Revolving doors

Le 21/04/2020
-
par CTRL X
-
Thèmes / Saint-Con / 2020
Ne dévoilant son jeu qu'à la dernière minute tout en évitant le moindre point de pénalité pour retard, CTRL X nous prouve une fois de plus qu'il prend la Saint-Con très au sérieux et que nous le méritons à peine. Son texte est efficace, bien construit, drôle, tragique, clairvoyant, engagé, riche en fibres.
Avant-propos (technologique) et profession de foi de l'auteur

La porte tambour est une porte fonctionnant selon le principe du tourniquet. Celle-ci fut brevetée en 1888 par l'honorable ingénieur new-yorkais, Theophilus Van Kannel. Notons que ce type d'ouverture est souvent constitué de trois ou quatre ailes vitrées (cf. illustration Wikipédia intitulée « Porte tambour à Kopavogur (Islande) »). Le sens de rotation (au sein d'une cellule cylindrique circulaire) d'une telle porte est, dans la plupart des cas observés, contraire au sens des aiguilles d'une montre. Mais enfin, pas toujours. Dans les centres commerciaux utilisant ce système, les accidents impliquant des chariots à roulette ont aujourd'hui quasiment disparu.

« L'homme (affirme Houellebecq dans La possibilité d'une île) avait décidément été un mammifère ingénieux »
Une nouvelle fois, il faut bien l'admettre : Michel « la mine » Houellebecq expédie une grosse praline en pleine lucarne.

Fort de ce constat, CTRL X, au moment où il valide les épreuves de son manuscrit, est convaincu qu'un vaccin fiable et un traitement efficace contre le Covid-19 seront disponibles sur le marché d'ici l'hiver prochain (début mars 2021, grand maximum). Si l'homme, cet ingénieux mammifère, s'est montré capable d'endiguer les collisions entre chariots à roulettes, il triomphera immanquablement de cette guerre sans merci contre une bête infection virale.

Cette foi inaltérable en l’ingéniosité humaine a été le phare et la bouée de l'auteur, tout au long de la rédaction du texte de fiction qui suit.
REVOLVING DOORS

Partie 1

« Ce qu'on appelle la vie est simplement un chaos d'existences qui se désagrègent à chaque instant »
Le marin rejeté par la mer, Yukio Mishima

25/04/20-07h15

La scène se déroule dans une salle de réunion sans fenêtres, 36 rue du Bastion, Paris, au troisième étage des locaux de la Direction Régionale de la Police Judiciaire.
La pièce est presque vide, à l'exception d'une antique console audio-vidéo qu'on a roulé jusqu'ici, de deux chaises et d'un bureau sur lequel on trouve quelques feuillets épars et du petit matériel.
Sébastien Wendling, 47 ans, non infecté, commissaire divisionnaire à la direction des services actifs, est assis face à la console. Son interlocuteur, Nicolas Saulnier de Salvaris, 32 ans, employé à la D.G.S.I, non infecté, se tient debout, dos au mur. Il porte un masque FFP2 et un costume impeccable. Wendling, de son côté, est habillé comme s'il vivait depuis trois semaines dans sa voiture avec une prostituée mexicaine sur la banquette arrière et une mouffette crevée dans le vide poche. Le moniteur diffuse les images du système de vidéosurveillance d'une grande surface. Les deux hommes ont les yeux rivés sur l'écran. Saulnier de Salvaris parle le premier :

- Expliquez-moi ce que je suis en train de regarder, Wendling.
- L'entrée du Auchan. Hier après-midi. Il est précisément 15h27 quand le suspect passe la porte-tambour du magasin. Attendez... Maintenant. Juste là... Comme vous le voyez, il ne pousse pas de caddie, ne traîne pas de cabas, ne porte aucun sac de courses sous le bras et se promène, en gros, les mains dans les poches.
- Ce type ? demande Saulnier de Salvaris en pointant l'écran du doigt.
- Celui-là, oui. Avec le costume noir et les claquettes de piscine. Ce sont des claquettes de piscine Arena, je sais pas si vous voyez, celles avec les picots qui vous massent la voûte plantaire. J'ai porté moi-même ce genre de claquettes et ce sont de très bonnes claquettes. Par ailleurs, si vous permettez, je voudrais juste apporter une petite précision avant d'entamer le débrief...
- Accouchez.
- Saviez-vous que les portes-tambour ont été inventées au début du siècle par le même type qui a conçu le Witching Waves ?
- Bordel, mais de quoi parlez-vous...
- Du Witching Waves. Un manège qu'on pouvait trouver à Long Island, en 1907. Une piste ovale, avec des voiturettes capables de s'élever et descendre, commandées par les usagers. On déplore quelques accidents sur cette attraction, à l'époque...
- Wendling ?
- Monsieur ?
- Je ne sais pas si vous êtes en train de jouer au con, d'essayer de gagner du temps ou quoi mais laissez-moi à mon tour vous dire une chose. Je suis venu recueillir, analyser et exploiter les informations en votre possession. Alors, ne me faites pas chier, par pitié, avec vos détails historiques hors de propos et encore moins avec vos saloperies de claquettes de beaufs Arena à picots. Je vous préviens ! Ce n'est pas pertinent.
- Mise en garde bien reçue, Monsieur.
- J'ai une vraie situation de merde sur les bras. J'ai un confinement qui vole en éclat depuis hier soir, des rues pleines d'abrutis qui veulent tout brûler, des rumeurs de coup d'état militaire, le syndicat du personnel hospitalier qui invite ses adhérents à s'immoler, et la guilde des auteurs-compositeurs en panique totale. Plusieurs artistes de chanson française ont été pris à partie. Jean jacques Goldmann est introuvable, à l'heure où on parle. Si on perd Jean jacques Goldmann, on bascule directement dans l'anarchie.Vous l'entendez, ça ?
- Haut et clair.
- Dans ce cas, ne digressez plus jamais. Sinon je vous ferai fusiller.
- Fusillé. Entendu.
- Poursuivez.
- Le suspect, comme vous pouvez le voir sur les images que nous avons accélérées, passe environ une heure à arpenter les allées du magasin de long en large, sans jamais s'arrêter, sans jamais ôter les mains de ses poches, sans jamais ralentir. Rien. On dirait... un rat de laboratoire. On dirait un rat de laboratoire qui ne sait même pas s'il cherche la sortie du labyrinthe ou un morceau de fromage planqué quelque part. Pour moi, c'est la partie de la vidéo que je trouve la plus déstabilisante. Je veux dire... Qu'est-ce qui peut bien passer par la tête de ce type pendant tout ce temps ?
- Wendling, je vous assure que tout le monde se tape de vos impressions postmodernes à la con. Le suspect se promène et il ne se passe strictement rien. OK. C'est passionnant. Abrégez.
Il s'arrête net, à 16h42. Juste là. Au milieu du rayon petit-déjeuner. Vous voyez ? Il a le nez sur les boites de céréales et il ne bougera plus d'un pouce pendant 14 longues minutes.
- Et ?
- Rien. Pendant un quart d'heure.
- Vous cultivez le suspens ou vous comptez embrayer un jour sur quelque chose d'exploitable?
- 14 minutes plus tard, le suspect sort un dictaphone de la poche de son pantalon de costume.
- Et donc ?
- Et donc on le voit dire quelque chose.
- On a l'audio ? On sait au moins ce qu'il raconte ?
- Pas d'audio sur les bandes du supermarché.
- Évidemment...
- Mais on a mieux que ça.
- C'est à dire ?
- On a le dictaphone. Un livreur U.P.S s'est pointé à l’accueil et nous a apporté l'appareil. Une histoire de fou. En trente ans de carrière, j'ai jamais...
- Attendez. Êtes-vous certain qu'il s'agit bien du même dictaphone du même type qu'on voit ne rien faire sur cet enregistrement ?
- Tout à fait certain. Regardez... Les bandes de vidéosurveillance indiquent 16h56 quand le suspect enregistre sa première déclaration officielle. Oui ? Et voici ce que nous avons trouvé sur l'appareil qu'on nous a remis. Entrée audio enregistrée à la même date, à 16h56 précisément.Vous êtes prêt ?
- Balancez.

