Ma première fois.

Le 15/03/2021
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par Un Dégueulis
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Thèmes / Débile / Disjoncte
C'est tout de suite plus agréable à lire quand Un Dégueulis n'est pas dans un style régressif. Ici c'est même très bien écrit. Reste le sujet qui n'est pas très intéressant même s'il est tout à fait zonard. On retrouve toutes les obsessions qui caractérisent l'auteur. La fin est carrément crade mais qu'attendre de plus d'Un Dégueulis.
Contrairement à beaucoup de dépressifs, je savais très bien pourquoi je me sentais mal : j’avais trente-quatre ans, et je n’avais encore jamais couché avec une femme. Ce n’est pas que j’aie un physique ingrat, je suis plutôt « normal » : taille moyenne, visage moyen, musculature moyenne. Je ne suis ni plus ni moins intelligent qu’un autre. J'ai obtenu mes diplômes avec des notes honorables sans être brillantes, et suis devenu juriste d’entreprise avant d’acheter une voiture et un appartement à crédit. Non, c’est plutôt qu’une timidité maladive me prend chaque fois que j’essaye de parler à une femme : ma gorge se dessèche, mon cœur semble vouloir briser les parois de ma poitrine, et je n’ai qu’une envie, partir en courant. Peut-être est-ce la peur du rejet, primale, terrible, qui me paralyse. En tout cas, des années de thérapie n’ont pas réussi à m’en débarrasser.
« Vous devriez penser à aller voir une professionnelle. »
C’était le conseil de mon psy, qui ne pouvait plus supporter de m’écouter lui raconter ma petite vie rythmée par le « métro, boulot, porno ».
« Vous savez, de nos jours tout se fait sur internet, vous ne serez pas obligé de lui parler ou de la rencontrer avant l’acte même. Vous pourrez spécifier vos fantasmes par courriel, et si vous ne voulez pas qu’elle vous parle lors de la rencontre, vous pourrez le demander aussi. Il avait l’air d’avoir l’habitude.
« J’avoue avoir moi-même fait appel aux services de ces belles de nuit. Que voulez-vous, vingt ans de mariage, on se lasse… »
Il me fallut plusieurs semaines d’encouragements avant d’oser franchir le pas. Je passais parfois des heures, après le travail, sur les sites d’escorts, à regarder des catalogues remplis de femmes étourdissantes de beauté, que je n’aurais jamais osé approcher dans la vraie vie, et qui m’auraient de toute façon sûrement repoussé d’une remarque cinglante, réduisant mon égo en morceaux et ma psyché à une ombre honteuse se faufilant entre des idées noires et probablement suicidaires. Pourtant, un jeudi soir après le travail, je trouvai finalement le courage de faire le grand pas.
J’avais jeté mon dévolu sur Chantale, une grande blonde aux mensurations de walkyrie, et dont la beauté sculpturale n’aurait pas dépareillé dans un musée. Prenant mon courage et mon PC à deux mains, je me lançai dans la rédaction du courriel :
« Bonjour Mademoiselle Chantale ;
J’ai eu le bonheur de découvrir votre profil sur tescort.com. Tout d’abord, permettez-moi de vous dire que vous êtes extrêmement belle, et que vos photos sont travaillées et professionnelles, dénotant non seulement votre grâce naturelle, mais encore un certain raffinement qui confine à l’art. Cela laisse à penser que vous êtes une jeune femme délicate et sensible, et je souhaiterais…je ne sais pas comment l’exprimer… solliciter vos services.
Au plaisir de vous lire ;
Jean. »
Quelle ne fut pas mon angoisse pendant la journée qui suivit l’envoi de mon courriel ! Au travail, j’étais distrait, nerveux, et vérifiais ma boîte mail toutes les cinq minutes sur mon téléphone. Je renversai même ma tasse de café sur madame Legrand, notre directrice marketing, ruinant son tailleur Chanel et m’occasionnant une désagréable admonestation de sa part. Au volant de ma voiture, je faillis à plusieurs reprises causer un accident, car je n’avais devant les yeux que les courbes parfaites de Chantale et son sourire coquin.
