La sodomie

Le 21/01/2018
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par Mill
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Rubriques / Les tables rondes de Cupidon s'en fout
Voici le texte d'une chronique radiophonique de Mill répondant à l'appellation "Cupidon s'en fout". Brassens doit se retourner dans sa tombe : manque de finesse, psychologie zéro, vannes à faire pâlir de jalousie Philippe Bouvard. On écouterait bien le fichier audio mais Mill refuse de nous le fournir pour éviter d'être accusé de publicité indirecte. Si ça c'est pas de la mauvaise foi, moi je suis John Malkovitch. A lire vite et sur les gogues entre deux feuilles roses et tendres.
Générique de Cupidon s'en fout, générique des Tables rondes, etc.

Etienne Esperluette : Bonjour, je suis Etienne Esperluette. Avec moi, pour cette table ronde, le professeur Jürgen Furkenmeister, spécialiste de la mécanique des sentiments, détenteur d'une chaire à l'université de Hambourg et auteur d'une thèse édifiante sur l'évolution des moeurs sexuelles de l'empire Romain à nos jours, et le professeur Abakada Mbacké, illustre anthropologue diplômé des universités de Kinshasa et de Berkeley, connu et célébré pour ses conférences sur, je cite, « l'influence des sociétés primitives sur la sexualité contemporaine ».

Aujourd'hui, nous abordons ensemble un thème délicat et, pour beaucoup, angoissant. La sodomie, un moyen ou une fin en soi ?
Furkenmeister : D'abord, je vous remercie de m'accueillir ainsi. Merci de nous donner la parole hein...

Mbacké : Tout à fait oui. Je suis d'accord. On ne parle pas assez de sodomie.

Furkenmeister : Et c'est un tort, si vous voulez mon avis. C'est un problème extrêmement important.

Esperluette : Bien, messieurs. Je pense que nous devrions commencer par définir le sujet...

Furkenmeister : Ah ben la sodomie est une pratique tout à fait heu convenable. Sans aller jusqu'à la décrire dans le détail, je dirais qu'elle ouvre des voies insoupçonnées de plaisir dans le corps humain.

Mbacké : Oui, et j'ajouterais que d'un point de vue mystique, la sodomie opère une jonction inattendue, hein, il faut le dire (les autres acquiescent), entre la noblesse des sentiments et l'essence même de la matière.

Furkenmeister : Je n'aurais pas dit mieux.

Esperluette : Comment expliquez-vous alors ce tabou qui subsiste encore autour de cette pratique, pourtant, convenable, du moins à vos yeux ?

Furkenmeister : Ah, c'est une question qui mérite d'être débattue en...

Mbacké : … en profondeur, si vous voulez bien me passer l'expression.

(rires entendus)

Furkenmeister : Toutefois, il faut bien reconnaître, malgré toute la sympathie que j'éprouve pour cette... engeance, que la sodomie a sérieusement pâti de son association directe avec la communauté homosexuelle.

Mbacké : Ah vous êtes homophobe, professeur Furkenmeister ?

Furkenmeister : Certainement pas. La société, pourtant, condamne les hommes qui aiment les hommes, et il est évident que ce n'est pas un hétérosexuel qui a inventé la sodomie.

Esperluette : Nous pouvons donc remercier, en toute bonne foi, la communauté homosexuelle pour cet apport, somme toute, prodigieux, n'est-ce pas ?

(rires entendus)

Mbacké : Certes, certes... Mais n'éludons pas les vraies questions : à quoi sert-elle, la sodomie ?

Esperluette : Eh bien, ma foi, n'est-ce pas une nouvelle façon d'explorer la volupté ?

Furkenmeister : Ah, volupté... Le mot est faible. Pourtant, la présence d'un nerf particulièrement vivace à proximité du canal anal implique de la part de celui qui subit la sodomie...

Esperluette : Le sodomisé donc...

Furkensmeister : … une certaine prédisposition pour la douleur. Pour apprécier la sodomie, il faut dépasser cette douleur. Et là ...

Esperluette : Mais en ce qui concerne l'auteur de la sodomie... ?

Mbacké : Ah, c'est sûr, celui-là, il a envie de dominer. D'une certaine façon, sa démarche s'apparente à celle d'un chef d'état : il veut asseoir son pouvoir, quoi.

Esperluette : Si je comprends bien, la sodomie entérine un rapport de domination ?

Mbacké : Ah, c'est sûr hein. Le mâle, il lui fait mal, à la fille. Mais c'est plus compliqué.

Furkenmeister : Ah oui, on oublie l'amour. Il faut pas hein. On peut parler de sublimation extrême du sentiment de possessivité. On possède l'autre jusque dans ses entrailles.

Mbacké : Ah l'amour... Passer par derrière par amour, ou se faire prendre par amour... C'est de la poésie !

Esperluette : On me dit dans l'oreillette que nous devons rendre l'antenne. La semaine prochaine, la pipe, ou le French Kiss du vingt-et-unième siècle, votre avis nous intéresse.