Mon épouse, ses oeufs et son yoni

Le 20/02/2021
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par Lunatik
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Dossiers / Placement de produits
Subtil placement de produit dans ce texte excellemment écrit par Lunatik- . Pas un mot n'y est répété deux fois, tous les synonymes les plus inventifs y passent. Aussi j'en recommande la lecture aux enfants. Si vous êtes un adulte vous devez absolument le lire aussi car on y découvre tout un tas de procédures très utiles en société. Exotisme en partenariat avec Nature et Découvertes.
C’est l’histoire d’un homme lambda, ni plus sot ni plus laid qu’un autre, ayant épousé une créature au-dessus de ses moyens ; et pour pathétique et tragique qu’elle soit, aussi insensée et inconcevable qu’elle semble, cette histoire est véridique. Ces coprolithes de journalistes n’en ont pas compris ni relayé le tiers des faits, pas plus que le juge ni les jurés n’en ont saisi l’essence. Pourtant, tout est vrai. Je le sais : il s’agit de mon histoire.
J’ai rencontré Anne-Christine Demeyer à vingt huit ans, lors de mon embauche aux usines Wachkyrie, entreprise fromagère fondée au début du XIXe siècle par son arrière-arrière-grand-oncle et restée dans la famille depuis. J’étais un jeune technicien ambitieux, aux mains trop blanches et délicates pour les flétrir en basses besognes. C’est qu’à mes heures perdues, je jouais du piano, voyez-vous. Aujourd’hui, amputé des dix doigts, je réalise qu’il y a pire que devoir interpréter La Lettre à Élise avec du noir sous les ongles. Avec l’expérience, on relativise, ou l’on s’achète des gants, en tous cas on évite de se livrer pieds et poings liés à une gargouille, toute séduisante et fortunée qu’elle soit.
Anne-Christine, de neuf ans ma cadette, entretenait alors ses fiançailles avec l’associé de son père comme d’autres leur capital dentaire, par nécessité plus que par goût. L’homme était décati et adipeux, mais affable, et riche, et les yeux lui tombaient sur les bajoues chaque fois que son regard se posait sur elle. J’avais pour moi la jeunesse, un certain panache, et l’irrépressible attrait de l’interdit. Les parents Demeyer envisageaient en effet, et sans surprise, d’un mauvais oeil le frai de leur précieuse héritière avec la plèbe, ce qui eut pour conséquence, immédiate et prévisible, de la jeter dans mes bras, puis dans mon lit, tant et si bien qu’elle devint mon épouse avant d’atteindre ses vingt ans.
J’eus été mieux inspiré de me trancher la main sur le parvis de l’église plutôt que de signer ce damné registre des mariages — surtout considérant l’avenir funeste auquel étaient destinés mes doigts.

Nous connûmes d’abord trois années d’un bonheur relatif mais tranquille, sans vagues ni éclats. Je m’ennuyais ferme, mais j’étais prospère, en parfaite santé, et j’avais une jolie femme qui accomplissait son devoir conjugal sans regimber. Elle se donnait sans originalité ni passion, certes, mais avec une constance jamais prise en défaut. Le samedi soir était réservé à nos ébats matrimoniaux et elle s’y pliait sinon de bonne grâce, du moins avec un stoïcisme qui m’autorisait quelques amusettes. Elle ne protestait jamais, quel que fût celui de ses orifices naturels que j’entrepris, et même s’il m’arrivait parfois de regretter qu’elle ne fut pas plus sémillante, je trouvais plaisant de pouvoir lui agacer de mon goupillon les amygdales ou le bulbe du vestibule avant de la retourner pour lui élargir l’oeillet, à l’organe ou à l’ithyphalle. Ses parents en avaient ramené un fort beau de leur dernier séjour en Grèce, une pièce en marbre blanc veiné — du kiknos, il me semble — au calibrage qui me laissait rêveur. Je le leur avais discrètement emprunté après l’incontournable dîner dominical dans leur résidence de campagne. Anne-Christine avait tant crié cette nuit là que j’avais dû improviser un bâillon avec les moyens du bord, en l’occurrence la taie d’oreiller en soie de la chambre d’amis. Ses parents dormaient de l’autre côté de la cloison et je ne voulais pas risquer de voir débarquer son père avec sa chevrotine — ou pire, avec son chibre en main, sait-on jamais de quoi sont capables ces aristocrates dégénérés. Par la suite, soucieux de varier et exalter les plaisirs, j’avais investi dans un godemichet vibrant télécommandé en silicone médical. Moulé d’après le vilebrequin d’un cheval ibérique — un étalon Lusitanien, précisément — il était d’utilisation aisée malgré ses dimensions généreuses. J’espérais qu’Anne-Christine, cavalière émérite, m’en saurait gré mais j’en fus pour mes frais. Cette délicate attention la laissa de glace, comme le reste et comme toujours. Je me consolai en lui besognant la gorge. S’il était vain d’espérer tirer le moindre plaisir de ses gamahuchages monotones, exécutés avec la fantaisie et l’enthousiasme d’un automate aux ressorts usés, je pouvais néanmoins lui attraper la tête, lui enfoncer ma verge jusqu’à la glotte, et me secouer dans sa bouche jusqu’à ce que le foutre lui sorte par le nez. C’était finalement assez satisfaisant, dans le genre.

