Écrire (la gueule de bois) aux temps du Covid-19

Le 03/04/2020
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par CTRL X
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Thèmes / Débile / Vie quotidienne
Suite de notre feuilleton "vis ma vie" avec cette fois un questionnement autour du week-end. Allons-nous mieux apprécier l'alcool que nous consommons pour oublier la semaine de merde que nous venons de vivre ? ou au contraire mieux se murger la gueule avec la crainte de ne pas avoir fait assez de stock ? Dans tous les cas, faut bien enlever son masque ou faire un trou dedans pour boire au goulot. On enlève ses claquettes, on pose son cul sur le canap', on prend une bière et on clique sur l'icone triangulaire en haut de la page des favoris, oui voilà.
Hier soir, à 18h30, je me suis sérieusement posé la question.
Serons-nous capables, en tant qu'espèce confinée mais aussi fondamentalement sociale, d'aborder le week-end avec une dignité à la hauteur des événements ?
Serons-nous en mesure de respecter les gestes barrières après le troisième Gin ?
Allons-nous lâcher un peu la pression et parvenir à un état de magnificence mentale rendu possible par la consommation d'alcool et/ou de drogues récréatives (selon vos convictions profondes et/ou autres pathologies) ?
En gros, ce week-end va-t-il tout de même ressembler à quelque chose ou devons-nous nous résoudre immédiatement et pour toujours à une vie de cafards déprimés ?

(corrigé : Non - Non - « Putain, oui » - et « Non, pas vraiment »)

La réponse qui s'est imposée la première fut : « wowow, du calme avec tes questions, mec... L'aspirine est-elle toujours légale ? Parce que là, pardon mais... »

La réponse, en ce samedi matin est, tout simplement : « Aie »

Merci donc à la météo dégueulasse et l'ignoble gueule de bois qui m'habite de rendre le confinement de ce week-end plus léger. Voire salvateur.
Encore une fois, une certitude finit par émerger : on peut toujours compter sur les vertus d'un cubi de Merlot, de la téléconférence et du Gin bon marché.

Ce matin, un rapide passage en revue de mes innombrables communications Messenger de cette nuit me renseignait davantage sur les tenants et aboutissants d'une situation de crise inédite. En vrac, j'ai relevé les perles suivantes :

« prends ça, fin du monde ! »
« Encore faut-il pouvoir faire l'amour à une fille prise de fou rire... »
« j'ai envie de te répondre mais je m'exprime actuellement en onomatopées »
« A..., c'est pas un virus chinois qui va la démonter, OK ? Elle a vécu la dengue et le palu et les années 90 cette meuf, c'est une badass t'as pas idée »
« il faut que ça cesse, au fond »
« Un objet peut-il être oblong et coudé ? »
« Comment il va, d'ailleurs, Grand Corps Malade, en ce moment ? »
« Putaaain, on est hilares dans la cuisine, on cuit du pain, plus rien n'a de sens... »

Nous voyons donc que si la dignité n'a pas toujours été au rendez-vous, force est de constater qu'une certaine forme de résilience s'opère naturellement face à une situation sanitaire majeure.

Et l'on peut s'en réjouir, il me semble.

Entendons-nous bien. La semaine n'a pas été facile. Nerveusement, les organismes ont été mis à mal et une décompression psychologique s'est finalement révélée indispensable. Il était grand temps, en somme, et pardonnez-moi d'avance cette expression triviale, de « tomber un peu les masques ».

Contrairement à ce que je pensais, je n'ai aucune prédisposition naturelle au confinement, ni d’appétence particulière à la vie de moine cénobite. Et le simple fait d'imaginer que nous sommes contraints à cet enfermement pour encore au moins 6 semaines suffirait presque à me faire replonger immédiatement, malgré une migraine tenace, dans ce qui reste de notre stock dérisoire de vin rouge.

Non, la semaine n'a pas été facile.

J'ai cru déceler chez moi les symptômes du Covid. Au moins vingt fois.

J'ai fait l'école à la maison avec mon fils et j'ai cru mourir également vingt fois.

J'ai rêvé qu'on m'interpellait à la piscine municipale parce que je nageais (nu) la brasse indienne sans ma dérogation, document que j'avais pourtant laissée dans mon casier au vestiaire (les deux gendarmes qui m'interpellaient (et qui ressemblaient étrangement à Jamie et Fred) ne voulaient rien savoir).

La femme que j'aime s'est découvert une passion pour la boulangerie artisanale et la couture de torchons. Pire, le Scrabble en ligne occupe à présent 90% de son quotidien.

Je suis allé faire les courses au Lidll Schiltigheim à 8h30 (du matin!), un jeudi, et j'ai vu la haine dans les yeux de mon buraliste.

J'ai posté une photo de moi sur Facebook, dans une situation pénible, rétrospectivement.

J'ai fait quinze pompes dans mon salon, en cachette.

J'ai écouté une chanson de Whitney Houston et j'ai pleuré.

Alors voilà. Il fallait, je crois, marquer le coup en ce premier vendredi soir de confinement et je ne regrette rien, au fond.
Si.
Je regrette de n'avoir pas pu vous prendre dans mes bras pour vous hurler des propos ineptes au creux de l'oreille.
Et je regrette d'avoir laisser brûler le pain...

Je souhaite que vous ayez, vous aussi, tiré quelques soulagements de cette soirée.
Maintenant, il faut rester chez soi.
C'est sans doute mieux comme ça.