Puisse l'ostracisme dont sont victimes les toiles cirées inciter tout un chacun à reconsidérer sa propre position sur l'échiquier mondial de la connerie humaine

Le 05/05/2021
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par tomatefarcie
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Thèmes / Saint-Con / 2021
Je propose en sous-titre : "De l'importance du choix du prénom chez les progénitures d'hominidés, et de ce qu'il peut révéler sur leurs géniteurs". Tel un lanceur d'alertes, tomatefarcie nous informe de la prolifération d'un virus hautement pathogène avec un R zéro supérieur à 5 (moi non plus je ne sais pas ce que ça veut dire), et il semblerait que la pandémie soit inévitable. A moins qu'elle ne soit déjà sur nous ! On l'avait pressenti avec son texte précédent, on en a la confirmation avec cette très bonne participation à la St-Con : l'absurde et la vanne, c'est son rayon. Et les dialogues claquent, fouettent et se dégustent comme un vieux maroilles. Ce qui tombe bien, puisqu'il n'y a quasiment que ça, des dialogues, et on apprécie d'autant plus ce dernier paragraphe descriptif avec indispensable crémation à la clef. (Et non, tomatefarcie, pas de justification qui tienne. Voilà qui te donnera une bonne raison de nous traiter de nazis).
Deux dates à retenir :

■ Entre -790000 et -400000 avant notre ère : domestication du feu par Homo sapiens
■ Lundi 26 avril 2021 : convocation chez l’infirmière scolaire.
- Madame, je me présente : Roselyne Bachelot, infirmière scolaire de l’école élémentaire Jacques Crozemarie. Avant que vous ne me posiez des questions sur mon nom, je vous informe que je vous ai convoquée pour vous parler de votre fils, scolarisé dans la classe de madame Pied. Vous me rétorquerez que vous auriez été fort surprise que je vous fasse venir jusqu’ici pour vous proposer le regonflage gratuit de vos pneus, aussi vous conseillerai-je de cesser tout de suite votre cynisme. Maintenant vous pouvez me poser des questions sur mon nom.

- Roselynebachelo, comme la capitale de Madagascar ?

- Antananarivo ?

- Oui. Pareil ?

- Eh bien c’est forcément pareil, puisque je SUIS la capitale de Madagascar. Madame, je crains d’avoir de mauvaises nouvelles à vous annoncer. Comme vous le savez, nous vivons depuis quelque temps une période assez trouble, rendue encore plus difficile par les annonces contradictoires d’un gouvernement qui se proclame démocratique, par les élucubrations de complotistes islamogauchistes, et par les mensonges des médias à la solde des capitalistes. Toutefois, malgré tout cela, malgré notre maigre salaire et notre physique généralement disgracieux, malgré les moyens financiers qui nous sont alloués et rien du tout ce serait pareil, nous nous efforçons d’exercer notre métier avec déontologie et abnégation, et nous avons donc suivi les recommandations gouvernementales pour le dépistage et la traçabilité de ce virus qui se répand depuis maintenant trop longtemps au sein de notre population, et qui frappe injustement les plus vulnérables d’entre nous, à savoir les vieux et les enfants.

- Ah bon ?

- Sur la tête du prophète. Et donc d’après nos nombreuses observations, votre fils présente tous les symptômes d’une contamination. Madame, nous sommes formels : votre fils Régis est un con.

- Oh non… Vous devez vous tromper…

- Aucune chance. Régis a treize ans et il est en CM1, l’autre jour il s’est coupé avec une gomme, il tombe de sa chaise douze fois par jour, sa chaise tombe sur lui douze fois par jour, il confond sa gauche avec mardi, il aboie, hier on l’a retrouvé au bout de deux heures enfermé dans sa trousse, il saigne du nez devant la table des 3, il est en fauteuil roulant, il collectionne les timbres, il souffre de mucophagie, …

- C’est la capitale de quoi ?

- C’est l’habitude d’ingérer des crottes de nez.

- Mais tous les enfants le font !

