Un endroit paisible

Le 24/05/2021
-
par Cerumen
-
Thèmes / Obscur / Psychopathologique
Au lendemain d'une Saint-Con homérique, la Zone, à peine remise de sa gueule de bois, dresse déjà le couvert pour accueillir très prochainement la deuxième plus importante festivité de l'année. Dans cet entre-deux éthylique, un petit nouveau au nom de sécrétion organique (mais gardons-nous de supposer une filiation avec une certaine flaque de vomi) débarque avec une production qui laisse perplexe. Sur le fond, on est en terrain connu : un narrateur psychiatre pété de la tête (pléonasme ?), des meurtres et de la drogue à gogo, le tout saupoudré de pratiques SM. Mais tout ça est assez mal branlé, la syntaxe part à la cueillette aux champignons sans prévenir, le ton est tantôt sautillant, tantôt sombre, parfois lyrique, sans parler des situations improbables et incohérentes qui rendent l'ensemble plutôt comique. L'avertissement en début de texte, grave et sérieux, pourrait faire penser à une tentative de troll. Alors je me suis foutrement marré, mais je ne sais pas si c'était le but. Notons tout de même un twist discret et plutôt bien pensé, et une info capitale à retenir sur les lesbiennes. Ah, et c'est long.
AVERTISSEMENT : Un Endroit Paisible est moins une nouvelle qu'un exercice de focalisation sur un antagoniste, en vue d'un possible thriller. Le contenu est plutot salé : pornographie, violence psychologique, consommation de stupéfiants...
Contrairement à ce qu'on vous fait avaler au cinéma, dans les journaux, et bien sûr dans ces séries télé à la con où vous vend du sérial killer à la douzaine, la schizophrénie, ou psychose chronique, n'est pas un dédoublement de personnalité. La réalité n'est pas si sexy : entendre des voix, Jeanne D'Arc le faisait déjà au Moyen Age. Alors évoquer ces gens un peu à l'ouest, qui croient aux imbécilités comme les théories du complot, la terre plate, ces machins là, à notre époque, ça serait comme parler d'un voisin collectionnant les portes clés ou de son chien Toto, ce n'est pas vendeur. Non, les gens, à l'heure actuelle, ce qu'ils affectionnent, c'est le sordide, le gore, le monstrueux, ou alors ils zappent.

Moi aussi j'aimerai bien pouvoir changer de chaîne parfois, au lieu de cotoyer tout ces assistés chroniques. Veuillez excuser mon langage, mais dans ma profession on a régulièrement envie d'envoyer tout valdinguer pour se reconvertir comme éleveur de poulets : je suis psychiatre.

Je m'appelle William. Mon nom, vous finirez par l'apprendre dans la presse, quand cette histoire éclatera au grand jour. De toute façon, j'ai changé d'état civil quand j'ai commencé à exercer, histoire que mes patients, qui savent être envahissants, ne viennent pas fouiller mon linge sale. Oui, j'en ai, comme tout le monde. Mon père... passons, il n'a rien à voir dans tout ça. Je vous sens déjà prêts à vous repaître des squelettes de mes placards ! laissons cela aux feuilles de chou qui ne manqueront pas de venir fourrer leur nez dans cette affaire, le moment venu.

Revenons-en aux schizophrènes.
Aujourd'hui, j'en ai neuf inscrits sur mon carnet de rendez-vous. Une bagatelle ! La ville en est pleine, j'y ai veillé. Pour la plupart, c'est moi qui les ai diagnostiqué. D'accord, certains de mes collègues aussi, et j'ai aussi su dénicher quelques maniaques, euh pardon, quelques bipolaires, histoire de brouiller les pistes. Il s'agit de ne pas se faire prendre prématurément, si quelqu'un en était venu à remarquer mon petit manège... bah, cela viendra bien assez tôt.

J'en suis au quatrième, cet après midi (je n'exerce pas le matin), dans quelques minutes il entrera dans mon bureau. Je relis son dossier rapidement : le cas classique, hallucinations, paranoïa, pulsions hétéros-agressives, vécu de persécution délirant, repli sur soi. Ma secrétaire l'invite à entrer dans mon bureau. Je me lève :
"Bonjour Monsieur, comment allez vous ? "dis-je, en l'invitant à s'asseoir sur une chaise.

Oui, oubliez ces divans, ces pièces feutrées aux murs tapissés de livres. Mon bureau au Centre Médico-Psychologique est petit, on n'y trouve que trois chaises, dont la mienne, ainsi qu'une table, un ordinateur et un téléphone. Exercer dans le public n'encourage pas l'accumulation d'objets personnels, et le romantisme en pâtit énormément.

Mon patient s'asseoit et me répond "Bonjour docteur, c'est pas la joie ces temps-ci vous savez..."

