi t'as voulu que je devienne celui que, toi, tu voulais incarner ? Je pige pas.
    - Bah... T'es con. J'avais pas le talent. Quand je rédigeais un texte kafkaïen, c'était juste du Kafka. En moins bien.
    - Mais merde, c'est normal ! Quand t'apprends, quand tu te lances, tu reproduis tes modèles. Après, si tu t'accroches, t'en sors forcément à un moment ou un autre.
    - Pas envie de m'accrocher, pas le désir, pas la force.
    - Je pige toujours pas.
    - Y a rien à piger. Regarde-toi, couillon de la lune ! Tu te lèves aux aurores et tu passes douze heures à pondre des phrases. Ça te dépasse et t'y peux rien. Moi, je me forçais. Rien de spontané, au fond, juste une attitude romantique de gamin qui se rêvait auteur. Une pose, rien d'autre.
    - Une pose ? Ha ! Comme August Derleth à ses débuts ? Tu te baladais avec une canne pour te la péter dandy lettré ?
    - Hé ! J'avais un chapeau ! »
    Tu vois le niveau.
    Attends, il a pas fini, le vieux.
    « J'étais pas fait pour ça, voilà. Rien que de l'anodin là-dedans.
    - Tu crois que j'étais fait pour ça, moi ? Arrête tes conneries... C'est récent, tout ça, toute cette... implication.
    - Que tu crois. La preuve, c'est que tu te causes à toi-même à travers un chapitre sans queue ni tête auquel tu répugnes à flanquer un point final. Je suis mort, tu te souviens ? Je ne te connais plus. Je ne sais même pas qui tu es. »
    Les morts, des fois, faut juste qu'ils ferment leur gueule.

    Je relirai Borges, dépouillé cette fois de l'ombre de mon géniteur fou, et je saurai alors qui, de l'Argentin ou du pater, a engendré un jour ce monstre terne qui t'écrit en silence.