Petit Ours Brun face à son destin

Le 08/05/2021
-
par Petit Ours Brun
-
Thèmes / Saint-Con / 2021
Petit Ours Brun sort de son hibernation, et d’auteur anecdotique mue en vrai zonard. Sous ses oripeaux de poète programmateur, il nous livre ici la ballade de ses amours déçues et mortifères, version binaire, avec un hominidé zélé dont le nom rime avec toujours. Alfred de Vigny et Verlaine, dont les vers discrètement rongent ce pelucheux texte st connesque à souhait, frémiraient certainement d’y côtoyer Goldman sur fond de Capdevielle ; heureusement, Candy vient sauver les meubles (je spoile si je veux). Note à l’attention de nos lecteurs les plus innocents (et/ou allergiques) : beware, sexe explicite ! (contient des traces de cacahuètes et de patates)
I et II

(pour le même prix)


« Si vous trouvez ce monde mauvais, vous devriez en voir quelques autres. » (Philip K. Dick, titre de la conférence de Metz, 1977)

« J'aime le travail : il me fascine. Je peux rester des heures à le regarder. » (Jérôme K. Jérôme, citation aléatoire)



Quand Petit Ours Brun rentra chez lui, ce soir-là, quelqu'un avait fait le ménage.

Petit Ours Brun vivait dans un quartier de merde. Il s'était souvent fait cambrioler, mais jamais un junkie ne s'était introduit chez lui pour y faire les poussières, passer l'aspirateur, changer les draps et récurer les chiottes. Petit Ours Brun se pinça légèrement les narines et expira brutalement pour se vider les cavités nasales, expulsant une salve de filets de morve blanchâtres sur un incongru portrait du général de Gaulle accroché au mur en lieu et place du portrait de père et mère ours, feu ses parents, lâchement assassinés jadis par un chasseur sachant chasser sans son chien. D'inquiétantes effluves flottaient dans l'air; ça sentait l'hôpital, le propre, la chimie, la mort. Petit Ours Brun n'aimait pas ça.

Il haussa les épaules, accrocha son slip de la semaine au porte-manteau et entreprit de marquer son territoire en repeignant les toilettes à sa couleur. Puis il passa au salon. Enfer et damnation : quelqu'un avait tout rangé, impitoyablement, jusqu'à rendre le sol apparent. Ses vieux disques de Michel Sardou et de Jean-Jacques Goldman avaient été replacés sur l'étagère, les pochettes poisseuses et écornées toutes parfaitement alignées dans l'ordre chronologique des albums. Sur l'étage supérieur trônaient, sorties de nulle part, les œuvres complètes de Jacques Bainville et Pierre Gaxotte. Petit Ours Brun n'aimait pas ça.

Une odeur suspecte émanait de la cuisine. Petit Ours Brun fronça ses sourcils imaginaires. Il connaissait mal cet endroit mystérieux de son logement, qu'il sous-louait à de sympathiques blattoptères. En passant par la salle à manger, il constata que la table avait été dressée : deux espèces de récipients aplatis et circulaires entourés de sinistres ustensiles aiguisés, fourchus, menaçants, étaient disposés sur une nappe impeccablement tendue. Les rideaux étaient tirés et la pièce éclairée de bougies, ce qui créait une atmosphère angoissante. Petit Ours Brun commençait à avoir peur. Il eut la vision fugace de pièges à loup et de lames métalliques se croisant en plongeant dans ses larges entrailles jusqu'au dernier moment où un chien étranglé, mort longtemps avant lui, sous ses pattes aurait roulé. Petit Ours Brun n'aimait pas ça.

La cuisine était éclairée mais, à son approche, la lumière s'éteignit brutalement.

- Tu as changé de slip en rentrant, mon amour ? Je nous ai préparé un petit repas aux chandelles.

La terreur s'empara de Petit Ours Brun. Il avait déjà entendu cette voix quelque part. Une musique étrange et envoûtante s'éleva dans la pièce, achevant d'y rendre l'ambiance atrocement oppressante.

- Il mio refugio, mon amour. Notre chanson. À ces accords de rengaine italienne, te souvient-il de notre extase ancienne ?

Hagard, tétanisé, cloué sur place comme un renardeau surpris dans la lueur des phares, Petit Ours Brun vit la petite silhouette gracile jaillir de la cuisine et venir se pendre à son cou.

- Embrasse-moi, mon ourson, mon fauve, mon impétueux plantigrade, mon ursidé infatigable, mon chou à la crème, ma bête brune.

