Le chaud le bain le mince

Le 03/04/2018
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par Twadi
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Thèmes / Divers / Pangolins et licornes
Règle numéro 45 sur la Zone : il est interdit de refuser un texte contenant le mot ouaouaron et antérieur à la divulgation au public de la règle numéro 45. Bravo Twadi, vous avez battu le système. Bon, c'est une criss de bluette en québécois pleine de fucking anglicismes, mais ça devient lisible et presque agréablement exotique par moments après le choc initial du premier paragraphe. Le mot ouaouaron est d'origine wendat, et les mâles sont agressifs et territoriaux, surtout pendant la période de reproduction, précise wikipedia.
mon chum trouve le texte a chier mais je m'essaie quand même.. (note du publicateur : le mot chum est d'origine anglaise, et les mâles sont agressifs et territoriaux, surtout pendant la période de reproduction; je ne charcute pas le texte avec des notes, donc vous ferez les autres recherches linguistiques vous-mêmes)







Le vent qui roule un coeur sur le pavé des cours,
                                                                                    Un ange qui sanglote accroché dans un arbre,
                                                                                             La colonne d'azur qu'entortille le marbre
                                                                                 Font ouvrir dans ma nuit des portes de secours.
                                                                                                             «Le funambule», Jean Genet

J’ai un petit feeling oublie pas de me le dire. Je respire de mon bord je vais me frotter le nez dedans y en a une que j’ai barrée là-dedans. T’as juste à dire que j’va ben. Tsé on s’inquiète pour toi pis toute! Ben criss ça mélange, c’est rare, une dans place c’t’assez, on sacre pas! Esti hier t’as dit caliss, tu m’as chuchoté caliss dins oreilles! Ils s’usent pas trop, j’ai pas sorti ça fait une semaine, chu là j’fais partie des meubles, t’aurais pu, c’est vrai c’est son ange, sont s’posés être là… ça va venir assez vite moi j’pars mercredi c’est sûr j’finis la semaine j’pas négative esti j’m’en rends compte j’vais pouvoir partager avec toi c’est du colorant à café c’est du sucre en poudre j’en mettrais rien qu’un, mon bas y était vide c’est tellement bon ouin c’est ça t’as-tu fini d’grouiller osti j’aimerais ben ça merci de m’encourager, ça j’tiens à te l’dire débile imagine ouais sont belles encore tes marguerites j’ai coupé un peu les tiges, veux-tu me voir ça s’envoye chier pis toute! Pas pire que des têtes de mort, t’as l’air d’une tête à claque toé! C’est heavy les winks, hey wô là papillon à 7h j’y enlève ça il capote sur Scoubidou pourtant on écoutait ça nous autres y passe son temps dans son garde- robe y écoutait ça pis y écoutait ça men quand y est stické sur queq’chose… je l’ai vu dans un magazine de sport un maudit beau costume y avait des corsets mais comme peinturés… c’pas moé ça wow quoi j’me souviens d’en bas à 4-5h les plateaux de fruits gigantesques j’ai vu des affaires fucked up là-bas tchow bye ça repart on se pitchait des oranges, y