Notre vie conjugale, donc, suivait son morne cours et, philosophe, je faisais de même, jusqu’à ce mardi de novembre où le facteur déposa dans notre boîte un colis, tel Junon déposant un serpent dans le berceau d’Hercule. L’objet était empaqueté de papier glacé rose bonbon et destiné à mon épouse, qui s’empressa de le déballer, avec dans les yeux un éclat que je ne lui connaissais pas.

— Qu’est-ce ? demandai-je, curieux.
— Des oeufs de yoni, répondit-elle en extirpant de la boîte diverses pierres semi-précieuses colorées, effectivement ovoïdales.
— Mais encore ? m’enquis-je, intrigué.
— Des auxiliaires pour me permettre de révéler mon féminin sacré.
— Pardon ?
— Pour équilibrer et fortifier mon Chi, mon énergie vitale, développer toute la puissance de mon potentiel féminin sanctifié, et me reconnecter avec mon Yoni.

Chi, Yoni, j’étais perdu. Je tentai néanmoins d’assimiler et d’analyser l’information, tout en l’observant manipuler les oeufs. Ils étaient de taille honorable, de celle dont une poule respectable n’aurait pas à rougir et, selon mes connaissances limitées en la matière, taillés dans le quartz, l’obsidienne, et le jade. Je remarquai un petit orifice circulaire en leur sommet.

— Pour passer la ficelle, me répondit Anne-Christine quand je l’interrogeai à ce propos.
— N’est-ce pas encombrant, et diablement lourd, comme colifichet, à porter au cou ? m’étonnai-je. Les perles que je vous ai offertes pour votre anniversaire ne vous agréent donc pas ?

Elle me lança un regard entre apitoiement et navrance :
— Ce ne sont pas des pendentifs.
— Oh, dis-je prudemment, sans avoir compris de quoi il retournait.
— On se les introduit au coeur de sa féminité, finit-elle par concéder devant mon air perplexe. La ficelle, c’est pour ne pas les égarer.
— Oh, répétai-je à défaut de trouver une répartie plus adéquate.
— Comme un tampon, si vous voulez.

Je ne voulais rien, et surtout pas de cette conversation.

— Hygiénique, le tampon, précisa-t-elle pour le cas où j’aurais laissé mes neurones dans le porte-parapluie de l’entrée ce midi, en revenant du bureau.
— Vous allez vous enfoncer un tampax en pierre dans le bénitier, récapitulai-je. Pour vous ravigoter la touffe.
— C’est un raccourci peu élégant, terriblement restrictif et obtus d’une pratique spirituelle ancestrale, mais vous avez saisi le principe, je crois.

J’en restai coi.
Dans l’absolu, je n’avais rien contre l’idée, au contraire. Qu’elle se calât tout ce qu’elle désirait dans la pistache, j’étais même parfaitement disposé à participer, mais — et c’était là que le bât blessait — elle refusait toute implication de ma part dans l’opération, et se réfugiait derrière un discours pseudo-mystique qui me rompait gentiment les breloques. Ainsi, j’appris que :

« Le mot sanskrit yoni désigne le vagin, il symbolise l’énergie féminine et sa puissance créatrice dénommée Shakti. L’œuf de yoni est taillé dans un cristal dur et lisse destiné à pénétrer de manière douce et consciente le yoni de la femme. Cette pratique permet à chacune de renouer le contact avec l’énergie vitale la plus profonde et rayonnante de son être : l’énergie sexuelle.
Souvenons-nous de la capacité naturelle des femmes à engendrer la vie, et prenons enfin conscience de l’extrême puissance de l’énergie sexuelle féminine.
Mais comment utiliser cette énergie lorsqu’elle n’est pas mise au service de la procréation? Grâce à la pratique de l’œuf de yoni ! Nous (r)éveillons alors cette énergie créatrice, nous nous ré-approprions son pouvoir et nous pouvons le mettre au service de notre vie.
C’est une ouverture sur l’univers merveilleux et inexploré qui sommeille en chacune de nous.
 »