Une fois chez-moi, n’y tenant plus, je me précipitai sur le PC et ouvris tescort.com afin de me masturber frénétiquement sur les photos de ma belle. Quelques minutes plus tard, je reçus une notification sur ma boîte mail. Ô merveille ! C'était comme si l'offrande de mon éjaculat avait eu pour effet de l'invoquer, déesse nordique se repaissant d'essence humaine ! De quels délicieux ornements cette créature éthérée avait-elle agrémenté sa prose ? Une citation de Victor Hugo ou de Stendhal ? Peut-être même avait-elle, Ô bonheur ineffable, poussé le raffinement jusqu’à citer Baudelaire, en clin d’œil au péché que nous nous apprêtions à commettre...
« 1 h 250 euros - 2 h 450 euros - 3h 600 euros. Je passe pas la nuit. Anal extra 100 euros. »
Je restai hébété quelques minutes devant mon écran. Je m’étais manifestement laissé emporter par mon enthousiasme : j’avais oublié que cette jeune femme était une entrepreneuse, probablement très sollicitée, et qu’elle n’avait donc pas le temps de rédiger des réponses longues et réfléchies aux nombreux courriels qu’elle recevait. Passé le premier choc, je rédigeai également une réponse :
« Bonsoir ;
Je vous remercie infiniment d’avoir bien voulu donner suite à ma demande, et souhaite réserver deux heures pour demain. Je prendrai également votre fondement en option. Je préférerais vous rejoindre à l’endroit de votre choix, n’ayant pas le loisir de vous recevoir chez-moi. En effet, je vis dans un petit appartement du centre parisien, et Dieu sait combien les murs sont fins et l'espace avare dans ces logements sans âme...
Au plaisir de vous lire ;
Jean. »
À ma grande surprise, elle répondit quelques minutes plus tard par :
« Ok demain 18 h. G une copine ki a un appart. Mais faut lui donner 50 balles. Extra. »
Le cœur cabriolant dans la poitrine, je lui répondis, imitant son style incisif et précis :
« C super ! Donc ça fera 600 euros tout ronds ! :D Le lieu ? »
Le courriel suivant ne contenait rien d’autre qu’un lien Google Maps, un numéro d’immeuble et un numéro d’appartement. Je sentis que la conversation était terminée et m’allongeai dans mon lit. J’avais une érection douloureuse que je me refusais pourtant à traiter par une masturbation qui m’aurait fait perdre de ma vigueur pour le lendemain. Je passai donc une bonne partie de la nuit, pour ainsi dire et si l’on me pardonne l’expression cavalière, « sur la béquille ».
Je me levai de bon matin et me ruai à la pharmacie la plus proche pour acheter cinq boîtes de préservatifs renforcés (on n’est jamais trop prudent), cinq autres boîtes de préservatifs parfumés et, sur les conseils du pharmacien, trois boîtes de Viagra. « Croyez-moi, vous allez en avoir besoin, me dit-il avec un clin d’œil. »
Mes samedis étaient d’habitude sportifs le matin et littéraires l’après-midi, avec la lecture d’un grand classique ou d’un Goncourt, puis je sortais dîner seul au restaurant. Ce jour-là pourtant, je ne pus que tourner en rond dans le salon, incapable de me concentrer.
Lorsqu’approcha l’heure du rendez-vous, je me revêtis de mon plus beau costume et me précipitai dans ma voiture. Puis, démarrant au quart de tour, je survolai le trafic parisien et me rendis au lieu-dit.
Je me retrouvai face à un petit immeuble de trois étages, de ces bâtiments de charme qu’on trouve dans les petites banlieues, là où la classe moyenne construit son petit cocon consumériste. Je rêvais d’habiter dans un endroit comme celui-ci, mais les longues heures que je passais au bureau ne me permettaient pas de trop m’éloigner du centre… Je chassai ces pensées inutiles et, avalant d’un coup six comprimés de Viagra, je sortis de ma voiture, presque plié en deux pour tenter de dissimuler mon érection aux passants heureusement rares.
Je gravis quatre à quatre les marches de l’escalier, avant de sonner à la porte. Une jeune femme rondelette, assez grande de taille, un peu trop maquillée, m’ouvrit la porte. Elle portait un porte-jarretelles, des bas et des talons trop hauts qui la faisaient tituber.
-    Salut ! Entre !
Je la regardai longuement, de haut en bas, puis de bas en haut, ne parvenant pas à déterminer s’il s’agissait de la même personne que la créature de rêve du site d’escortes.