- Certes, mais généralement ils mangent les leurs. Madame, il n’y a aucun doute possible, votre fils est con comme un pied de table. Et encore, on a rarement vu un pied de table chanter du Julien Doré.
Le diagnostic est sans appel, et il nous faut maintenant déterminer la chaîne de contamination, retrouver le patient R0 et tenter de freiner la propagation. Nous craignons que certains camarades de classe ne soient déjà infectés, depuis hier nous avons eu deux cas de non-accord du participe passé avec un verbe occasionnellement pronominal dont le C.O.D. est placé avant le verbe. Vous comprendrez que nous ne pouvons pas prendre de risques, aussi nous vous demandons de garder votre con chez vous, et nous vous conseillons fortement de mener votre enquête interne sur les cas contacts. Madame, avez-vous, dans votre entourage proche, des personnes qui présenteraient les mêmes symptômes que Régis ?

- Ben c’est sûr, maintenant que vous le dites…


***



- Alors, elle te voulait quoi, le tromblon ?

- Elle dit que ton fils est un con.

- Elle t’a fait venir pour ça ? Un an d’études et une semaine de stage pour nous pondre ce genre de diagnostic ? Ben ça vaut le coup de payer des impôts…

- Elle dit qu’on doit le garder à la maison, qu’il a déjà contaminé d’autres élèves. Elle dit que si on fait d’autres gosses, avec juste une planche on pourra se faire une jolie table de salon. Elle dit qu’on doit se faire dépister car il y a peut-être d’autres cas à la maison.

- Ah ouais, et où est-ce qu’elle veut qu’on trouve une planche un lundi ? J’espère que tu t’es désinfecté les oreilles au gel hydroalcoolique en rentrant. Avec toutes les conneries que tu as dû entendre, je serais pas surpris que tu te mettes à collectionner les timbres.

- On va faire quoi ? On peut pas laisser le gosse manquer l’école, t’imagines se le coltiner à la maison toute la putain de journée ? Il va nous demander de s’occuper de lui, de lui apprendre l’accord du participe passé avec les verbes occasionnellement pronominaux dont le C.O.D. est placé avant le verbe, peut-être qu’il voudra qu’on le nourrisse. Bordel, va savoir de quoi c’est capable, un con !

- On va appeler un pédopsy. Le genre de mec que tous les parents de con vont consulter pour s’entendre dire qu’en fait leur gosse est un surdoué, et que s’il masturbe le chat ou se met de la mayonnaise dans le nez, c’est juste pour attirer l’attention sur son génie. Le type nous fait une ordonnance dans ce sens et tout rentre dans l’ordre.

- Ouais mais ça coûte hyper cher, ce genre de consultation. Bien plus cher qu’une planche. Et on est lundi…

- T’as raison, on va plutôt l’amener aux urgences.


***



- Madame, Monsieur, je suis le professeur Éric Dupond-Moretti, et non, avant que vous ne me le demandiez, aucun lien de parenté avec l’aviateur. J’ai sous les yeux les résultats d’analyses de votre fils. Nous avons refait les tests deux fois pour vérifier les marqueurs, tant ils nous paraissaient élevés, et une autre fois parce que votre fils avait avalé l’éprouvette. Je ne peux que confirmer ce qui vous a déjà été annoncé : votre fils est très con. Nous devons agir rapidement, recenser les personnes qui ont pu être infectées, et surtout celles qui ont transmis la connerie à votre fils. Regardez ce document. Ce tableau permet de classifier les cons, c’est en quelque sorte l’échelle de Richter de la connerie.

- C’est comme une échelle de pompier mais en tableau, avec des trucs écrits dedans à la place de l’extincteur, et un hôpital à la place du calendrier ?

- Mais tellement trop pas... Donc comme vous pouvez le voir, votre fils se situe à peu près ici. C’est-à-dire juste au-dessus de l’eau tiède, du Portugais et de la toile cirée, mais bien en dessous de la selle de vélo, de la pluie et du seau de semoule.

- Je ne comprends pas, docteur. Nous avons pourtant respecté tous les gestes barrières. Il porte un K-way même à la maison, il ne boit jamais de liquide qui contienne de l’eau, il a interdiction de parler à une toile cirée, et je vous jure que nous n’avons aucun seau de semoule dans notre entourage. Comment est-ce qu’il a pu devenir aussi con ?