Quelle que fût l’argumentation ésotérique derrière cette escroquerie, il s’agissait in fine de la version verbeuse et dogmatique de nos séances de pénétration à l’ithyphalle. Cela se résumait à l’introduction de caillou dans le minou, de rubis dans le yoni, de zircon dans le bonbon, de galet dans le sadinet. Ni plus, ni moins.
Persuadé qu’Anne-Christine se lasserait rapidement de badiner sans coéquipier, je n’insistai pas et profitai de ce temps libre pour m’initier au golf et perfectionner mon piano, jusqu’à maîtriser Mess Around les yeux fermés. En soirée, je surfais sur e-bay à la recherche de jouets inédits propres à la satisfaire selon ses nouveaux critères : pierres fines, sanctifiées, bénies, purifiées, énergétiquement chargées, et patin couffin. Je ne m’inquiétais pas outre mesure de cette lubie, probablement inspirée par ses lectures féministes qui vouent aux gémonies tous les porte-queues de la galaxie, et les plaisirs y afférents. Lubie qui devait, en toute logique, s’éteindre d’elle même, étouffée par sa propre absurdité. Car sincèrement : qui, en ce bas monde, mâle ou femelle, préfère la maussaderie de la masturbation solitaire (avec ou sans oeuf) aux effervescences de festivités partagées ?
Personne, hormis quelques créatures aigries trop disgracieuses pour être mettables, et qui érigent en revendication une fatalité, un état de fait honteux, subis plus que choisis.
Personne digne de considération donc, sauf — que Dieu me savonne — ma charmante épouse.

Je supportai ses extravagances durant un interminable trimestre avant de perdre et patience et mes doigts, presque simultanément. Anne-Christine, suivant à la lettre les instructions d’une gouroute virtuelle censément spécialisée en caillasse et chagasse, se mit à dormir avec ses oeufs, les couvant à la manière d’une volaille stupide, caquetante de surcroît. Elle leur parlait, les réconfortait, les berçait. Elle les « chargeait positivement ».
L’étape suivante consista à se reconnecter avec son yoni, ce qui signifiait là encore des palabres à n’en plus finir avec le sus-nommé. À croire que certaines femelles ne prennent de plaisir qu’en agitant leur langue.
Enfin, vint le moment où elle commença à s’introduire, par ordre croissant de circonférence, ses satanés oeufs dans le berlingot, et même — bien que rien ne l’exigeât selon sa pratique mystique — dans la dunette arrière. Elle y prenait goût, la drôlesse. Et moi, je touchais le fond.

