MANUEL A L'USAGE DU PARFAIT ALCOOLIQUE (partie deux)

Le 23/05/2018
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par Clacker
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Thèmes / Débile / Vie quotidienne
Les démons de la dive n'entraînent pas Clacker jusqu'au bout de l'ennui mais lui inspirent plutôt ce second manuel pour alcoolo amateur, qui s'avère assez gouleyant et pourrait même vous détendre gentiment les zygomatiques si la mention de la cirrhose tant redoutée dès l'introduction ne vous refroidit pas trop. Attention pour les plus fragiles : ce texte contient aussi une référence à Marc Levy, on vous aura prévenu.
Salut les cadavres ambulants.
A tous ceux que la cirrhose a épargné cette année, on se retrouve pour un nouveau chapitre du Manuel avec, au sommaire, des trucs et astuces pour picoler en tous lieux et toutes circonstances sans se faire totalement griller (au volant de la ruine sur roues qui vous sert de voiture, par exemple), des anecdotes qui font office de morale à deux ronds, des relations sexuelles originales dont on se serait bien passées sobre, et bien sûr un test de personnalité en fin de chapitre pour mieux cerner le genre de type irresponsable et complètement paumé que vous êtes.
Mais avant toute chose, j'avais mentionné dans le premier chapitre qu'il existe des techniques pour se dédouaner de toutes responsabilités pour n'importe quoi lorsqu'on a la chance d'être un alcoolique chronique ; de fait, j'avais oublié de vous en parler, j'étais rond... revenons un peu sur cette histoire, voulez-vous.
1. Je sais pas, j'ai déconné, j'étais bourré...

Vous n'êtes pas sans savoir que se cuiter la ganache à longueur de journées finit, à un moment, par attaquer la mémoire à court terme, et par la suite la mémoire tout court, autant dire votre existence-même en tant que subjectivité pensante. Comme des intrusions de néant qui s'élargiraient inexorablement dans le gruyère de votre cortex cérébral. Beau programme, n'est-ce pas ? Et bien figurez-vous que vous pouvez retourner ce petit désagrément à votre avantage en prétextant que, par exemple, la fois où vous avez poursuivies ces deux jeunes femmes en pleine rue avec le froc sur les chevilles et le zguègue au vent en chantant une interprétation très personnelle de Sinatra, eh bien vous n'étiez vraiment pas vous-même, c'était le black-out, vous ne vous en souvenez pas du tout, d'ailleurs si ça se trouve c'est des conneries - tout ça devant les regards médusés d'une assemblée qui pensait déjà vous clouer au pilori de la honte comme un frère jumeau de notre seigneur à tous Jésus Christ. Si si, médusés.
Si le remord vous tiraille un peu la conscience, rassurez-vous en vous disant que vous avez toujours plus de bonne foi que ces types qui pensent pouvoir prouver par A + B que la Terre est plate comme une planche à découper le saucisson.
Personnellement, je n'ai pas vraiment besoin de mentir dans la mesure où je ne me souviens pas, en toute bonne foi, des trois quarts de mes agissements. Mais c'est une technique qui a fait ses preuves pour tous ceux qui ont élevé au rang de distinction suprême l'art de se voiler la face.

Sinon il y a aussi le prétexte de la gueule de bois. Imaginons une situation vraiment improbable, du genre : vous avez depuis peu commencé une relation dite sentimentale avec une personne lambda, et vous avez l'habitude de vous voir de temps en temps. Naturellement, elle ne s'est pas encore rendu compte à quel point vous êtes quelqu'un de vide et de désespérant. Bon, et donc elle vous appelle pour vous inviter à marcher dans un parc, faire le tour d'un étang avec des canards et des oies, s'asseoir sur un banc et écouter les enfants pleurer, boire un café à deux balles dans une gare sinistre, enfin ce genre de conneries, et vous vous avez complètement et absolument la flemme de faire toutes ces choses absurdes tirées de mauvais romans à la Marc Levy, pour la simple raison que vous êtes encore en train de vous cuiter tranquille, le cul vissé sur un fauteuil en écoutant Sinatra. Alors, TATATATAM vous pouvez prétexter la pire gueule de bois de votre vie, et croyez-moi, personne n'a envie de faire des trucs aussi nuls que s'asseoir sur un banc et donner à manger aux oiseaux en compagnie d'un type qui a une gueule de bois carabinée et qui passe son temps à se plaindre et geindre et presque mourir sur place.
D'ailleurs j'ai la gueule de bois, je picole pour y remédier, et je me rends subitement compte que tous ce paragraphe est nul à chier, qu'il y a des répétitions partout, bref que c'est mauvais, or donc je vais m'arrêter là. Par contre je garde tout ça parce que ça fait beaucoup de mots et c'est impressionnant quand on jauge un texte sur la zone. Ca fait écrivain, quoi. Et comme la presque totalité des lecteurs du site ne laisse jamais de commentaire, j'ai pas trop peur de me faire incendier sur la qualité de ma prose. Eh oui, la zone c'est plus ce que c'était, enfin bref, finies les digressions.