Et les bras l'enlaçaient comme des tentacules répugnants. Et les lèvres tentaient de se coller aux siennes. Et les petits yeux tendres et pétillants de malice imploraient sa tendresse. Et Petit Ours Brun n'aimait pas ça.

- Fais-moi l'amour, grand fou, ou je me présente à la présidentielle.

Quand Petit Ours Brun rentra chez lui, ce soir-là, il était marié avec Éric Zemmour Boucles d'Or.



III


« J'm'enfuis, j'oublie, je m'offre une parenthèse, un sursis. » (Jean-Jacques Goldman, Je marche seul, 1985)



L'instinct de conservation et de fuite prit les rênes de la conduite de Petit Ours Brun. Dans un rugissement de terreur, il repoussa violemment Éric Zemmour de ses bras puissants tout en opérant un balayage de son pied qu'il se remémorerait plus tard comme un magistral de-ashi-barai. Ses petits yeux soudainement écarquillés, son époux fut vélocement projeté en arrière tout en tournoyant sur lui-même comme une toupie humaine mélancolique de droite. Il parvint à s'accrocher au chambranle de la porte de la cuisine et retomba sur son ventre, à temps pour apercevoir le derrière de sa tendre moitié qui filait au galop en mode quadrupède abstentionniste. Cette vision lui déchira le cœur et il décida que sa première mesure d'exception serait en faveur des éleveurs pyrénéens.

Dans le couloir, Petit Ours Brun attrapa son slip pendu au porte-manteau, fit un salto avant pour l'enfiler en pleine course, retomba sur ses pattes et se précipita dans la rue comme un dératé.

Il courut longtemps devant lui, affolé, puis reprit progressivement ses esprits. Alors il marcha des heures durant, perdu, désemparé, à travers la zone sale et les épaves et la laideur. Minuit se levait en haut des tours, ce qui collait parfaitement à l'absurdité de l'existence.

Le monde autour de lui n'avait pas changé. Tout dans la matrice était semblable à ce matin, quand il avait quitté son antre pour son habituelle journée de glande et de vadrouille en compagnie de Negana, l'ourson blanc. Tout, sauf ce détail incommensurable : son mariage avec Éric Zemmour.

- Enculé de Programmateur ! hurla Petit Ours Brun, les pattes antérieures levées au ciel en signe de refus et de rébellion.

Tel Jonas refusant de prendre le chemin de Ninive, il s'en alla aux putes pour se prouver à lui-même son hétérosexualité, puis se lança dans la tournée de ses rades clandestins préférés.



Midi se levait en haut des tours quand il émergea de l'oubli de lui-même au milieu de poubelles renversées. Dans son slip, son téléphone vibrait. Il prit l'appel de Negana.

- Mec, ça va ? Il y a ton gonze qui n'arrête pas de m'appeler pour savoir ce que tu branles. Et je ne t'ai pas vu ce matin.

Les brumes se dissipaient lentement dans son encéphale endolori.

- La tête dans le cul bien profond, mais je vais m'en tirer. Qu'est-ce que tu grognes, bordel ?

- Écoute, il répète en boucle qu'il va se présenter si tu ne te radines pas fissa. Moi, ça me fout les jetons, sérieusement. Faut que tu fasses quelque chose, je ne sais pas. N'importe quoi. On a besoin de toi, là.

- T’as raison. Je vais lui faire sa fête.



IV


« Quand à ceux qui n'ont pas refusé l'appel et qui ont entrepris l'aventure héroïque, le premier personnage qu'ils rencontrent est une figure protectrice (souvent une petite vieille ou un vieil homme) qui pourvoit le voyageur d'amulettes contre les forces de dragon qu'il va lui falloir affronter. » (Joseph Campbell, Le héros aux mille visages, 1949)



Et Petit Ours Brun reprit le chemin de sa maison. Tout en cheminant, il se rendait compte que des souvenirs d’une existence pourtant inconnue lui revenaient. Sa rencontre avec Éric Zemmour, leur coup de foudre, leur compatibilité sexuelle, leur mariage, leur lune de miel dans une station thermale auvergnate, l’abandon par amour de la vie politique pour l’un et du miel fermenté pour l’autre, les années de bonheur et de complicité.

Au détour d’une rue, une vieille clocharde à l’abondante chevelure blonde et bouclée horriblement piquée de deux morceaux de nappe à carreaux, qu’accompagnait un raton-laveur albinos, l’apostropha avec véhémence.