Sébastien Wendling appuie sur le bouton PLAY du dictaphone. Une voix métallique s'échappe de l'appareil. On entend :

Message à tous les capitaines d'industrie : Vos efforts constants pour décliner à l'infini les variétés de céréales petit-déjeuner n'auront finalement jamais suffit à me convaincre de la pertinence de votre Empire. Bande d'enculés.

Wendling presse STOP. Sans un regard pour son collègue, complètement fasciné, il dit :

- Vous ne trouvez pas ça incroyable ?
- Oh, si. Rassurez-vous. Je trouve ça incroyablement con. Est-ce qu'on a autre chose ?
- On a la suite. Je veux dire, toute la suite. J'ai calé les enregistrements audio sur l'horaire des images de la surveillance. De cette façon, dès que nous verrons le suspect s'adresser à son dictaphone, on saura ce qu'il raconte.
- J'en crève d'impatience.

Sur le moniteur, on aperçoit « le suspect » saisir tour à tour plusieurs paquets de céréales, les secouer près de son oreille, puis les reposer avec minutie à leur place initiale au sein de l'immense rayonnage. Il enregistre :

Message à tous les logiciens : il existe forcément une relation de cause à effet entre la quantité ABSURDE de références en céréales petit-déjeuner disponibles sur le marché et le fait que, quelque part à l'autre bout de la planète, d'innocentes chauve-souris soient contraintes de cohabiter avec l'Homme.

Le suspect finit par choisir un paquet en particulier, peut-être pour ses qualités acoustiques, puis quitte le rayon en semblant parcourir le tableau des apports journaliers, au dos du carton. Il finit par déclarer, à 16h59 :

Message à tous les consommateurs : pour chaque bol de Special K, vous ne facilitez pas uniquement votre transit intestinal. Vous favorisez aussi l'apparition de zoonoses d'origine virale. Félicitations. C'est un peu comme si, au fond, vous baisiez un pangolin.


- Alors ? demande Wendling.
- Alors quoi ?
- Je sais pas... C'est le truc le plus étrange que j'aie entendu dire dans un magasin d'alimentation, moi.
- Simple délire psychotique. Après, que se passe-t-il ?
- Rien pendant environ trente minutes, explique Wendling en visionnant les images en avance rapide. Voyez vous même... Le suspect empoche son dictaphone et se remet à marcher au hasard des rayons. Vous avez remarqué comme il s'arrête juste quelques secondes, de temps à autres.
- Qu'est-ce qu'il fait ?
- Il tousse.
- Infecté ?
- Sans doute. Il s'arrête, se plie en deux et crache ses poumons pendant un petit moment. Puis, il s'essuie la bouche et c'est reparti. Marche nordique, marche nordique, marche nordique. Jusque... Là ! Rayon charcuterie/traiteur. 17H35. Il s'arrête et dégaine de nouveau le dictaphone. Vous le voyez ?
- On peut pas le rater. L'audio ?
- Nouvelle entrée, 17h35...

Cher journal de confinement,
Pourquoi l’État n'a-t-il pas eu recours au rationnement ? C'était la seule option viable. Mais l’État doit avoir d'autre idées en tête, n'est-ce pas ? L’état s'accroche à ses grandes surfaces comme un enfant débile se cramponnerait à son jouet favori, dans une pièce dévorée par le feu.

Cher journal, ce que je crois, si tu veux vraiment savoir, c'est que si les magasins d'alimentation sont encore ouverts au public, il s'agit moins de permettre aux gens de faire leurs courses que de placer le peuple, très cyniquement, face à l’absurdité de sa condition d'éternel consommateur. « Éternel», mon cul. Parce que nous méritons, n'est-ce pas, de crever au milieu des rayonnages Auchan ! La vie, la vraie. Et qu'on affiche scrupuleusement, jour après jour, au journal de 20 heures, les statistiques de nos pertes. Et que ceux qui en ont encore la force continuent d'applaudir à la fenêtre. Et puis pas de panique, surtout ! Il ne faut craindre aucune pénurie alimentaire, chers compatriotes. Nous ne manquerons de rien. De rien, non... Nous risquons juste d'être rapidement à court de dignité.


Observation : De nombreux clients portent des masques en papier, des écharpes, des cols roulés, des gants, des charlottes sur le crâne, des armures en Kevlar. J'ai même croisé une très vieille dame, hier, avec un masque de plongée Décathlon vissé sur la tronche. Eh bien elle ressemblait davantage à une étrange créature des abysses qu'à une cliente Auchan.

Constat : La plupart des gens prennent donc encore un peu soin d'eux, c'est vrai... Mais j'en croise aussi d'autres, toujours davantage, qui se laissent complètement aller. Ils s'en foutent. Ils n'ont plus peur. Certains éternuent même droit devant eux, sans complexe, projetant leurs gouttelettes létales à 3, 5, 10 mètres... (personne n'est d'accord là-dessus). Et donc ils marchent, tout comme moi, les mains dans les poches.

Conclusion : Soit ils ont déjà été malades, soit ils ne font plus rien pour éviter de le devenir.


Conjecture : Selon moi, ils ont regardé tomber les chiffres, chaque soir de chaque putain de jour, pendant des semaines et puis, subitement, ça n'a plus eu aucun sens pour eux. Ils en ont eu plein le cul, des ces agressions statistiques quotidiennes. Peut-être qu'ils ont déjà perdu des proches. Peut-être que ce sont des vieux, et qu'ils se retrouvent seuls. Peut-être qu'ils espèrent que ce soit enfin leur tour. Peut-être qu'ils ont vu ces photos des habitants de Wuhan, faire la queue devant un funérarium, en espérant récupérer les cendres de leurs proches. N'importe quelles cendres puisqu'il serait idiot de penser que les employés aient pu s'y retrouver là-dedans. Ni même qu'ils aient seulement essayé. Toutes les cendres se valent, à la fin.
Et à la fin, quoi ?
Il faudrait encore faire gaffe ? Éternuer dans son coude ?
Il faudrait encore faire la file ?
Non, ça ira, merci bien.
Au cul, la file.
AU - CUL - LA - FILE !
AU - CUL - LA - FILE !!