avait fait disparaître mon piano pis l’avait donné à sa maîtresse, c’tait pas à toé, il l’a ramené, un esti d’trou d’cul! T’as pas perdu le lien, fais-y d’autres couleurs que bleu blanc rouge, j’m’en ai fait prendre vraiment beaucoup c’parfait moi j’veux apprendre à faire ça, j’me souviens pus comment ça m’a coûté, des perles et un p’tit livre, tu peux faire une demande, ben là p’t’être pas à toute les 3 jours, essaye de transformer ça, à la place où qui font ça gratuit en plus les 2 profs sont vraiment bonnes, moi j’aurais plus peur de passer de long à court, y prennent des photos, y t’maquillent pis toute, j’suis satisfaite toutes mes heures étaient là, ben r’garde, pas ouverte mais là exigeante, non j’veux avoir une place, ça fait pas longtemps déjà là que j’ai encore un peu de lousse j’serai pas tu seule. C’est facile pas parler quand t’es dans ta chambre, c’est quoi j’voulais dire, Hawaïenne, y sent bon en osti l’océan ça sent l’poisson c’pas pareil des fois des fresh brises d’océan ça me rappelle des odeurs, tu devrais t’faire arracher une dent à toutes les semaines t’es cute de même! A s’est mis du fard à joue, c’est ça à veut pus m’parler moi, c’est juste pour être sûr. C’est chien là. J’en pogne pas souvent moi. Hey «goat» ça veut dire chèvre! Ça garde au chaud.
Je sors du hammam.
***
Facebook :
- Hola ça va? Sais-tu comment accorder un banjo il est tout désaccordé
- Haha ben sur que j’serais capable oui. J’ai un tuner pis toute.
C’est de là qu’est née la Soirée Tzatziki, notre première soirée. Je fous le bordel dans ma chambre à la recherche de quoi me mettre, résultat : pantalon camo, T-shirt Shake Junt. Il vient me chercher avec son char noir. Il chante du métal en conduisant, je suis tétanisée. J’ai envie d’alcool, mais je suis fauchée.
- C’est poche, je dis.
Je me sens comme une pimbêche qui voudrait effacer ce qu’elle vient de dire. Chez lui, il fait cuire du poulet en jasant, j’ai tellement le trac d’être là que je mange tout le tzatziki avec les poivrons. Après le repas il s’écrie : «CLOPE!» et ça me remplit de joie. Il accorde mon banjo, je peux enfin jouer, je gratte mes vieux morceaux de farmer américain, ça sort tout croche du bout de mes doigts comme une rengaine. Pour changer d’ambiance on met la chanson «I took a pill in Ibiza». Son aura m’enivre, son énergie m’hypnotise. Et son amie féline. Princesse de son antre et du gars intriguant, enchanté qu’il abrite. Je suis traitée comme une reine. Et je suis spelled. On promet de se revoir.
***
Le lendemain, je manque le bus, je paye 40$ de taxi tellement j’ai envie de le voir. Il arrive à l’arrêt en BMX, un foulard rouge autour de la tête, je le trouve princier. Il me dit «je t’aime»» et je suis high et je dis «moi aussi».
Le soir, on se couche ensemble sur un matelas par terre. Ses murs sont sertis de ses graffitis. Sleep talk : il parle d’un violon-bibitte imprégné jusqu’à la fibre du bois par le talent de son propriétaire, il est intarissable. Il m’amène en voyage dans ses histoires, ses mots créent des joyaux multicolores dans mon esprit. Ma tête de fougère glisse dans le sommeil et mon corps s’alourdit entre les bras raides et tendres de ce sorcier. Je plonge dans sa nuit. Il m’enveloppe.