- Petit Ours Brun ! Je suis Candy la suite, je suis le retour de Candy, je suis Candy contre-attaque, je suis Candy rechargée, je suis Candy fait du ski, je ne suis pas Kandinsky, je suis la vengeance de Candy, je suis Candy Candy adjugée : je suis Candy II !

- Super, la vieille. Fous-moi la paix, je vais niquer Éric Zemmour. Je l’aime. Je le veux. Et c’est pour la France.

- Il te faudra cultiver ton jardin, Petit Ours Brun ! Vois, j’ai tout ce qu’il te faut : des marrochons, des pioches, cerfouettes, beches, tranches et aultres instruments requis à bien arborizer.

- Et pourquoi pas une foutue binette ?

- Mais une binette aussi et plus encore, Petit Ours Brun ! Et des graines de solanacées produisant des tubercules comestibles ! Le tout fourni dans une mallette plus petite à l’extérieur qu’à l’intérieur et que l’on peut aisément transporter avec soi. Et mon ami Capucin, le raton-laveur albinos amateur d’hexadécimal, t’accompagnera dans ta quête.

- Je n’aime pas les plans à trois.

Petit Ours Brun inspecta tout de même l’offre. Ça semblait gratuit. Sans se rendre compte que le raton-laveur s’était glissé à l’intérieur, il fourra donc la mallette dans son slip, remercia d’un grognement et reprit son chemin.

- Et n’oublie pas, Petit Ours Brun : un bon binage vaut deux arrosages ! entendit-il crier dans son dos.



V


« Je vais t'aimer comme on ne t'a jamais aimée. » (Gilles Thibaut, Je vais t’aimer, 1976)



Petit Ours Brun franchit le seuil de son logis en sifflotant le Chant du Départ - La République nous appelle, sachons vaincre ou sachons périr ! - et pénétra résolument dans le monde extraordinaire de la vie maritale avec Éric Zemmour. Il mio refugio continuait de tourner en boucle, peut-être sans interruption depuis la veille. Dans la chambre, son époux délaissé sanglotait sur le lit tout en rédigeant des discours de campagne.

- Fais taire le rital. Je vais t'aimer plus loin que tes rêves ont imaginé. Tu vas te faire biner sévère, polémiste de droite.

Tout en faisant l’hélicoptère, Petit Ours Brun envoya valdinguer son slip au pied du lit. C’est alors seulement qu’il se souvint que ses instruments requis à bien arborizer s’y trouvaient. Bravache, il décida de s’en passer.

- Je vais te biner sans binette. Te sarcler sans sarcloir. Te serfouetter sans serfouette. Appelle-moi Rhizotome. Je vais t’aérer la terre et les morts, moi, le nain.

- Alors comme ça, tu vas me serfouetter ? tenta d’ironiser Éric Zemmour, malgré son regard plus qu’intéressé.

Petit Ours Brun leva les deux pattes avant en l’air, tenant un manche imaginaire. Éric Zemmour renversa la tête sur le côté, prenant un air mi-moqueur, mi-lascif. Il faisait semblant de résister. Mais il tendit la main vers la télécommande de la chaîne hi-fi et lança le Jardin Extraordinaire de Charles Trenet.

Fléchissant lentement ses membres supérieurs, Petit Ours Brun, l’air décidé, descendit les pattes avant, l’une à hauteur de l’épaule, l’autre au niveau de la hanche, chacune fermement agrippée, puis entama un mouvement de ratissage circulaire.

- Des préliminaires ? Bien...

Éric se débarrassa de sa robe de chambre et s’étendit sur le dos, les bras en croix. Sa bouche mutine dessina un sourire amusé et encourageant.

Tout en souplesse, Petit Ours Brun opéra un léger saut sur place pour changer ses appuis et se mettre en position d‘attaque.

- Déjà ? s’étonna l’époux, manifestement émoustillé et quelque peu brusqué.

L’ursidé posa une griffe non rétractile sur ses lèvres, intimant le silence à son partenaire pour cette communion arborizante. De seconde en seconde, la température ressentie dans la chambre franchissait les degrés à la hausse. Tendant les pattes avant à l’horizontale et les faisant se rejoindre devant lui, il les fit ensuite se lever progressivement au-dessus de sa tête en un mouvement circulaire. Puis, soudain, s’étant donné de l’élan pour son prochain geste, il les rabaissa avec violence, assénant un coup de boutoir.