Toujours adossé au mur depuis le début de la scène, Saulnier de Salvaris se projette brusquement vers la console audio-vidéo, les yeux plissés, jusqu'à venir coller son visage sur l'écran. Il dit :

- Wendling... Expliquez-moi. Juste pour être sûr. Vous comprenez ce qu'il fabrique ?
- Oui.
- Faites un effort. Je vous autorise à élaborer un peu, pour une fois.
- Eh bien le suspect est manifestement victime d'un accès de rage. Quelque chose de profond. Nous avons affaire à un homme extrêmement perturbé qui se frappe la tête avec une saucisse sèche en répétant « Au cul, la file ». Psychiquement, c'est à ce moment précis que je considère que notre gars s'effondre.
- Je crois que j'avais suspecté cet effondrement dès la remarque sur les céréales et les pangolins.
- Les frontières de la démence ne nous apparaissent pas toujours au même endroit. Vous avez vu comme les autres clients s'éparpillent, autour de lui ?
- Oui, ça au moins, je peux parfaitement le comprendre.
- Un petit pas pour les gestes barrière.
- Et un pas de géant pour la connerie. Vous pouvez agrandir l'image ?
- Agrandir ?
- Faites le point. Je veux voir son visage.
- Vous voulez voir son visage...
- Oui. Je veux voir les yeux de ce fils de pute.

Wendling appuie sur la touche de la console commandant l'arrêt du défilement des images de la télésurveillance. Puis il donne une légère impulsion sur ses jambes pour faire rouler sa chaise vers l'arrière et attraper un paquet de cigarettes qui traîne sur le bureau. Enfin, il fouille chacune de ses poches à la recherche d'un briquet pendant ce qui paraît être à Saulnier un temps considérable. Wendling finit par allumer une clope, les yeux plantés dans ceux de son collègue, souriant en coin. Exhalant une première bouffée de tabac, il demande :

- Vous savez quelle est ma scène préférée de toute la saison 1 de True Detective ?
- Non. Surtout, ne recommencez pas à me...
- Attendez avant de me répondre. Je veux dire, on est d'accord : il y a beaucoup de scènes très réussies. Prenez la scène où les inspecteurs Hart et Cohle, joués respectivement par Woody Harrleson et Matthew Mc Conaughey, découvrent le corps de la première victime. Prenez cette scène-là. Très très réussie. L'inspecteur Cohle, accroupi derrière cette fille, la victime donc, en train de griffonner des trucs dans son grand carnet relié cuir, en train d'esquisser un dessin de cette jeune femme nue posée au pied d'un grand arbre dans une position expiatoire, avec des bois de cerf posés sur la tête. Et l'inspecteur Hart, ses yeux surtout, qui expriment son incompréhension totale face à ce type de meurtre rituel, et en même temps, dans ces yeux, on devine une volonté, une force. Autour de ce trio, rien que des champs brûlés. Magnifique scène. Eh bien vous savez quoi ? En dépit de la virtuosité cinématographique déployée ici, et dans bien d'autres séquences de la saison 1, le passage dont je me souviens le mieux, c'est quand l'inspecteur Hart rend visite à Lisa Tragnetti, une sténographe judiciaire assez canon, et que cette fille finit par baiser Hart sur le canapé, après lui avoir passé les menottes. Il faut dire qu'Alexandra Daddario, qui interprète la maîtresse du détective Hart, affiche une paire de seins assez inoubliable. On l'a d'ailleurs vue occuper un des rôles principaux d'Alerte à Malibu, version 2017.

Saulnier, toujours debout à ce stade du débrief, saisit par le dossier la chaise qui se trouve près de lui et la balance rageusement à l'autre bout de la pièce. Wendling ne semble pas davantage impressionné que si son collègue venait de reboucher son stylo à bille. Il regarde la chaise rebondir trois fois, puis il éteint sa cigarette sous sa chaussure. Saulnier, hors de lui, explose :

- Mais enfin vous êtes complètement con ou quoi ? Pourquoi est-ce que vous continuez à me raconter toutes ces merdes SANS LE MOINDRE RAPPORT AVEC QUOI QUE CE SOIT ? Pourquoi faites-vous ça sans arrêt ?
- Je vous raconte ça, en particulier, Monsieur, pour que vous compreniez que je suis moi aussi un grand amateur de séries policières mais que là, tout de suite, en ce qui concerne les bandes de télésurveillance de ce magasin Auchan de banlieue, eh bien non, il n'est pas envisageable de « faire le point », comme vous dites, ni donc de « voir les yeux de ce fils de pute ». J'en suis le premier désolé, croyez-moi. J'aurais adoré que nous puissions vivre un moment de ce genre, tous les deux. Mais voilà, je ne peux pas zoomer.
- Wendling... Je vous promets que je m'arrangerai pour que vous soyez fusillé par un peloton de soldats aveugles.
- Vous gênez pas, surtout. Bon... Maintenant que nous avons identifié les limites techniques du matériel mis à notre disposition, devrions-nous poursuivre ?

Saulnier, toujours fou de rage, reprend sa position initiale, bras croisé, dos au mur. Wendling relance les images de télésurveillance. Le suspect déblatère toujours dans son dictaphone, adressant parfois de grands gestes à l'attention des clients qu'il croise. Son pas lourd et saccadé semble au diapason des soubresauts de sa pensée. Nouvelle entrée audio, 17h41 :

Peut-être que ce qui pourrait leur arriver de pire, maintenant, à tous ces pauvres cons, ce serait de découvrir qu'ils sont immuns. Condamnés à vivre encore quelques mois, quelques années dans ce monde vérolé. Condamnés, surtout, à l'affronter seul.
Alors, ils implorent : « Pitié... Enfoncez-moi une fourchette dans chaque œil. Parce que je refuse d'être témoin de cette farce ».

Envolée lyrique : La seule chose qui pourrait être plus pénible que « la grande vague », en vérité, sera sans doute le calme après la tempête.

Enseignement majeur : Si le monde redevient comme avant, après tout ça, je serai moralement obligé de me tuer.


A ce stade du débrief, le téléphone de Saulnier se met à sonner. Wendling interroge son collègue du regard. Saulnier ordonne :

- Il faut que je réponde. Vous, vous ne bougez pas. Vous restez là et vous m'attendez. Je ne veux pas rater une miette de ce truc.
- Je bouge pas. Je ne vais nulle part.

Wendling, laissé seul dans la salle de réunion, ouvre le tiroir du bureau et saisit son arme de service, un Sig Sauer semi-automatique qui devrait se trouver ailleurs ; à l'armurerie en l’occurrence. Mais enfin la période est pour le moins confuse et l'application des protocoles souvent mise à rude épreuve. Wendling regarde attentivement son arme (comme un observe un animal réputé dangereux que l'on a encore jamais vu se foutre vraiment en rogne).

Ensuite il actionne la molette située sur la console, qui commande l'avance ou le recul rapide de la bande. Et il joue un moment avec la silhouette du suspect, le faisant avancer, reculer, avancer, reculer, à travers les rayons de la grande surface. Et Wendling parle tout haut. Et Wendling dit : « Où est ton morceau de fromage ? Hein, camarade ? Où est la sortie du labyrinthe ? ».

