Le Jackpot du loto national

Le 02/05/2018
-
par HaiKulysse
-
Thèmes / Saint-Con / 2019
À 48 heures de la clôture des votes de la Saint-Con 2018 et six jours après la date limite, le camarade HaiKulysse nous a proposé cette seconde participation aux festivités. Notre magnanimité s'autorise à la publier dans le cadre de la Saint-Con 2019, ce qui lui permettra d'y concourir sans points de pénalité et, puisqu'on ignore si l'hébergement du site sera renouvelé en février 2019, nous le publions d'ores et déjà par précaution.
Je cherchais un con à brûler pour cette Saint Con 2018 et n’en trouvais pas ; j’avais pensé un moment brûler Cornélius, le héros de Fight Club mais ce n’était pas vraiment un bon texte. En tombant sur le sol, mes larmes formaient un tapis duveteux, entraînant dans la fosse noire, à leurs suites, les gagnants du loto national : il n’y avait que des retraités de longue date, qui s’habillaient toujours pareils avec leur banane en lambeaux, leurs appareils photos piratés, hackés, qui passaient inaperçus dans la foule anonyme comme de simples poètes inconnus.
Des poignées ou des brouettés de millions d’euros étaient consacrés à leur habillement et ça me paraissait fascinant à quel point les gagnants de grandes sommes pouvaient consacrer leur fortune à de tels broutilles.

Alors, aiguillonné par cette haine féroce contre les chanceux d’un jour, je décidais de brûler un gagnant d’un jackpot local.
Pour commencer, chaque fois qu’un article de journal racontait l’exploit d’une grille cochée avec les cinq numéros et le numéro chance, j’analysais le texte à la recherche d’un détail me permettant d’arriver jusqu’à l’heureux chanceux ; la plupart du temps les gagnants restaient anonymes mais un jour un retraité fit l’erreur de communiquer son nom et son prénom. En pianotant sur Facebook, je remontais à la source des informations qui étaient purement numériques : il n’habitait pas très loin en plus, un bled comme Vienne en Isère. En m’informant davantage, je compris que son seul excès pour le moment était d’avoir acheté un quatre quatre noir aux vitres teintées. Ce blaireau roulait désormais en quatre quatre : un achat qui me fit férocement rire quand je vis sa voiture flambant neuve en photo sur sa page Facebook.
Je me mis de façon anarchique en quête de ce retraité qui filait à présent sous le soleil de Saint Tropez. En chemin j’emportais le Livre des Morts du 9-3 pour me donner des idées sur la crémation de ce futur trou du cul, Cornélius ayant été définitivement oublié.

Le Livre des Morts du 9-3 avait tenté d’expliquer à tout un tas de générations avides de sens l’existence, ses formalités spirituelles ; comment accéder aussi au Nirvana par l’usage des drogues… Cependant, seules les larmes de Cornélius paraissaient convenir pour comprendre son commencements et sa fin.

Ainsi en le croisant sur la promenade où tous les bateaux de plaisance étaient amarrés, j’immolais ce pauvre vieux qui avait eu le malheur de cocher les bons numéros du loto mais qui malheureusement, comme tous les retraités de son espèce, n’avait aucune imagination concernant le fric à dépenser pour ses beaux jours.