Éric se redressa, les yeux grand ouverts, le souffle coupé, abasourdi par l’entrée en matière. Cela promettait d’aller loin. Il reprit contenance et s’humecta les lèvres, se recomposant un sourire et concédant une oscillation du chef approbative. Mais ses membres tremblotants trahissaient un début de perte de contrôle.

Toujours sur ses appuis, Petit Ours Brun se plia en deux, poussant les pattes antérieures le plus en avant possible, puis se redressa doucement, les ramenant à lui, et entreprit de répéter ce mouvement de piston en variant la cadence.

Éric se tordait de plaisir sur le lit, frémissant et écumeux comme le lait sur le feu. N’y tenant plus, il se retourna et offrit sa croupe galbée aux assauts jardiniers de Petit Ours Brun.

C’était le point de non retour, et c’est alors que les tentacules de la pieuvre Amork sortirent de l’anus d’Éric Zemmour, s’enroulèrent inéluctablement avec de monstrueux bruits de succion autours des membres de Petit Ours Brun (qui parvint toutefois à happer son slip au passage du bout des lèvres), et l’engloutirent dans les fonds brumeux et sourds, sur les territoires sous-marins des abysses, entre les ruines décalées et bleuâtres de la mélancolie française.



VI


« Dans les fonds brumeux et sourds, sur les territoires sous-marins des abysses, entre les ruines décalées et bleuâtres, la pieuvre Amork et Negana l’ourson blanc chassaient ensemble. » (Petit conte apocalyptique, nihil, 2005)



Quoi ? Après un chapitre cinq pareil, tu voudrais un chapitre six ? Va chier, moi j’ai besoin d’un café.



VII


« Je crèverai pas ici. » (Mark Watney, Seul sur Mars, 2015)



Petit Ours Brun se réveilla seul dans un monde étrange et désertique à l’atmosphère brunâtre et suffocante. Le mystérieux endroit semblait triste et stérile mais les outils et les conseils de Candy II lui permirent d’y survivre en cultivant des patates. Il ignorait qu’il colonisait ainsi le colon d’Éric Zemmour.



VIII


« Petit Ours Brun allait mourir. » (La Psychanalyse du feu, Aelez, Saint-Con 2006)



Petit Ours Brun pourrait vous parler de la philosophie de Leibniz, à laquelle il n’entrave que dalle, mais vous avez lu comme lui certain conte de Voltaire et n’ignorez donc point ce qu’il en faut ici connaître. Il pourrait vous mettre Quand t'es dans le désert en musique de fond, vous justifier l’apparition de Leibniz sous ses yeux ébahis au bout de cinq très longues années de solitude, ainsi que vous conter l’entame de leur lutte à mort. Mais avouez que vous commencez à vous demander si ce texte est encore long, alors, à quoi bon ?

Car il risquerait encore de vous narrer les différentes phases de son long combat, ses doutes et ses défaillances, le moment dramatique où Petit Ours Brun allait mourir, vaincu par les flux écrasants d'uns et de zéros crachés par le maître précurseur de l’arithmétique binaire. Mais vous savez bien que Petit Ours Brun gagne à la fin. C’est son adjuvant albinos, le raton-laveur Capucin introduit au quatrième chapitre qui, n’ayant jusque là jamais quitté sa mallette, débarqua par surprise dans la mêlée, tel Blücher à Waterloo, pour renverser le cours de la bataille.

- Montjoie ! Saint-Denis ! L’hexadécimal à la rescousse !

Et Capucin fit donner les troupes hexadécimales. Parce que la diversité est un atout évolutif, les sempiternelles séries binaires de Leibniz cédèrent inexorablement le terrain devant la charge des régiments d’0xFFED, 0xA463, 0x00D8 - cuirassé touché -, 0xED87, 0xD4E7, etc.

À l’issue d’une écrasante défaite, Leibniz, pieds et poings liés, fut aspergé devant son vainqueur d’essence colonique, une substance combustible sécrétée par les diverticules enflammés. Il allait cramer comme un vulgaire abruti, tout coinventeur qu’il fût du calcul infinitésimal.

- Un monde où je suis marié avec Éric Zemmour, le meilleur des mondes possibles ? Mais bordel du Programmateur, crève, Gottfried Wilhelm Leibniz !

Et Petit Ours Brun plongea ses bras puissants dans les entrailles de Leibniz pour en ressortir deux calculs rénaux point trop infinitésimaux qu’il frotta l’un contre l’autre afin de produire une étincelle. Le feu prit sur ses bras, qu’il éteignit dans la merde ambiante du paysage.