Puis son regard se porte à nouveau sur son arme et il déclame d'une voix solennelle : « Vos efforts constants pour décliner à l'infini les variétés de céréales petit-déjeuner n'auront finalement jamais suffit à me convaincre de la pertinence de votre Empire. »

Enfin, il place le canon du Sig-Sauer dans sa bouche et appuie sur la détente. Le pistolet ne produit qu'un clic métallique, aucune balle n'étant logée dans la chambre. Mais Wendling rejette son buste en arrière, s'effondre sur sa chaise, et il ne bouge plus pendant quelques secondes, les bras ballants, les jambes inertes, le pistolet toujours coincée dans la bouche.
« Bande d'enculés », dit-il enfin en reprenant son arme.
Puis il se redresse, loge une balle dans la chambre et désengage la sécurité. « A plus tard, cher Mc Guffin », dit-il en rangeant le Sig-Sauer dans le tiroir.



Partie 2

« On fait comme si, on fait comme on peut »
Calogero, chanteur caritatif. Mars 2020.

La porte de la salle de réunion s'ouvre brutalement sur un Saulnier de Salvaris déconfit, téléphone en main, l'air mauvais.

- Alors, quoi de neuf dehors ? demande Wendling.
- C'est la merde ! OK ? La. Grosse. Merde. C'est le chaos... Cette fois, on y est jusqu'au cou. Vous ne devinerez jamais ce qu'ils ont osé faire à Jean Jacques Goldmann... Dégueulasse. On est mal, Wendling. On est même pas certains d'avoir encore tous nos flics avec nous. Quant à l'armée, les renseignements dont je dispose indiquent que la situation est tout à fait hors de contrôle. Vous avez déjà assisté à une mutinerie ?
- Non, je n'ai pas eu cette chance.
- Vous allez voir, ça va piquer.
- Eh bien peut-être que je ne serai pas fusillé, finalement... Est-ce qu'on reprend ?
- Oui, on reprend. Pas le choix... Je veux savoir précisément comment un connard en claquettes a pu se trouver à l'origine d'un tel merdier.
- Bien, dit Wendling en relançant la vidéo de télésurveillance. Il est 18h03 sur les images que nous sommes en train de voir. Le suspect se trouve au rayon habillement et... Ça ne va sans doute pas vous plaire, mais comme vous le voyez, il s'entretient avec un mannequin femme portant une robe printemps-été et un chapeau de paille.
- C'est un cauchemar. On a une entrée sur le dictaphone à cette heure-là ?
- Oh, nous avons plus exactement une PUTAIN d'entrée sur le dictaphone à cette heure là, Monsieur.
- Très bien. Envoyez...

Tu vois Sonia, c'est simple, moi je viens ici tous les jours. Pas systématiquement pour acheter des trucs. La plupart du temps, je viens juste me dégourdir un peu les jambes. Peut-être que j'essaie aussi de prendre la mesure de ce qu'il se passe. De rester au contact. Et puis surtout, je viens ici tous les jours parce que c'est l'une des dernières sorties autorisées. Si j'avais un chien, Sonia, tu sais ce que je ferais ? Je le raclerais toute la journée sur le bitume. Je le promènerais jusqu'à ce qu'il fonde, ce bâtard. Mais je n'ai pas de chien. Je vis seulement avec ma mère.

Enfin disons qu'il y a encore dix jours, je vivais avec ma mère. Mais, devine quoi... Les médecins ont eu le mérite d'être honnêtes. En gros, pour ce qui était de l'accès à un quelconque matériel de réanimation, on avait oublié d'inscrire maman sur la guest-list. Elle avait 74 ans et elle souffrait du syndrome de Parkinson, tu comprends ? En terme de diagnostic, ça a été relativement rapide. Le docteur en charge de son dossier a haussé les épaules au bout de quinze secondes, il s'est retourné vers moi et il a dit  : « Monsieur, à moins qu'on se décide à jouer un respirateur au Bingo, elle est fichue. Je suis désolé ».

Bref, elle a pas encombré longtemps. Elle est morte en 24 heures. Je suis allé chercher ses cendres au funérarium ce matin.
Sonia, faut que tu saches un truc : je suis en deuil et, putain, je crois que je ne suis vraiment, vraiment pas content.


Sonia, écoute-moi bien maintenant, petite conne superficielle en plastique. Tu ne me croiseras jamais dans les couloirs sordides d'un C.H.U de banlieue, abandonné en diagonale sur un brancard, sans même un bouquin ou une perfusion de glucose. Tu m'entends ? Jamais ! Jamais non plus, je ne m'abaisserai à user d'un charme que je ne possède pas, de toute manière, auprès du personnel soignant, dans l'espoir que l'on m'attribue un ticket pour le service réanimation. Leur liste d'attente, ils peuvent se la carrer au cul ! Je ne tendrai pas la main. Je céderai volontiers ma place dans la file.
Et tu sais pourquoi ?

Crever, c'est pas grave. Sur le principe. Mais pas comme ça. Pas avec eux. Pas au milieu de tout le monde. Pas en même temps. Pas en minaudant  : « Regardez-moi. Regardez-moi s'il vous plaît. Hey, vous ! Jeune stagiaire en orthodontie appelée en renfort et sans le moindre pouvoir de décision, oui vous, ma petite chatte, regardez comme j'ai moins de cinquante ans, un CDI, aucune comorbidité notable et l'envie d'innover pour mon pays. Oh... Et regardez ce qui vient de tomber de ma poche... Deux mille balles qui disent qu'une place vient de se libérer pour moi, en « réa ». Mademoiselle ! Deux mille balles, vous pouvez compter. Tout ce que je demande c'est qu'on me foute dans le coma et qu'on m'entube bien profond. En gros, je veux retrouver ma vie d'avant. Ni plus ni moins. 2000 balles. Prenez-les ! C'est une somme ...»

Ah ah. Sacré Sonia... La vérité, c'est que je fume comme un dératé depuis que j'ai douze ans parce que je suis un de ces mecs tristes qui écoutent Eliott Smith. Par ailleurs, j'emmerde ce pays et je vomis ceux qui le tiennent. Je suis chômeur longue durée. Mais très bien, je te l'accorde : j'ai moins de 50 ans. 47 pour être précis. Cela dit, je ne participerai pas à l'engorgement de leurs saloperies de capacités d'accueil.

Je crèverai où je veux, quand je veux.


Sonia... Il y a encore un dernier truc que je voudrais te dire. C'est à propos des rites de passage à l'âge adulte. C'est une réflexion que je me suis faite tout récemment, en lisant un livre sur les tribus primitives. J'ai beaucoup lu, ces derniers temps. Le confinement, tu vois... On s'emmerde. Et puis j'aime pas le yoga, alors bon... Enfin bref, à Vanuatu, tu as cette tribu de nudistes, et donc, quand un jeune garçon du groupe atteint l'âge de 15/16 ans, ce qu'ils font, c'est qu'ils lui attachent une liane à la cheville. Une simple liane. Ensuite, ils le font sauter d'une tour spécialement dressée dans ce but. Du coup, on voit tout de suite ceux qui en ont une paire. Et puis les autres. Les garçons commencent à sauter à sept ou huit mètres, et au fur et à mesure qu'ils grandissent, ils vont se jeter depuis des hauteurs plus considérables. Ceux qui s'élancent depuis la tour de 98 mètres sont considérés comme de gros niqueurs potentiels. C'est beau, non ? Un genre de saut à l’élastique mais avec une liane. Pour gagner le droit de féconder les meufs les plus fraîches de la tribu. Fascinant, hein? Ça devrait parler même à une connasse superficielle en plastique dans ton genre. Non ? Eh bien, c'est ce que j'appelle un vrai beau rite de passage à l'âge adulte, ça.
Solide.
Carré.
Chez nous, c'est tout à fait différent. Il suffit de prendre une cuite à la gnôle.