- Eh bien nous avons de sérieuses raisons de penser que vous puissiez être à l’origine de la transmission.

- Et je serais où, dans votre tableau ?

- Ça c’est seulement le tableau pour les cons. Vous, vous êtes sur le tableau des bons gros cons.

- Merde, on croit toujours que ça n’arrive qu’aux autres… Et comment pouvez-vous en être si sûr, je n’ai même pas passé les tests !

- Monsieur, vous vous êtes garé sur une place marquée « Réservé au personnel ». Lorsque l’hôtesse d’accueil vous a demandé de patienter dix minutes le temps de vous recevoir, vous lui avez gravé une bite au compas sur le front. Vous êtes hipster. Depuis que vous êtes là, vous m’avez traité déjà six fois de « bec de moule qui pue », vous commencez la moitié de vos phrases par « j’ai envie d’dire » et vous m’avez volé deux stylos. Votre nom de famille est Bongrocon. Et en ce moment même, vous êtes en train de me faire des doigts.
Nous allons tout de même vous tester car je vois sur votre fiche que vous êtes Parisien, vous êtes donc considéré comme personne à risques. On ne peut pas exclure que l’infection soit plus grave qu’on ne le pense et qu’en fait vous soyez un fieffé connard. Avez-vous des antécédents familiaux qui pourraient nous aider à affiner le diagnostic ?

- Ben mon père était agent immobilier et ma mère artiste contemporaine. Aujourd’hui ils sont retraités et ont quitté Paris pour s’occuper d’un potager associatif en circuit court dans les Landes.

- Bon sang, il n’y a plus une minute à perdre, nous allons traiter votre cas en priorité. Avez-vous de la famille du côté de Chambéry ? Ou des amis extraterrestres ? Depuis quelque temps nous observons l’évolution exponentielle du variant savoyard, aussi appelé « syndrome du crétin des Alpes », ainsi que du variant sélénique, plus connu sous le nom de « con comme la Lune ». Je ne serais pas étonné d’apprendre que vous êtes tombé dans le pot belge de la connerie à la naissance et que vous êtes un variant à vous tout seul.

- Mais docteur, vous n’avez pas l’impression que tout c’est ça rien qu’une manipulation des médias et du lobby judéopharmaceutique ? Ça fait des siècles qu’on nous brandit le spectre de la connerie galopante, des générations dégénérantes, mais au final on a envoyé une sonde sur Mars pour savoir si on y trouvait de l’eau, on a Elon Musk, on a imaginé l’écriture inclusive, on a le bêtisier des chats, j’ai envie d’dire que ça crève les yeux qu’on cherche seulement à nous faire peur, bec de moule qui pue.

- Écoute, Bongrocon. Ce qu’on vit en ce moment, c’est pas juste de la connerie saisonnière qui amène à voter FN, à lire Musso et regarder Hanouna, ou à supporter le PSG. Ça c’était le monde d’avant, on se complaisait dans une connerie confortable, démagogique, réconfortante, on se disait « Bah, on est tous le con d’un autre ! » Là on est en crise, c’est planétaire, personne n’est épargné. Je vais te donner quelques chiffres : 93% des gens qui ont voté Macron au premier tour en 2017 se disent prêts à revoter pour lui en 2022. Plus de 65% des Français lisent l’horoscope chaque jour. Quarante-deux. Sur Terre, un habitant sur sept est chinois. Fast and Furious 9 va sortir cette année. La voilà, la réalité. Et ce n’est que le début.
Tu veux venir passer une semaine dans mon service, à trier les malades ? Tu sais à quoi ressemble mon quotidien, Ducon ? Quand t’as une mère qui vient te voir pour te dire « mon fils de dix-huit ans veut passer le permis moto », « ma fille s’est inscrite au concours d’infirmière scolaire » ou bien « mon mari a un compte Insta sur lequel il poste des photos de tiramisus revisités », et que dans la pièce d’à côté tu as un petit vieux qui vient de se créer un compte sur disonsdemain.fr avec le pseudo CarpeDiem45, un gosse de treize ans qui te dit « mon père s’est mis à son compte », ou Yann Barthès, et que tu dois faire un putain de choix alors même que chez toi, ta propre femme te dit que les librairies devraient être considérées comme des commerces essentiels et que ton propre fils est vegan, tu crois vraiment que ça me fait plaisir de devoir traiter un cas comme le tien alors qu’on aurait tellement besoin de moi en Afrique ou en Moselle ?