Un soir qu’elle s’entretenait avec son divertissoire en lui faisant gober ses oeufs tandis que je me morfondais dans mon coin de lit, mon obélisque à la main, la concupiscence me fit commettre l’irréparable : je tentai une approche. Subtile autant que vaine. Anne-Christine me rabroua sans aucune délicatesse, ni commisération, ni égard pour mon évident et douloureux état de priapisme. J’en déraisonnai tout à fait.
Je l’attrapai, nouai ses longs cheveux à la tête de lit, et lui ligotai les mains avec la ceinture de mon peignoir. Je lui écartai les jambes et les emmaillotai dans les draps, après lui avoir glissé un oreiller sous les reins, pour surélever ses parties nobles et mieux les offrir au regard. Je m’appliquai sur les noeuds ; mes fastidieuses leçons de cabotage avec son père prenaient enfin un sens. Comme elle hululait interminablement, je lui enfonçai mon caleçon dans la gorge. Le silence, enfin.
Je pris le temps de contempler ma femme, nue et offerte sur le lit conjugal, comme cela n’était pas arrivé depuis trop longtemps. Sans me vanter, elle était superbe, malgré ses yeux exorbités et la bave qui mouillait son bâillon Calvin Klein. Des seins comme deux flancs au caramel, qui ondulaient gentiment, un ventre moelleux, une petite fourrure blonde et bouclée à l’orée de jambes interminables, des muqueuses perlées qui suintaient le stupre. Je ne résistai pas plus avant et y insérai un doigt puis deux puis trois, puis je poussai pour y engouffrer l’entièreté de ma main gauche. Anne-Christine hoqueta, se cabra, mais encaissa relativement aisément. Malgré quelques difficultés (la bougresse serrait les fesses), je fis de même avec ma dextre dans l’étroit orifice de son gaillard d’arrière. Bien que généreux avec le lubrifiant, je dus forcer, la déchirer un peu, mais enfin, cela finit par passer. J’étais en elle, d’originale façon, les deux mains emprises comme un criminel au piloris. Anne-Christine avait cessé de ruer et je pus la fouiller, me l’approprier, me concentrer sur mes sensations, son anus et son vagin serrés sur mes poignets, son intimité profonde et organique à portée de mes doigts.
Je me demandais justement où diable étaient logés tous ces oeufs qu’elle s’était enfilés, quand l’impensable, l’intolérable survint : ils me broyèrent les mains. Ses oeufs. Mes mains. Pierres sanctifiées versus chair impie, mêlés et emportés en une valse macabre. Maelstrom minéralo-carné. J’étais allé de mon propre chef, insensé gourdiflot, m’écrouer dans un tambour infernal aux roulements mortifères. Oui, je m’étais, crétin de corniaud, livré poings liés, à une gargouille vindicative, déterminée à me rompre et me dévorer vif. Le comprendre et me l’avouer ne me soulagea d’aucune façon. Mes extrémités concassées dans la meule, je hurlais ; mes os n’étaient plus que farine, ma viande que hachis. J’étais mâché jusqu’aux poignets.
— Pourceau ! Tu as profané l’antre de la féminité sacrée, entendis-je chantonner sous mon crâne. Insignifiant foutriquet ! Que les pendeloques te pèlent. Que le fourniment te tombe.

Au ton, cela ressemblait foutûment à une imprécation. Épeuré, éperdu de souffrance, je suppliai, balbutiai des excuses et implorai l’indulgence, bramant tel un cerf en amour. Pour ma peine, l’étau se resserra plus impitoyablement encore, et l’incantation délétère enfla derrière mes yeux qui roulaient et s’excavaient afin de lui échapper.
Cela dura. Combien de temps, je l’ignore, mais suffisamment pour que mes sphincters me lâchent, et ma voix s’éteigne en grésillant. Je criais encore, quoique sans le son, tel un fretin abandonné sur la berge, quand enfin je sentis céder mes tendons. Hébété, je dégageai mes moignons de l’infernale presse, les garrotai avec mes lacets, puis m’évanouis élégamment.

À mon réveil, Anne-Christine était presque parvenue à se défaire de ses liens. Son ventre ondulait d’étrange manière, et de sa grotte sanguinolente s’échappaient encore quelques morceaux de moi. Un restant de doigt. Un métacarpe. Mon alliance, que je m’apprêtais à récupérer du bout des dents quand je vis poindre entre ses petites lèvres duveteuses la calotte fissurée d’un oeuf.
Mon épouse s’apprêtait à pondre.

Aujourd’hui, il est commode pour tous ces gens, à l’abri dans leurs chaumières, leurs buildings, leurs villas ou leurs HLM, de me juger. Oui, j’ai sauté à pieds joints sur le ventre de ma femme. Oui, je l’ai foulée, et piétinée et labourée jusqu’à expulser de sa matrice chacun des sept oeufs qu’elle y couvait. Oui, je pèse quatre-vingt-quinze kilos et ses viscères n’ont pas résisté à la pression. Mais personne, aucun d’entre eux, ni d’entre vous, n’a vu les coquilles de pierre se fêler. Les pattes griffues en jaillir. Les yeux avides me fixer.
Oui, j’ai corroyé ma femme, jusqu’à ce que sa pulpe se mêle à celle de sa maudite engeance. Embastillez-moi, droguez-moi, trépanez-moi, guillotinez-moi, si cela doit apaiser vos consciences. Mais ne doutez pas de mon récit, ni surtout de ceci : l’un d’eux a survécu. L’un d’eux s’est carapaté, effroyablement preste et vigoureux. Son corps chitineux encore englué de liquide amniotique, il s’est frayé un passage à travers la cloison de la chambre, à coups de crocs et de mandibules. Il a laissé dans son sillage une traînée visqueuse, et corrosive, exsudée par son appareil génital. Ou devrais-je dire : par son yoni ?
Je crois que c’est une femelle, et elle est en colère.