En ce qui me concerne, quand j'avais quinze ans, mon père s'est pendu à un câble électrique, dans le garage de notre maison. Et tu vois, pour devenir un homme, moi, tout ce que j'ai eu à faire c'est appeler le 18. Et aussi vomir sur un établi.

Mais quel rapport avec le reste ?
Hein ?
C'est ce que tu vas me demander, n'est-ce pas Sonia... Quel rapport avec ce que nous vivons actuellement ? 
Et ma mère décédée ? Et ma phobie des hôpitaux publics ?


Le rapport Sonia, le voici : depuis l'âge de 15 ans, je n'ai plus jamais considéré la mort comme une fatalité. Tu vois le truc ? La notion fondamentale de libre arbitre est la seule que je respecte vraiment. Le suicide, Sonia. Le SACRO SAINT SUICIDE OUAIS ! La vie des gens aurait TELLEMENT PLUS DE SENS s'ils gardaient constamment en tête qu'ils peuvent de se foutre en l'air à tout moment. Et s'épargner le pire.


- OK. Arrêtez-moi ça, Wendling ! implore Saulnier de Salvaris. J'ai entendu suffisamment de conneries pour aujourd'hui.
- Je vous comprends. Rien de tout ça n'est facile à encaisser. Moi même, qui me suis tapé cet enregistrement je ne sais pas combien de fois depuis hier, j'ai du mal à m'en détacher.
- Allez, on abrège. Coupez-moi cette merde et racontez-moi simplement ce qui se passe.
- Le suspect quitte la grande surface vers 18h30. Je précise qu'il a fini par acheter un bidon de 5 litres d'alcool à brûler et aussi...
- Quoi ?
- Un fémur de bœuf fumé.
- Développez, par pitié.
- Un article qu'il a trouvé au rayon animalerie. Ce n'est ni plus ni moins qu'une friandise XXL pour les très gros chiens. Ça permet de stimuler la mastication, il paraît. Un fémur de bœuf fumé, quoi. Emballé sous film plastique. 3 kilos. On trouve de tout chez Auchan.
- Et on sait l'usage qu'il comptait faire de ce machin ? Il vient de dire qu'il avait pas de chien...
- On ne sait que trop bien ce qu'il comptait en faire. Vous comprendrez vite, quand nous visionnerons la vidéo suivante.
- Celle du box ?
- Celle du box, oui.
- Très bien. Finissons-en d'abord avec celle-ci. Que fait le suspect après avoir passé les caisses ?
- Les dernières images que nous avons de lui sur ces bandes sont celles du parking. On le voit rejoindre son véhicule, ouvrir le coffre et y balancer le bidon et l'os. Ensuite, on voit clairement qu'il parle à quelqu'un qui se trouve déjà là, dans son coffre.
- La victime ?
- Sans aucun doute. Mais les images ne permettent pas de l'affirmer.
- Bien. Très bien. Maintenant, montrez-moi la vidéo de ce foutu box. Qu'on en finisse.
- Je vous cale ça. Mais je préfère vous prévenir, c'est... Enfin, c'est assez dur à regarder.
- Après ce que vous venez de m'infliger, Wendling, je pense que ça va aller...

Wendling pousse quelques boutons sur la console.
Et il dit « Non. Je vous assure. Ça ne vas pas aller. Ça ne vas pas aller du tout... »


Partie 3

« Chaos is a friend of mine »
Bob Dylan

Ce qui suit est une retranscription du document vidéo amateur intitulé « Tuto Make-up - Sublimation du regard : smoky eyes et immolation par le feu.avi ».

Filmée à l'aide d'une caméra Panasonic VHS NV-M7 (vraisemblablement montée sur trépied et commandée par un complice), la vidéo a rapidement fait l'objet de nombreux signalements, puis a été retirée des plate formes de partage mainstream. Néanmoins, celle-ci a été massivement relayée sur Periscope, Twitch, IPFSTube, Sendvid...
On estime qu'elle a été visionnée 7 millions de fois, quelques heures seulement après sa mise en ligne.
La durée du document est de 13 minutes et 45 secondes.
Il s'agit principalement d'un long plan séquence.
Quelques éléments de montage très rudimentaires sont à noter.
Pour le reste, l'opérateur de la caméra n'agit qu'à de rares reprises, se contentant la plupart du temps de zoomer/de-zoomer.

La vidéo ouvre sur quelques secondes du film « La cité de la peur », par dessus lequel on a vraisemblablement enregistré « Tuto Make-up - Sublimation du regard : smoky eyes et immolation par le feu.avi ». On voit donc Alain Chabat courant comme un dératé sur la promenade des anglais, à la poursuite du criminel à la faucille et au marteau (« Youri, pourriture communiste »). La traque de Serge Karamazov (Alain Chabat) est perturbée par le fait que ce dernier est victime d'une gastro-entérite aiguë. Tiraillé par ses entrailles, Karamazov doit abandonner la poursuite. Impuissant, il finit par s'écrouler au sol et vider le chargeur de son arme en tirant vers le ciel niçois, afin de couvrir les bruits produits par l'écoulement d'une abondante diarrhée.

On ignore à ce stade si la présence de cet extrait est consciente/symbolique ou s'il s'agit d'une manifestation supplémentaire de l'amateurisme flagrant du projet, dans son ensemble.

Quoi qu'il en soit, les images du film « La cité de la peur » finissent par se brouiller puis disparaître tout à fait. Un plan fixe les remplace, montrant l'intérieur de ce qui paraît être un box situé dans un parking souterrain. Éclairage au néon. Murs en ciment.
Le suspect est installé sur un siège de voiture posé sur des parpaings, au centre de l'image. Il porte un costume noir, très élimé, et une paire de claquettes de piscine. Il fixe l'objectif de la caméra.
En arrière plan, au fond à gauche du box, on distingue un autre homme, assis devant un piano.
Celui-ci regarde le clavier de son instrument. Son visage est tuméfié. Son attitude générale indique un probable état de choc. Peut-être aussi une intoxication à un produit stupéfiant. Il ne semble pas être en mesure de comprendre ce qu'il fait là. Il est, en gros, complètement stone.

Derrière le pianiste, un agrandissement de la courbe de propagation du COVID-19 a été scotché au mur.
Enfin, à gauche du suspect, on trouve une simple planche sur tréteaux, sur laquelle sont visibles  un dictaphone, une urne funéraire, un bidon d' alcool à brûler, quelques boites d'allumettes et un fémur de bœuf ensanglanté.

Après avoir fixé la caméra pendant quelques secondes, puis s'être remis d'une violente quinte de toux, le suspect se met enfin à parler.