2. Des conseils pour se saouler dans n'importe quelle situation

Tout d'abord, comprenez bien que vous avez toujours l'opportunité de boire un coup, peu importe où vous vous trouvez, même un dimanche matin en rase campagne après une nuit passée à gober divers produits dans une teuf teck, comme disent les jeunes - et pourtant Dieu sait que vous haïssez la techno, et les champs, et les jeunes.
Je vais pas vous parler de la flasque de tord boyaux qu'on garde dans une poche intérieure de manteau pour la simple raison que vous l'avez vidée depuis déjà plusieurs dizaines de jours, ça et la bouteille dont provenait initialement l'amère liqueur. Je ne vais pas non plus mentionner la technique qui vise à planquer des bouteilles un peu partout dans le trou à rat qui vous sert de demeure pour la même raison que précédemment - la mémoire d'un alcoolique est très sélective.
Non, rien de tout ça.
Ce que vous pouvez faire - ce que vous devez faire -, c'est commencer par vous demander s'il n'y a pas un bar dans le coin, miraculeusement ouvert, qui fait également épicerie et qui propose des bouteilles de vins à prix exorbitants. Faites-le, vraiment, même si user de votre mémoire est la dernière chose que vous ayez envie de faire, faites-le parce qu'il y a TOUJOURS un bar comme ça dans un rayon de trente kilomètres. Que vous soyez rat des villes ou rat des champs ou musaraigne de Sibérie, vous trouverez, je vous le jure sur le petit Jésus.
Autrement, passez un coup de fil à un ami (s'il vous en reste) un peu moins poivrot que vous. Un petit barbeuc par ce jour férié, c'est-y-pas une magnifique idée ? Diable que c'est une bonne idée ! Mais dis-moi t'as du ricard pour aller avec ? Bien entendu que j'en ai ! Formidable ! Dément ! Epatant !
N'oubliez pas de taxer deux-trois bouteilles en douce en faisant semblant de poivrer les côtelettes dans la cuisine.
C'est tout. J'ai d'autres combines mais je suis déjà bien gentil de vous partager celles-là.

3. Boire est l'opportunité de multiples découvertes

Imaginez-vous, en plein milieu de la journée, le soleil brille, les oiseaux chantent, les trois phalanges de votre index sont fichées dans l'anus d'un Border Collie, et croyez-le ou non, le chien n'a pas l'air de trouver ça désagréable. Jamais, au grand jamais, vous n'auriez passée une après-midi si réussie en étant sobre. Parole.
Et la gonorrhée et la colonie de morpions du mois dernier, pensez-donc que c'est la rançon du courage pour s'être enfin décidé à aller aux putes - courage que vous n'auriez jamais eu si vous ne vous étiez pas envoyé trois bouteilles de vin !
Vous vous êtes rendu compte que, finalement :
1) Les obèses sont de bonnes baiseuses
2) Les canidés cachent bien leurs jeux
3) Les maladies vénériennes, c'est pas si méchant
4) Les gonocoques ne sont pas des gallinacées
5) On peut continuer à vivre sans compte en banque
6) Mendier, c'est un boulot à plein temps
Et encore beaucoup d'autres choses qu'il ne tient qu'à vous d'expérimenter. Rien de plus simple, il suffit de se saouler, et au bout d'un moment toutes ces aventures viendront d'elles-même.
Voilà voilà. Mais je crois bien que c'est l'heure du test de personnalité...

TEST : Etes-vous vraiment irrécupérable ?

* Votre première pensée du matin :

1. Tout un monde de possibilités s'offre à vous !
2. Vous n'avez pas éteint le gaz, et pourtant vous êtes toujours là...
3. Dieu est mort.
4. Comment ça, le matin ?

* Niveau appétit :

1. Vous pourriez bouffer un cheval entier.
2. Biologiquement, vous êtes cliniquement mort.
3. L'appétit se distingue particulièrement du désir en ce qu'il n'est pas constant, mais périodique, et qu'apaisé pour un temps il renaît après des intervalles déterminés.
4. Vous n'avez rien avalé de solide depuis plusieurs mois, mais l'appétit pour tout ce qui est liquide et alcoolisé ne vous quitte plus.

* Et pour le sexe :

1. A tout rompre.
2. Rien que le fait de penser à vos fantasmes tordus vous donne envie d'en finir une fois pour toutes.
3. Vous maîtrisez et canalisez votre libido pour pouvoir la rediriger dans votre créativité, d'ailleurs vous écrivez un essai qui aura pour nom : "Quand l'esprit, gorgé du sang de la recherche, se dresse, rigide et magnifique, et pénètre avec fougue le gouffre étroit de l'ignorance généralisée".
4. Vous n'avez pas réussi à passer le stade de la demie-molle depuis plus de trente ans.