Bien que soulagé du poids d'une partie de son système digestif, Leibniz, immobilisé et copieusement imbibé d'une essence inflammable, ne pouvait en faire autant. Dans la morne plaine putride, longtemps, il se consuma.

Petite crémation, bla-bla-bla : Petit Ours Brun vous pisse au cul.



IX


« La justification première du développement du calcul différentiel était de trouver une solution du ‘problème de la tangente’. » (Wikipédia, Calcul infinitésimal)



Des cendres fumantes de Leibniz émergeait une droite, braquée vers l’infini et qui, en tous ses points, se ramifiait régressivement en une multitude indénombrable de droites, chacune n’épousant les courbes des réels compossibles qu’en un seul point possible, par lequel elle s’abouchait à son orthogonale, engendrant des normalités multiples à courbure complexe dans des continuums potentiels. C’était la Droite Tangente Ultime. Petit Ours Brun comprit qu’elle constituait le but de sa quête et s’en empara.



IXIII/IV


Il n’y a pas de chapitre 9¾. Tu t’es vraiment cru dans Harry Potter, connard ?



X


« Take the Long Way Home. » (Supertramp, The Long Way Home, 1979)



Muni de la Droite Tangente Ultime, Petit Ours Brun n’eut aucun mal à déterminer la ligne de plus grande pente du colon d’Éric Zemmour et, tel Ulysse, s’embarqua dans un long et aventureux voyage de retour vers le monde ordinaire-mais-pas-tant-que-ça.



XI


« Heureux qui comme Ulysse [..] Et puis est retourné, plein d’usage et raison [..] » (Joachim Du Bellay, Les Regrets, 1558)



Dans une flaque de merde et dans un pet foireux, Petit Ours Brun réapparut sur le lit conjugal aux côtés d’Éric Zemmour. Comme le cul d’icelui était un trou blanc et non noir, le temps avait passé moins vite à l’extérieur qu’à l’intérieur, et son périple de plusieurs années n’avait duré que le temps d’un bref assoupissement pour le polémiste épuisé par les jeux de l’amour.

- Ô mon Éric, avant de te connaître, je n’étais qu’une monade incommunicable, je n’avais pas de fenêtre. Ton cul m’a changé. Je ne suis plus le même ours. J'ai une fenêtre.

- Tant mieux, ô mon ourson, car je crois bien que je t’ai fait des promesses en l’air et que j’ai toujours envie de me présenter à la présidentielle. C’est comme ça et puis c’est tout. Tu peux t’indigner. L’histoire est tragique.

- Tout ça pour ça ? C’est pas le Programmateur possible !

- Ne sois pas victimaire, petit ours, c'est d'un vulgaire.

- Oh ! une fenêtre de lancement.



XII

Assomption d'Éric Zemmour Boucles d'Or



« De nos jours, mais aussi à travers les siècles, la façon la plus facile de tourner les difficultés est la fuite, ce qui, au niveau de l’inconscient, revient à nier ou à refouler les problèmes. C’est la solution que nous propose finalement Boucles d’Or. [..] tout est résolu au moment où Boucles d’Or saute par la fenêtre. [..] Nous restons sur notre faim. » (Bruno Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées, 1976, Boucles d’Or et les Trois Ours)



Petit Ours Brun ouvrit la fenêtre, fit prendre la Droite Tangente Ultime à Éric Zemmour et, d’un grand coup de pied au cul - en évitant de s’y enfoncer - l’expédia hors de son monde possible à travers l’ouverture, car tel était le grand pouvoir de la Droite Tangente Ultime.

- Et vive la France !

Il referma la fenêtre. C’était la fin du cauchemar.

Il mourait de faim après ces années dans le désert à bouffer des patates. Il passa dans le salon : tout y était parfaitement bordélique comme l’avant-veille. Il plongea derrière le sofa et réémergea avec un paquet de chips à peine entamé et un sachet de cacahuètes salées à peine périmées.

Il alluma la radio. La station sélectionnée diffusait la chanson des Vieux Amants de Brel. Ses petits poils drus et teigneux se dressèrent sur sa tête en entendant le refrain.

Ô mon Zemmour…
Mon doux, mon tendre, mon merveilleux Zemmour…
De l’aube claire jusqu’à la fin du jour,
Je t’aime encore tu sais…
Je t’aime….


Enculé de Programmateur.