Bienvenue sur ma chaîne. On se retrouve pour un tuto « make-up / combustion spontanée » avec à mes côtés, aujourd'hui, un chanteur populaire et néanmoins détestable : Calogero, Mesdames et Messieurs.

Dis bonjour aux copains, toi !

Allez secoue-toi un peu... Hey ! Sac à merde ! Je te parle !


L'homme au piano lève timidement la main et tourne la tête vers la caméra.

Voilà. Salut l'artiste. Pardonnez-le s'il est un peu lent. C'est à dire qu'il a déjà pas mal dérouillé.
Hein, que tu t'en es déjà pris plein la gueule ?


L'homme au piano recommence à fixer son instrument.

Ben oui, vous imaginez bien qu'il n'est pas venu de son plein gré me faire l'honneur d'une visite. Non, non. Il a fallu que je lui défonce un peu la tronche avec un fémur de bœuf, avant ça. Par ailleurs, je l'ai drogué à la kétamine.
Alors...
Faisons un peu les présentations, quand même. Voyons ce que l'Histoire retiendra de toi, mon grand.


Le suspect s'empare d'une feuille qui traîne sur son bureau. Probablement un imprimé de la fiche Wikipédia du chanteur.

Calogero. De son vrai nom, Joseph Salvatore Maurici. Né en 71, à Échirolles. Chanteur, compositeur, musicien français. Ouais, admettons. Je sais pas... C'est beaucoup de compétences, à mon avis, en ce qui te concerne. Mais passons. Alors... Sept albums solo. Des collaborations à la pelle. Un nombre très suspect d'albums collectifs... Très suspect, tout ça. Deux NRJ Music Awards. Félicitations. Impressionnant. Trois victoires de la Musique. Trois, putain... Sans déconner. Achevez-moi. Et enfin heu... Ben rien. On a presque fait le tour... deux ou trois autres distinctions qui n’intéressent personne. Parents siciliens, une sœur, deux frères. Avant de se lancer dans la musique, tu as été apprenti plombier à Grenoble et apprenti boucher à Paris. On sent effectivement une certaine tendance au massacre, dans ton approche de la mélodie. Bon, voilà. Enfin et surtout, notre invité du jour s'est fait remarqué récemment en enregistrant une chanson intitulée « On fait comme si », une chanson BIEN CON, bien dégueulasse, qui évoque à chaud et SANS LE MOINDRE RECUL ARTISTIQUE PREALABLE, la situation de confinement que nous connaissons tous aujourd'hui.

Vraiment, j'insiste, c'est ce dernier morceau qui justifie la présence de l'artiste avec moi ce soir. On peut dire que cette chanson a vraiment attiré mon attention. Putain... Quand j'ai vu la vidéo que tu as postée, toi, devant ton piano dans ton pull tricoté à la main, à minauder comme une collégienne en échec scolaire, je te jure que tout a changé. Après t'avoir entendu miauler la phrase « Un homme chante, là-bas, sur un balcon. Sa voisine l'accompagne au violon », à 1min15, je te jure, je SAVAIS que j'allais te faire du mal. Il est devenu très clair que j'allais prendre tout un tas de risques pour arriver jusqu'à toi et te PUNIR, mec. Quelque chose s'est brisé en moi, pour toujours. Et au refrain, quand tu susurres « On fait comme si, tout n'était qu'un jeu. On fait comme ci, on fait comme on peut », j'ai vomi. Littéralement. Enfin, mon corps a vomi. Moi j'avais plus rien à dire. Tu comprends ? Mon corps a été agressé dans l'intimité de sa chair. Alors oui, je vais sans doute te faire encore du mal dans les minutes qui viennent mais sois certain que c'est TOI qui a commencé.

Enfin bref, si Calogero nous fait le plaisir d'être avec nous aujourd'hui, c'est uniquement parce que je suis allé le débusquer chez lui, que je lui ai bien démonté sa sale petite gueule d'auteur-compositeur-interprete et que je l'ai mis dans mon coffre.

PAS VRAI DUCON ?


Je ne crois pas qu'il serait venu si je m'étais contenté de contacter son agent. Mais enfin l'important, c'est qu'il soit là, n'est-ce pas, pour qu'on puisse évoquer ensemble deux ou trois trucs qui me tiennent particulièrement à cœur en ce moment...

Et puis, à ma gauche, dans cette urne, là, que j'a récupérée ce matin au funérarium, c'est ma mère. Elle s’appelait Jacqueline G. , elle avait 73 ans. Elle était drôle et elle était vraie et elle aimait les gens. Elle n'avait AUCUN voisin pour l'accompagner au violon et d’ailleurs, il ne lui serait JAMAIS venu à l'idée d'aller chanter COMME UNE CONNE A SON PUTAIN DE BALCON ! On a pas de balcon, pour commencer mais surtout, on a un truc tout bête, chez nous, qui s'appelle LE RESPECT DE SOI-MÊME, espèce de connard !


Elle méritait autre chose que de mourir un jeudi, seule, préalablement triée du mauvais côté de la barrière. Je suis donc UN PEU EN COLÈRE, comme je le disais encore cet après-midi à ma vieille copine Sonia.
Enfin, bref...
De toute façon, j'y reviendrai.


Mais pour le moment, je voudrais commencer par le plus difficile, tant que j'ai votre attention.
La colère, nous le verrons à la fin de cette vidéo, ça peut se régler assez facilement.
Il suffit d'embrasser pleinement la chose.

Mais plongeons directement dans le dur , si vous le voulez bien.
La leçon du jour portera donc sur les courbes exponentielles.
Voilà.


A ce stade, on peut observer la seule coupe au montage présente sur « Tuto Make-up - Sublimation du regard : smoky eyes et immolation par le feu.avi ». On note également une incrustation de texte, servant ici de transition, une animation particulièrement rudimentaire et tournoyante, qui donne à lire « Les courbes exponentielles », clignotant à l'écran. En rouge.
Le suspect, à présent situé en arrière plan, près de l'agrandissement de la courbe du COVID-19 scotché sur le mur du fond, reprend son monologue. Il crie un peu, sans doute pour compenser son éloignement du micro de la caméra

Il est extrêmement difficile de communiquer autour des courbes dites « exponentielles » !
Les gens ont du mal à apprécier l'effrayante beauté qu'elles représentent. Le recours à la métaphore est quasiment inévitable. Par exemple, prenez mes toilettes. Mes toilettes mesurent environ 10 mètres carrés.
Bien.
Alors, mettons que la taille de mes toilettes se mette à doubler chaque jour, pour une raison inconnue . Et mettons que, pour une raison plus étrange encore, je me sente investi du devoir d'alerter mes contemporains de la gravité potentielle de la situation.

Question : à quel moment faut-il que je me manifeste ?


Question importante, question fondamentale même puisque, nous allons le voir, le sens du timing, c'est ce qui fait ici TOUTE la différence. Alors... Disons qu'au cinquième jour de crise, j'ouvre la fenêtre du salon, celle qui donne sur la rue, et que je me mette à brailler :
« Citoyens, citoyens ! Ecoutez-moi ! Voilà le topo : mes chiottes doublent quotidiennement de surface pour une raison qui m'échappe ( et ce n'est d'ailleurs pas le sujet). Bref, il faut savoir que mes toilettes occupent maintenant toute la surface de ma maison. Et ce n'est que le cinquième jour, les mecs. Alors, voilà... Je crois qu'on a un problème...».