***
Deux sofas nappés de Lune et au sol, une assiette ronde couverte de pâtisseries. L’air est envelouté d’encens. Je feuillette la bio de Frida Kahlo, tandis que mon amie me parle de « La rage au cœur » d’Ingrid Betancourt; du Pérou, et du bateau Le Cedna. Une médication explosive m’alourdit. Mon manteau est suspendu à une corde au-dessus du calorifère dans le corridor. Comme ça il sera chaud quand je repartirai. Je lui ai dit que je suis en amour.
- Ben revoyez-vous!
***
Jedi Mind Tricks. Il rappe. Il rappe il rappe il rappe et moi je danse je balance je suis toute nue dans les airs et il me tient par ses rubans d’équilibriste. Je tourne sur moi-même et je fais jaillir des pousses de bambous en cercle autour de nous. En bonne chainsmokeuse, j’exhale autant qu’il parle, j’en ai jamais assez.
-Veux-tu vivre avec moi?
-Oui.
Et c’est parti.
***
Le passé, écouter des tounes en boucle sur mon iPod en solitaire sans aucun sens, je n’y pense plus. Astheure je chante je crie avec lui on remplit l’habitacle de son char il est ma raison mon troublant son regard franc me traverse il me fait rire quand il joue il invente, quand il fait semblant. Il s’écrie, il porte sa voix jusqu’au plafond. Il me prend dans ses bras, j’ai la tête à l’envers et les jambes en l’air. Acrobaties! Je chante avec ce gars-là je ris je danse je cris je vis. Il prend sa guit’, se met à shredder. J’empoigne mon violon, je joue des grandes lignes graves pour faire la basse. Soudain il s’enflamme et je le suis, nos notes montent ensemble et s’entremêlent, nos regard se croisent une seconde, même pas besoin de le dire, «ça c’tait hot». On continue.
Mon oiseau parcourt la rive. Mon amour partout la grive.
***
On fait une virée en char. Il conduit en malade, et moi je suis en phase de mutisme sélectif : je le rends fou, il en a par-dessus la tête. On s’enfonce dans un champ de blé d’inde. Il veut me laisser.
- J’t’hais !
Il me crie au milieu des tiges immenses et moi je m’accroche à son regard, je sais juste une chose c’est que je ne veux pas le quitter, je suis terrorisée. Je fonds en larmes, première fois de ma vie qu’un gars me voit pleurer. Le soir tombe, tout le ciel est orange, il ramène le char sur le bord de la route. On passe la nuit là, moi agrippée à son bras, des lumières étranges, turquoises et roses, dansent tout autour à chacun de mes mouvements oculaires. Des couvertures glissées dans la fente des fenêtres, on s’endort au milieu du chant des ouaouarons et des criquets, la nature bruisse. Il respire. Je suis bien. Je n’ai pas froid. Je n’existe plus.
Le lendemain, on rentre dans son apparte. J’ai mes bottes pleines de boue, mais je suis tellement fatiguée que je m’en fous : je profane son plancher. Il est furax. Mon bambou, le vase chinois et les 1000 petites garnottes traversent la pièce, mon baluchon rempli de cochonneries (mon linge, une boîte de lettres et quelques cossins) atterrit contre la porte dans le hall d’entrée. Je reste pétrifiée. Ma petite voix a le temps de s’immiscer en moi : «wô minute là… va falloir que j’apprenne le respect… c’est chez lui ici». Il kicke mes affaires, je m’engouffre dans la salle de bain, en manie, pleine de honte et de culpabilité, je fesse le mur vert, j’ai l’impression que toute ma vie s’effondre dans ma poitrine, toute ma rage sort par mes poings crispés, il fond sur moi et me serre dans ses bras de toutes ses forces.
-T’es en tabarnak, pitoune.
Il me fait couler un bain, place mon bambou dans le coin, déverse du shampoing pour faire de la bulle. Je me mets en petit bonhomme, lui fume un cigare à la menthe assis sur le siège. Je me couche au complet, mes cheveux font la pieuvre noire autour de ma tête, je sens son regard s’accrocher dans mon auréole, je suis la femme.
Je me rassois, je demande :
-Je peux t’en prendre une pof?
***
On prospecte dans le ventre du ruisseau, là où se forment des chaudrons, les creux absents de courant et où il y a le plus de chances de trouver de l’or. Je l’englobe de mon amour, on est à vif les deux pieds dans l’eau glacée.
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Douches publiques. Sa débarbouillette verte foncé la mienne bleue pâle nos savons au chanvre on s’époile je lui lave le dos. Après il me sèche les cheveux au séchoir. Continue. Ça fait du bien motherfucker.

***
Noël à Coco Beach. Dans une boîte bleu brillant je place mon chevalet de violon, mon portefeuille d’Italie, un pinceau chinois, un scarabée en lapis-lazuli et des bonbons au litchi. Au creux du mont Eastman je lui donne mon cadeau. Nos souffles de clopes s’entrelacent au-dessus de nos têtes.

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Nord-Est. La direction que prend ma main en un éclair pour faire faire volte-face à une page. Le violon coincé sous le menton, l’archet à droite, fugace, tout mon mind englobé par cette pièce, L’Hiver de Vivaldi, hyperphagie de neige sanglante. L’amoureux fait s’exclamer sa guit’ classique, m’envoie une tale de notes et mon instrument hurle rouge en filigrane, l’apparte va exploser.