* Vous avez un job ?

1. Vous en avez trois.
2. Si vous aviez un "job", vous vous seriez empressé de vous équiper d'un arsenal complet d'armes blanches allant du couteau de cuisine à la scie à os et vous auriez fait un remake de Delicatessen dans une hypothétique boite minable remplie de fils de putes en costumes trois pièces.
3. Vous ne connaissez nul autre travail que celui de l'intellect, vos bourses d'étude le prouvent.
4. Vous vous tripotez le bide en attendant le cinq du mois.

* Vous ne trouvez pas que ce test est un peu trop sérieux ?

1. Pas du tout, il reflète très bien votre réalité.
2. "Est-ce que ce monde est sérieux ?", demandait un grand homme moustachu en parlant des corridas. #nohomo
3. Rien n'est jamais assez sérieux. Rainer Maria Rilke parlait de l'absolue gravité de vivre ici et maintenant, dans le dénuement total et l'absence de réconfort de Dieu.
4. Quel test ? Vous avez ouvert un onglet Pornhub depuis 15 minutes, catégorie bondage/cosplay naruto.

* Pour en revenir au sujet, votre consommation d'alcool :

1. On dit de vous que vous êtes un bon vivant.
2. Douzième coma, toujours debout, toujours la banane.
3. L'alcool est le troisième oeil du poète. Il est parfois nécessaire de s'enivrer pour se blottir dans un décalage de votre propre subjectivité, et aborder des thèmes nouveaux que vous n'auriez pas eu idée d'effleurer sans avoir déclenché ces presque crises de dépersonnalisation. L'homme ivre voit double dans l'immensité des possibles.
4. Stable. Vitesse de croisière fixée à deux grammes.

* Vous pensez à quoi, là, tout de suite ?

1. A toutes ces merveilleuses rencontres pleines d'humanité que l'avenir vous réserve.
2. Un tabouret et une corde.
3. A la notion d'existence. L’existence au sens moderne, c’est le mouvement par lequel l’homme est au monde, s’engage dans une situation physique et sociale qui devient son point de vue sur le monde.
4. Lorsqu'elle chante, on dit que la mésange zinzinule ou zinzibule.

* Que pensez-vous de La Zone ?

1. C'est une initiative très intéressante pour les auteurs en herbe qui veulent se faire un avis constructif sur leurs capacités.
2. C'est déprimant et c'est mort. Ca vous donne envie de vous faire un shampooing au gazole.
3. La Zone n'est qu'un site littéraire parmi tant d'autres qui accuse le poids de ses années, et un vestige d'une époque numérique décidément révolue. L'individualité a définitivement pris le pas sur la communauté, et le concept du site est encore un peu intéressant dans la mesure où il nous permet d'avoir un point de vue sur ce qu'était la création littéraire indépendante à l'époque des balbutiements de l'Internet tentaculaire.
4. C'est toujours marrant quand ça parle de foutre, de caca et de cons qu'on fait brûler.

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Vous avez une majorité de :

1.
Dieu ce que vous êtes détestable. Mais vraiment. Si je vous croisais dans un ascenseur, je ferais en sorte que ce soit votre tombeau. Vous êtes pas alcoolo, vous ne savez même pas ce que ça peut vouloir dire. Rien n'est toxique pour vous, c'est comme si vous aviez un bouclier qui vous protège de toute la merde noire que nous envoie la galaxie par camions entiers.

2.
Bon, manifestement vous êtes un peu déprimé. Vous êtes même tellement désespéré que ça vous rend sympathique. C'est vrai, on a toujours besoin d'un type au bout du rouleau pour réussir une bonne soirée et se dire qu'on va pas si mal, après tout.

3.
Bon ben vous aussi vous êtes extrêmement chiant. Tout frais émoulu d'une fac ou de je ne sais quelle famille complètement tarée. Personne n'a envie de vous entendre balancer du Nietzsche à tour de bras. Les gens veulent juste éviter de réfléchir et profiter un peu, et vous, vous leur rappelez constamment que leur vie est dérisoire et qu'ils courent tous à leur perte dans les plus brefs délais, par un manque flagrant d'éducation et de connaissances sur leur moi profond. Merci, vraiment. Vous feriez mieux d'aller crever au fin fond d'une grotte en Auvergne comme un ermite à la con.

4.
Boarf vous êtes pas l'mauvais gars. Finalement, si y en a un qu'a expérimenté l'alcoolisme et le désoeuvrement ici, c'est bien vous. Et c'est pas une tare, pas du tout. On est nombreux, comme ça. On se laisse vivre, on se laisse mourir. Quelle différence ?