A ce stade, si je leur balance l'info comme ça, les gens de la rue vont me répondre « Quoi ? ». Ils vont me répondre : « Mais on s'en bat les steaks, mec ! ». Ils vont me répondre : « Hey ! C'est pas notre problème, ça, dugland. Du moment que tu fais tes saloperies chez toi... ».

En somme, ils ne prendront pas du tout la mesure du bordel.


Alors, je leur lancerai, un peu énervé quand même  : 

« Mais bande d'enculés, c'est justement là que vous sous-estimez la beauté effrayante d'une courbe exponentielle. Vous savez quoi ? J'ai posé deux ou trois calculs, vite fait, et au rythme actuel de croissance de mes chiottes, elles auront recouvert l'intégralité de la surface de la planète dans un mois et douze jours... ».

Ce à quoi ils répondront : « Mais oui, bien sûr, bien-entendu. Eh bien bonne journée, Monsieur. Cordialement. Restez chez vous »

Bref, ils ne me croiront pas.
Et mes chiottes finiront par envahir le monde, impitoyablement.


Et c'est là que réside, précisément, ce que j'appelle la beauté effrayante d'une courbe exponentielle.

Vous ne pouvez pas vous rendre compte instantanément de la gravité de la situation.

Vous voyez cette courbe des infections du Covid-19 , là, au mur ? Elle est chouette, hein ? Zoome un peu là-dessus, toi. Vous l'avez tous déjà vue des centaines de fois, dernièrement, cette courbe. Mais vous ne voulez pas comprendre ce qu'elle raconte vraiment. Ce que cette courbe raconte vraiment, les copains, c'est :

« Vous avez fait n'importe quoi. Vous avez multiplié les références de céréales petit-déjeuner. Et aussi, vous avez fait de la merde avec les pangolins. Maintenant, il me faut quelques centaines de milliers de morts. Point final. C'est tout à fait non négociable. Et vous aurez beau vous planquer, bande de gueux, je vais me servir !  »


Cette courbe, elle demande : « Dans quel EHPAD planquez-vous votre grand père, espèce d'irresponsable ? Et où est votre cousin obèse, tant que je suis là ? Et surtout, ne faites pas d'histoires parce que vous l'avez vu venir, le truc  »...

Le suspect, à ce stade, reprend place dans le siège de voiture. Sa voix redevient plus posée.

Il est donc, comme je viens de l'illustrer, extrêmement difficile de communiquer en situation de crise, dans le cadre d'une courbe dite exponentielle. Et encore, j'ai recours à des métaphores percutantes. Je veux dire... les toilettes ça parle à tout le monde. C'est un bon exemple. En tout cas, c'est toujours plus parlant que les informations dont on vous gave depuis des semaines dans les médias.

Bref...
Écoutez...
La vérité, c'est que je n'ai pas spécialement « réussi mon confinement », les copains.
Non.
Pas du tout, en fait.
A aucun moment, je n'ai été touché par la grâce, ni rien.
Enfin, jusqu'à aujourd'hui, peut-être.
Mais rassurez-vous, je vais pas vous expliquer de quelle manière vous devriez mettre ce temps à profit pour faire du gainage abdominal. Pendant que votre pain-maison cuit au four. Je ne vais même pas vous conseiller de rester chez vous, en attendant de crever comme des rats. Ce que je veux vraiment vous dire, c'est que le système est à genoux, à l'heure où on parle.
Voilà.
C'est la seule chose importante.

Ceux qui nous tiennent depuis des décennies sont en train de comprendre qu'ils ont tout faux, que leurs gestes barrières c'est DE LA MERDE, qu'ils sont ridicules et que TOUT LE MONDE LES DETESTE. Et ils sont à la rue. Ils viennent CHIALER parce qu'ils se font piquer leur commande de masques sanitaires sur le tarmac d'un aéroport chinois.. Et ils gémissent... Parce que d'autres enculés encore plus bâtards qu'eux ont triplé la mise et rafler le gros lot. Et ils sont tous là, OUIN OUIN MES MASQUES... MAIS PUTAIN  ! Qu'est-ce que vous pensiez ? Que vous alliez vous faire baiser en finesse ? Vous chialez mais c'est le système de l'offre et la demande, là, les mecs ! Vous vous souvenez, ou pas ? Ce système que vous promouvez depuis toujours, bande de baltringues !

Enfin bref, les mecs sont à genoux.
Par conséquent, nous avons, nous qui sommes en train de crever, nous le peuple, nous les vieux, nous les obèses, nous les travailleurs pauvres, nous les enculés...
Nous avons une fenêtre de tir.
Elle est mince et elle ne se représentera pas de sitôt.
Alors, si nous voulons punir ces enfoirés, je vous le dis : c'est maintenant ou jamais. Il faut les frapper tant qu'ils sont au sol. De la même manière, et aussi fort qu'ils nous tabassent DEPUIS TANT D ANNÉES.

Ce qu'on va faire, c'est qu'on va sortir, on va se foutre leur confinement au cul et on va ALLER CHERCHER CE QUI NOUS APPARTIENT !


Certains d'entre-nous vont mourir. C'est vrai. Mais en vérité, ils sont déjà en train de mourir. Souvenez-vous : l'effrayante beauté des courbes exponentielles. Il n'y a strictement rien à faire. Et ceux-là, ils meurent déjà. Et vous savez quoi ? Ils meurent seuls et abandonnés de tous. Ils finissent à Rungis et il faut encore raquer pour récupérer leurs cercueils en carton. C'est ça qu'on veut ? C'est comme ça qu'on veut disparaître ? Je sais pas pour vous, hein, et en vérité, quelque part, je m'en fous...
Mais en ce qui me concerne, je ne vais pas attendre tous les soirs qu'on m'annonce des horreurs, des chiffres à la con... En gros, je refuse de crever enfermé et impuissant, SUR UNE MUSIQUE DE CALOGERO !


D'un point de vue darwinien, la gestion mondiale de cette crise est un non sens absolu. Des gens de plus de 80 ans sont en train de mourir en masse et on n'y peut rien. Voilà. On ne peut que retarder un peu l'échéance et pendant ce temps, la moitié de la population mondiale est enfermée chez elle, désemparée, se préparant à être bientôt violée économiquement, digitalement et moralement.

Mais le fond du problème, c'est pas le Covid ! C'est tout le reste !

Le problème, c'est que pendant qu'on s'enferme comme des pleutres, notre espèce est menacée de toutes parts !
Vous savez ce qu'ils font en ce moment ? Vous avez pris cinq minutes pour lever les yeux au ciel, dernièrement ? Parce qu'accrochez-vous, ils ont en train de balancer une constellation de satellites à la con, tout ça parce qu'un certain Elon Musk a un micro pénis et aussi l'ambition de changer le monde et l'humanité !
Regardez le ciel au crépuscule, pendant que vous êtes en train d'applaudir un personnel soignant qui ne vous a rien demandé et vous trouve ridicule, par ailleurs. Regardez le ciel et observez cette traînée de satellites de merde. Ce ne seront pas les derniers. Pourquoi ? Pour développer le réseau Internet du projet SpaceX. Et bientôt pour vous permettre d'accéder à la 5G.
La 5G...


