Le spectre d'Arcopulos

Le 19/01/2003
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par Lapinchien
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Thèmes / Obscur / Anticipation
Après la science-fiction et la politique-fiction, Lapinchien nous invente l'économie-fiction avec le récit de ce séisme financier, qu'on peut voir comme une sorte de suite au livre Fight Club, avec une intrigue très différente quand même.
Vent de panique dans les hautes sphères financières, le milliardaire grec Acropulos est retrouvé mort sur le pont du Santa Fe, un de ses multiples yacht, au large d’une petite île de l’archipel des Bahamas dont il venait récemment de se porter acquéreur… Etrangement seul à bord, il aurait succombé des suites d’une attaque cardiaque…
« Il fut comme chacun le sait, un de ces hommes que l’on écoute dans le petit milieu de ceux qui mènent le monde… Il restait toujours dans l’ombre… La presse guettait le moindre de ses balbutiements,… le moindre de ses gestes était interprété, analysé, décortiqué, disséqué… Jamais il ne se justifiait pourtant… Toujours sur écoute, les services secrets de tous pays ne cessaient de l’espionner… Jamais il ne contournait les règles cependant… Il se jouait à coup sûr des charognards à l’affût des restes d’une de ses brillantes combines.. Il faisait le marché, lançant rumeurs farfelues, spéculant sans éthique ni morale sur le devenir de milliards d’individus… Il avait plusieurs fois défait l’économie de puissances réputées pourtant solides, …juste en claquant des doigts…, il les avait poussé à la guerre leur évitant la banqueroute…juste en acquiessant du chef… Ne voyez pas en lui, un surdoué, il se savait placé sur un pied d’estale et il jouait de cela, … il n’anticipait en rien les fluctuations du marché, il en écrivait tout simplement au grés de son humeur du moment la symphonie puis la dirigeait à la baguette en seul et unique chef d’orchestre… La quête de richesses ne le motivait plus depuis son premier milliard.. Non, son principal moteur n’était pas la philanthropie, encore moins la quête d’un illusoire équilibre des flux monétaires mondiaux,…non, il se voyait artiste et désireux chaque matin de surprendre le monde…l’originalité était son credo…

Il a malheureusement atteint ses objectifs : laisser plus qu’une simple emprunte dans l’Histoire, … Même mort il continue de tirer les ficelles, il se marre … je ne parle pas d’une dernière étincelle, ni d’une petite perturbation des flux monétaires mondiaux qu’il nous serait facile de rectifier maintenant que son enveloppe charnelle n’est plus qu’un amas de chair en putréfaction rongée par la vermine…Je suis là pour vous annoncer une catastrophe : sa survivance et bien plus que jamais son emprise sur les hommes… Pire que la pire des catastrophes écologiques, sa fin vient de mettre en marche un processus inexorable qui va radicalement changer la face du monde tel que nous le connaissions…

Littéralement, il a mis en place un véritable trou noir financier…Par le biais de montages complexes il a construit un mécanisme inviolable qui s’est déclenché à sa dernière expiration et qui va inexorablement absorber exponentiellement toutes les richesses connues… Il nous a piégés… impossible de quelque manière que se soit de changer la réglementation des échanges et des interdépendances, cela ne ferait qu’accentuer l’effet de panique… Nous ne pouvons pas non plus faire abstraction de nos dettes envers cette abomination virtuelle… Le problème est que nous n’arrivons pas à l’isoler… L’argent que le phénomène happe n’est pas clairement localisé… bien évidemment Acropulos n’en bénéficie pas directement… L’argent est plutôt drainé en quelques sortes… De multiples échanges que d’une manière ou d’une autre il a initié, ont lieu actuellement entre individus, entreprises et états… il ponctionne insidieusement en quelques points stratégiques la globalité de ces échanges… La dynamique du virus économique d’Acropulos va faire que ces transactions vérolées ne vont cesser d’augmenter en volume, nous donnant l’illusion à terme d’une prospérité factice..

Nous pourrions nous croire dans quelques jours à l’apogée de l’économie globale… Toutes les caisses seront pleines comme jamais auparavant… çà sera l’euphorie avant la brutale désillusion : la dévaluation brutale du tout… La ruine des plus grands empires et pays…

Il a voulu qu’avec lui cesse le règne de l’argent… Il est parvenu à ses fins, les non-initiés comme nous ne tarderons pas à en ressentir les effets… Il y aura des guerres et nos sociétés s’effondrerons… Il aura surpassé dieu en remodelant le monde et les hommes à son image… Tant d’efforts pour rien…Fuyons, il en est encore temps !»


(O______O) LAPINCHIEN