- Désolé, docteur, je me rendais pas compte de la gravité de la situation. Je suis désolé pour votre fils.

- C’est bon, c’est moi qui m’excuse de m’être emporté ainsi. On est à bout, faut nous comprendre. Ce matin encore j’ai perdu mon assistante, une femme dévouée qui travaillait pour moi depuis vingt ans et qui m’annonce de but en blanc qu’elle va passer ses prochaines vacances en Bretagne. Je ne sais pas comment tout ça va finir…

- Bon, mais du coup, si je vous rends vos stylos, je suis guéri ?

- Mon vieux, votre état est bien trop avancé. On va vous traiter car c’est notre métier, mais c’est sans espoir. Pour votre fils, on va vous faire une ordonnance pour une planche. Votre femme n’a pas encore ouvert la bouche, donc je peux difficilement me prononcer sur son état. Mais vu qu’elle vient de se planter son rouge à lèvres dans l‘œil en voulant se remaquiller, et étant donné qu’elle s’est mariée avec vous et vous a fait un enfant, je suppose qu’au mieux c’est une pov’ conne. Avec une bonne claque dans la gueule et un divorce, on peut espérer une amélioration. Mais faut pas rêver, elle aura toujours plus de chances de prendre de la hauteur avec un livre en montant dessus qu’en le lisant.

- Et pour moi ?

- Je suppose que vous avez entendu parler du feu ?

- Oui, comme tout le monde. Mais c’est pas encore au point, ils l’ont dit sur Internet. Vous avez vu les essais cliniques à Notre-Dame ? Non seulement aucun catholique n’a été cramé, mais en plus ça a poussé des tonnes de cons à un élan de générosité sans précédent ! J’ai envie d’dire que je suis en mode flippé, besoin de me reconnecter aux éléments, entre guillemets c’est que du bonheur, ça fait sens, sans précédent, voilou, Perros-Guirrec, confinement finement con, …

- Mon dieu, on est en train de le perdre ! Infirmière ! Infirmière!! TU VAS RAMENER TON PUTAIN DE VAGIN ICI, ESPÈCE DE PERSONNEL SOIGNANT INTERMÉDIAIRE !


***



Une bien triste nouvelle sur le front de la pandémie.

Dans la guerre engagée face au virus qui sévit inlassablement depuis maintenant plusieurs mois, l’hôpital Jeannie Longo a permis hier matin de remporter une bataille significative, rapidement éclipsée par un drame cruel. En effet, alors qu’un cluster venait d’y être découvert, le bâtiment a été la proie d’un gigantesque incendie qui a cramé pas moins de cinq cent trente-sept cons, portant par la même un sérieux coup de canif dans le tissu de scepticisme tendu par les opposants à la solution par les flammes. D’après les premiers éléments de l’enquête, le feu se serait déclaré dans un local où étaient entreposées des planches dans l’attente de leur administration, et près duquel un enfant de treize ans jouait à frictionner deux cailloux dans le but de les faire se reproduire.
Dans un élan d’enthousiasme et de générosité sans précédent, des milliers de citoyens se sont précipités à leur balcon pour accueillir par des applaudissements cette bonne nouvelle. Les fumées qu’ils y ont alors inhalées nous incitent au pessimisme, puisqu’on estime à plus d’un million le nombre de personnes qui pourraient avoir été contaminées. Le Ministre de la Santé et des Toilettes Sèches s’est immédiatement rendu sur place et a déclaré que ce drame devait nous ramener à la raison et nous conforter dans le respect des gestes barrières, surtout en cas de contamination. « Restez chez vous, gardez une distance d’au moins un mètre lorsque vous brûlez un con, portez un masque sur votre bouche quand vous parlez. Et plus généralement, fermez bien vos gueules. »