Dixit Valentino

Le 06/11/2017
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par Mala Espina
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Thèmes / Divers / Poèmes de merde
Bizarre. De la part de Mala Espina, on attendait plutôt un Jet de Bile. Rien de tel dans cette espèce de litanie déguisée en histoire racontée / vécue par une mouche de bar répondant au nom gouleyant de Francky-la-Cogne. Si l'on s'en tient au fil ténu du pseudo-récit qu'on nous propose ici sous forme de prose poétique, on peut considérer qu'il s'agit d'une incitation à la fuite. Exit, la révolte, la lutte et le torse bombé. Ici, on largue les amarres et on va voir ailleurs si on y est. Quelques images clefs, deux trois tournures élégantes ou au moins agréables. Pour le reste, ça sent un peu l'écriture automatique.
« P'têt ben qu'suis alcolo, mais j'sais pourquoi j'picole »
Disait Francky-la-cogne,
    l'autre soir, dans l'arrière-salle
Du bar que tient Johnny l'arsouille depuis la mort de Pétain.

Et Francky y va de sa petite histoire.
Ca sent vaguement le réchauffé,
    le mytho de base,
Un rien plombé par l'alcool et la fatigue.
Ca se fend la gueule, tout autour :
Y a bon public, y a champagne,
Y a cigare.
Y a la Gilberte à Coeur croisé et la Lulu qui a l'cul bombé.

Et c'est là que le môme arrive.
Comme un cheveu gras dans un potage.

J'te l'décrirai pas, le môme, tu peux rêver.
En tout cas, il sort de l'oeuf et il chausse des bottes de serpent.

Il semble qu'une porte s'ouvre quelque part,
Des volets claquent et les parois se fendillent.
A cet instant, le gamin prend la parole,
    le regard moite et possédé :

« Allez, viens, on met les voiles.

Il te reste trop à faire,
Tant de coeurs à briser,
De rêves à brandir,
Et d'illusions à déchirer.

Si tu restes, tu t'étioles,
Si tu restes, tu t'endors,
Et dans cette sieste léthargique,
Tu demeures un esquif,
        imprenable et glissant.

Allez, viens. On se tire !

Le vent tourne beaucoup trop vite.
Qui sait s'il gonflera tes voiles,
        une fois de plus,
        demain, après-demain.

Un jour,
Tu te réveilles.
Il est trop tard.
Adossé à ce mur que tu croyais porteur,
Tu t'aperçois, épouvanté,
Que tu ne contrôles rien,
Qu'il se hisse beaucoup trop haut,
Que ses fenêtres sont closes,
Que ses fondations te maintiennent
Cloué au même endroit :
La tête tournée vers l'est,
La tête tournée vers l'ouest,
Et ta girouette se suicide
A coups de tête sur le mur ensanglanté.

Allez viens ! On s'arrache.

Prends ma main, je te guide,
Tiens la bien, je mène la danse,
Et je sais pertinemment
    que le rythme chancèle,
Que le sol est meuble et le parquet glissant,
Et la musique change,
    et les danseurs s'essoufflent.

Mais si tu t'arrimes à moi,
Je te promets une danse comme tu n'en as jamais eu.
Et si tu serres fort et que tu tiens,
Nos pas franchiront le moindre précipice.

Allez viens, on se casse !
Tu le vois pas, que l'heure tourne ?
Tes voyages et les miens se ressemblent d'autant
    qu'ils nous ont déposé sur le même tarmac.
Sans billet valable
Et sans bagage à main,
Juste un paquet de valises, dont une sans poignée.

Regarde bien, j'ai pas peur.
Je sais ce qu'il faut.
Et tu sais que je sais.
Je suis l'oeil et la main,
Et le feu sous ta peau. »

Dixit Valentino dans l'arrière-salle d'un lupanar éreinté par les rêves imbéciles de primates étiquetés.

Et Francky-la-cogne vomit son champagne, arrache la chaîne de son boulet et disparaît dans la nuit.