-    Ben alors ? T’es pas bavard toi !
-    Je…c’est que…vous ne ressemblez pas à la personne sur les photos.
-    Ouais, c’est un pote qui les a retouchées. Mais chuis pas mal roulée quand même attention !
Elle tourna sur elle-même et se cambra, accentuant ses seins et ses fesses, avant de me faire un clin d’œil.
-    Je…m’attendais à autre chose.
-    Ben si tu veux pas baiser tu repars, no problemo. Mais je suce suuuuper bien, tu sais pas c’que tu rates.
-    Non, je…
-    Eh ben alors ? T’es juste timide ? T’inquiète j’vais t’détendre, moi, allez viens !
Je la suivis jusqu’à la chambre, où trônait un lit un peu usé aux draps défaits. L’apparence de ce meuble me fit réaliser que tout l’appartement avait un air de désuétude. Je notai également que l’un de ses bas était un peu déchiré et que ses chaussures présentaient des signes d’usure sur les côtés. Mais je bandais quand même.
Elle retira les chaussures et s’allongea sur le lit, dans une pose lascive qui accentua son double-menton et ses bourrelets. Elle avait le visage bouffi et les yeux un peu rouges, ce qui me fit penser qu’elle avait probablement fait la fête la veille. Elle était clairement plus jeune que moi, pourtant on sentait qu’elle avait beaucoup d’expérience. Je restai comme un idiot à la regarder, le souffle court, le sexe douloureux.
-    Allez chaton ! Viens j’vais t’réchauffer. J’me fais payer avant par contre donc tu ferais bien de sortir ton portefeuille avant de baisser ton pantalon.
Lorsque je lui tendis l’argent, elle laissa échapper une exclamation joyeuse et s’en saisit à deux mains, avant de se lever et de sortir de la pièce.
-    Je reviens j’vais cacher ça ! En attendant, déshabille-toi et mets-toi à l’aise !
À son retour, elle me trouva en chaussettes et caleçon, tout tremblant, une boîte de préservatifs à la main. Elle éclata de rire, et je rougis. Elle me demanda alors de tout enlever et de m’allonger sur le dos.
Elle commença par une fellation ma foi fort bien exécutée, avant de m’enfiler un préservatif et de s’empaler sur moi. Dieu que c’était bon ! Je poussai un râle en la pénétrant, incapable de retenir ma jouissance. Elle s’agita longtemps sur moi, ses seins se balançant au rythme des va-et-vient, avant que nous ne changions de position. Allongé sur elle, respirant son haleine chargée de tabac, je pus remarquer les pores dilatés de son visage et ses dents, petites et jaunes. Elle détourna la tête quand j’essayai de l’embrasser, et je n’insistai pas. Puis vint le moment de la sodomie. Quel bonheur ! Son anus encore jeune n’était que modérément dilaté par la pratique du sexe tarifé, juste ce qu’il fallait pour que la pénétration se fasse sans encombre, et je la ramonai longuement, tout en malaxant ses seins comme je l’avais vu faire dans les films pornographiques dont j’étais un consommateur avide.
Cependant, il y’avait un problème. En effet, malgré les crampes qui commençaient à poindre dans chacun de mes muscles hyper-sollicités, aucun orgasme ne montrait le bout de son nez. La fille commençait également à donner des signes de fatigue. À plusieurs reprises elle m’avait lancé des « t’as pas encore fini ? » sur un ton de reproche que je ne m’expliquais pas, pensant naturellement que plus c’était long, plus les femmes aimaient ça. Je lui répondais en lui murmurant langoureusement à l’oreille des « pas encore mais ça vient » que j’espérais convaincants. Pourtant, malgré mes assurances répétées que j’allais bientôt jouir, elle finit par me demander de sortir de son cul, ce que je fis, penaud. Constatant une traînée marron-rouge sur le préservatif, je pris un mouchoir dans la boîte posée sur la table de chevet et le retirai lentement, avant de le porter à mon nez pour vérifier qu’il s’agissait bien de ce que je pensais, c’est-à-dire de la merde. Malheureusement, mes pires craintes furent confirmées. Dieu que cette fille était sale ! Cela n’arrivait jamais dans les films porno ! Peut-être m’avait-elle transmis une maladie vénérienne ? J’avais lu quelque part que le papillomavirus se transmettait même quand on utilisait un préservatif… Mon cœur battait à tout rompre, ce qui provoquait des soubresauts dans mon pénis priapique encore sous l’influence du Viagra, que je soupçonnais par ailleurs d’être la cause de l’inhibition de mon éjaculation.