Pourquoi est-ce que personne ne la voit arriver, cette vague là ? Le problème, c'est que si on continue à ne rien faire, nous mourrons dans 10 ans.
Mais alors TOUS, cette fois.

La grande vague du COVID ?
Mais quelle vague ?
Vous prenez les clapotis de bord de mer pour des lames de fond !

Les vieux enculés tiennent le monde. Voilà ce que révèle la gestion de cette crise. Les vieux actionnaires au bord de la mort, qui refusent de lâcher un putain de kopeck sur leurs derniers mois d'opulence.
Et tant pis s'il faut enfermer le reste de l'Humanité en attendant !


On nous abreuve de statistiques flippantes. Mais vous savez ce que j'aimerais savoir, moi ? Combien de personnes ont dansé aujourd'hui ? Je voudrais vraiment savoir à quel point cette courbe là est en train de se casser la gueule. Combien de personnes ont eu un fou rire ? Combien ont du être réanimées parce qu'elles se sont marrées comme des baleines ?

Ils veulent aplanir cette courbe exponentielle. Mais pour qui ils se prennent ? Moi je voudrais leur aplatir la gueule !
Tout simplement.
PARCE QUE JE NE ME PRENDS PAS POUR DIEU, MOI !!

Et puis merde, MUSIQUE !


Calo, mon petit Calogero... Je t'en prie, joue-nous ta petite chanson.
C'est le moment.
Joue, mon beau. On va pas terminer cette vidéo comme ça, sans se divertir un peu.
Alors, vas-y.
Cette fois, je regrette, mais les bénéfices tirés de cet enregistrement n'iront pas au personnel soignant. Mon petit Calo sous Kétamine, il va la jouer pour rien, sa chanson de merde. Juste parce que je lui demande et que s'il le fait pas, je vais lui enfoncer un fémur de bœuf dans sa petite gueule jusqu'à ce qu'il ne soit plus jamais en état ni de CHANTER NI DE COMPOSER NI D INTERPRETER QUOI QUE CE SOIT !
TU M ENTENDS ??
ALORS JOUE, DUGLAND !


L'homme au piano, qui se révélera effectivement être, après analyse approfondie de la vidéo, Joseph Salvatore Maurici, dit Calogero, plaque alors les premiers accords d' « On fait comme si », la chanson qu'il a composée au début de son confinement. Il s'agit d'une mélodie assez simple, qui n'est pas sans rappeler l’œuvre de Pascal Obispo. Et d'une voix à peine perceptible, il entame le chant du premier couplet par les mots :

C'est un drôle de silence qui vient de la rue
Comme un dimanche imprévu


Le suspect, debout derrière lui, se tient immobile. Il porte dans ses bras un bidon de 5 litres d'alcool à brûler.
Puis, pendant que le chanteur entame le premier refrain, le suspect se verse le contenu du bidon sur la tête...

On fait comme si, tout n'était qu'un jeu
On fait comme si, on fait comme on peut
Quand vient la nuit, en fermant les yeux
On fait comme si ce monde était encore heureux


Quand il ne reste plus une goutte dans le bidon, le suspect, alors trempé de liquide inflammable, saisit la nuque de l'homme au piano et interrompt la chanson et frappant à plusieurs reprises la tête de l'artiste sur le clavier, produisant ainsi une série d'accord dissonants (qui ne sont pas sans rappeler les œuvres d'Alexandre Nikolaïevitch Scriabine).

Sans s’arrêter de massacrer le visage de Calogero sur son clavier, le suspect hurle :

C EST PAS POSSIBLE TA CHANSON J4AI JAMAIS ENTENDU UNE MERDE PAREILLE...
C EST ENCORE PLUS DEGUEULASSE EN VRAI§§§
ESPECE DE PORC§§§
QUE SOIT MAUDITE A JAMAIS LA PUTE DE MERE
QUI T A PERMIS UN JOUR DE POSER CES MAINS D2BILES SUR UN PIANO §

QU ELLE (pling)
SOIT (plang)
MAUDITE (pling)
A JAMAIS §§ (blang)


Tiens !
Voilà une fin alternative, connard ! Qu'est-ce que t'en penses ? Hein ? Moi j'y connais rien mais ça me paraît pas trop mal...

Voilà ! C'est la fin de cette vidéo.
Je remercie Calogero d'avoir bien voulu nous accompagner aujourd'hui...


Le suspect soulève la tête du chanteur. Ce qui lui servait encore de visage deux minutes plus tôt n'est plus qu'une bouillie d'un rouge éclatant.

Merci infiniment, abonnez-vous, allez dansez, sortez prendre ce qui vous revient.
Ne restez pas là, comme des abrutis, à attendre que la beauté des courbes exponentielles vous frappe enfin.
Enfin, j'en sais rien, faites comme vous voudrez...

Moi, je vais devoir vous laisser à présent.

Allez, tousse, France ! Cher pays de mon enfance !


Et il craque une allumette.
L'instant d'après, il prend feu. Puis, il saisit Calogero par les épaules et lui porte une dernière accolade fraternelle. Et l'homme au piano prend feu avec lui, incapable de se libérer de l'étreinte. Et le piano aussi s'embrase. Et le costume noir. Et même les claquettes de piscine Arena à picots. Et une fumée opaque emplit le box. Et l'on y voit plus rien, à l'image.
Et l'on n'entend plus que les cris entremélés de deux hommes dont les chairs brulantes se mélangent.


Épilogue

25/04/20 - 08h15

La scène se déroule dans une salle de réunion sans fenêtres, 36 rue du Bastion, Paris, au troisième étage des locaux de la Direction Régionale de la Police Judiciaire.
Wendling et Saulnier viennent de terminer le visionnage de « Tuto Make-up - Sublimation du regard : smoky eyes et immolation par le feu.avi ».

Wendling demande : « Alors, vous pensez toujours que ça va aller ? ».
Saulnier a glissé le long du mur qui le soutenait.
Il est assis par terre.
Il dit : « Je ne comprends pas ».
Il regarde son téléphone.
Il dit encore : « Le Palais Bourbon est en feu. Tout le septième arrondissement est pris d'assaut. Et aussi, ils ont eu Jean Louis Aubert. Ils l'ont jeté d'un pont ».

Wendling se lève pour la première fois.
Il s'approche de son collègue.
Il sort le Sig Sauer de sa poche.

- Vous ne comprenez pas, hein ? dit-il.
- Non. Je pige vraiment pas, répond Saulnier.
- Ils ont choisi. Ils ont finalement choisi...
- Qu'est-ce qu'ils ont chois... Hey ! Wendling ! Qu'est-ce que vous foutez ??

Wendling pointe son arme sur Saulnier et, sans une hésitation, il fait feu.
La tête de l'agent de la D.G.S.I explose et s'étale sur le mur.

Wendling dit : « Entre la peste et le choléra. Ils ont finalement choisi »

Puis Wendling quitte la salle de réunion et se précipite vers la rue.