-    Putain tu m’as déchirée, salaud ! Entendis-je à travers le bourdonnement que j’avais dans les oreilles.
-    Mais…les deux heures ne sont même pas encore écoulées…
-    Non mais t’es taré, tu crois pas que j’vais continuer après ça ! Putain j’ai mal…fait chier… Bon tu prends tes affaires et tu te casses.
-    Mademoiselle, nous avons passé ensemble exactement une heure et trente-deux minutes, et par ailleurs je n’ai pas joui. J’exige le remboursement du prorata de vos honoraires, ainsi qu'une indemnité !
-    Mais t’es malade ? Allez dégage d’ici, je veux plus te voir !
-    Votre réaction témoigne d’une profonde incompréhension du droit des contrats ! Vous avez, en tant que fournisseur de services, une obligation de résultat, ou à minima une obligation de moyens, or j’estime que vous avez manqué aux deux !
-    Qu’est-ce que tu racontes, je pige rien à c’que tu dis, ducon. Putain… Elle essayait de s’examiner l’anus avec un miroir de poche, sans succès.
-    Par ailleurs, vos photos sont très éloignées de la réalité, ce qui constitue de la publicité mensongère, et le fait que votre fondement contienne des résidus d’excréments est clairement une mise en danger de la santé d’autrui !
-    Et tu vas faire quoi, m’attaquer en justice ? Putain t’es trop con. Tu sais que c’est illégal d’aller aux putes en France ?
Je me tus un instant, contemplant le fait que je venais de commettre une infraction passible d’une amende, ce qui ne manquerait pas de ternir ma réputation. Cependant, cette catin vulgaire et dilettante ne pouvait pas s’en tirer à si bon compte. Outré par ses propos au demeurant outranciers, je la saisis par les cheveux afin de la calmer en lui faisant sentir que j’étais un mâle dominant et que j'avais droit au respect, conformément au procédé conseillé par les sites incels que je fréquentais durant mes épisodes dépressifs. Étrangement pourtant, cela eut l’effet opposé, et elle se mit à beugler comme une vache qu’on égorge. Je ne sais pas pourquoi, mais ses hurlements me firent totalement perdre le contrôle de moi-même, et je la frappai au visage, déchaussant au passage ses petites dents jaunes. Elle se mit alors à pleurer, mais, pris d’une rage destructrice et incontrôlable, je continuai à frapper, brisant ses pommettes et sa mâchoire. Je pense que c’est à ce moment-là qu’elle perdit conscience et tomba au sol. Je lui piétinai alors la tête jusqu’à ce que ses yeux sortent de leurs orbites comme deux balles de ping-pong, hurlant à tue-tête « C’EST QUI LE PATRON MAINTENANT, SALOPE ? HEIN ? C’EST QUI LE PATRON ? », puis je me masturbai frénétiquement jusqu’à ce que mon frein se rompe, sans parvenir pour autant à jouir. Toujours priapique, le gland en sang, je me rhabillai et me rendis à la cuisine. Là, je pris un couteau et revins dans la chambre pour lui couper les tétons et le clitoris, afin de les conserver en souvenir. Une fois cela fait, je lui crachai dessus en disant « tu peux garder l’argent, pétasse ». Je pensais en effet que cette petite phrase était appropriée à la situation, et dénotait une certaine élégance machiste très hollywoodienne.
Ce n’est qu’une fois chez-moi que je commençai à questionner le caractère un peu excessif de ma réaction, et que je me souvins que j'avais laissé mon sang et mes empreintes digitales partout dans son appartement, sans compter les courriels envoyés depuis mon adresse personnelle. Mais en y regardant bien, cette incurie est bien la preuve qu'il s'agissait là d'une simple crise de folie passagère, probablement causée par l’excès de pression sanguine consécutif à l’ingestion d’une grande quantité de Viagra. C’est pourquoi, monsieur le juge, je me permets de contester respectueusement la qualification de mon crime comme étant un « homicide volontaire avec actes de barbarie ».