Comme toujours. Je lui demande : "Qu'est ce qui ne va pas Monsieur ?" et il commence sa litanie habituelle. Je n'écoute plus depuis belle lurette, mais conserve un air intéressé, lui balance quelques affects aux moments opportuns, lui demandant parfois de préciser sa pensée, le laissant s'empêtrer dans son délire : il croit qu'on la envoûté parce qu'il voit des gens à son chevet la nuit, qui se penchent pour le toucher. Un cas de paralysie du sommeil toute bête, sûrement un effet secondaire du traitement. Quel traitement, au fait ? D'un oeil, je consulte son dossier... Un neuroleptique atypique, normal dans ce genre de cas, un anxiolitique de la famille des Benzos-Diazépines - quelles petites saletés ces machins là - et un somnifère en gouttes que lui fait prendre un infirmier à domicile tous les soirs. Tiens, tiens, intéressant, ça... Je crois que j'ai trouvé un candidat idéal pour ma petite marotte ! Je note mentalement son identité et ses coordonnées.

Le rendez-vous se termine, nous nous saluons, il me dit "Au revoir Docteur"... Oui, nous nous reverrons... plus vite que tu ne le crois, mon gaillard ! Je suis excité en pensant à ce que je lui ferai subir, mais je respire profondément et retrouve mon calme. La journée n'est pas encore finie, les réjouissances viendront après.

Le reste de l'après midi se déroule sans incidents. La routine. Vers 18 heures, la fébrilité me gagne. J'abrège mon rendez vous avec une ordonnance en bonne et dûe forme, après tout, c'est ce qu'ils viennent chercher, du bonheur en pilules et mon attention, même si elle n'est que feinte. Puis je rassemble mes affaires, range mes notes et sort du Centre.

Dehors l'air est chaud, rien à voir avec celui, conditionné, du bureau. Le soleil de l'après midi entame son déclin. Je ne l'aurais vu aujourd'hui qu'à travers les stores de ma fenètre, fermés pour échapper aux regards des passants de ce quartier populaire où j'exerce. Je rejoinds mon Audi décapotable : on a beau être dans le public, on n'est pas payé des clopinettes pour autant. Je démarre et entreprends de rejoindre ce quartier à la périphérie de la ville où habite mon patient. La circulation est fluide, je respecte la limitation de vitesse, se faire remarquer est hors de question, pas comme ces automobilistes habitants les cités environnantes qui grillent allègrement les feux de circulation avec leurs grosses cylindrées. Si la situation était différente, je les imiterais, mais il me faut garder mon calme, je dois rester au dessus de tout soupçon. J'arrive dans la rue où habite ma future victime et je cherche son appartement : la lumière y est allumée. Pas de difficulté à le localiser, je m'y suis déjà rendu lors d'une visite à domicile l'année précédente. Mais pour l'instant, il y a encore trop de passage dans la rue, je fais donc plusieurs fois le tour du pâté de maison, attendant que ça se calme. Passant devant un fast-food, je m'arrête au drive et passe commande. Puis je me gare devant la résidence qui me préoccupe, et patiente en mangeant mon cheeseburger.

Alors que je finis mon soda, le quartier est plus calme. Le moment est idéal pour sortir. J'ouvre mon coffre et y prélève une paire de gants de chirurgien en latex, que j'enfile. Puis, arrivé à l'entrée de l'immeuble, j'avise le sécuriclé, une petite boîte fixée sur le mur de l'entrée. Elle contient les clés permettant aux infirmiers et aides à domicile de mon patient d'accéder à son appartement. Elle s'ouvre avec un code, qu'heureusement je connais. Une fois les clés récupérées, je pénètre dans la résidence.

L'entrée est petite et propre, comme le couloir principal où s'alignent les boîtes aux lettres. Je dédaigne l'ascenseur, lui préférant les escaliers. Ma proie habite au deuxième étage, appartement 2-D, au bout du couloir. Je ne croise personne durant le trajet. De toute façon, je n'ai jamais croisé quiconque lors de mes précédentes "visites surprises" à mes patients. Arrivé devant le 2-D, j'enfonce la clé dans la serrure et j'entre. Mon patient est couché et regarde la télé. Il se redresse, un peu étonné de me revoir ici et non au Centre. Je le rassure, prétextant un oubli quelconque dans la rédaction de l'ordonnance. Déjà abruti par les médicaments, il ne s'en formalise pas. Apercevant son chat, un vieux matou inoffensif, je le saisis et l'enferme dans la salle de bains, en face de l'entrée. Puis, m'assurant que la porte d'entrée est bien fermée, je ferme également la porte de communication avec le salon, et me mets en besogne.

Mon mode opératoire est simple :
connaissant les secrets les plus intimes de mes patients, leurs peurs les plus secrètes, je ne perds pas mon temps en violences physiques inutiles et attirant trop l'attention. Non, mon travail n'est pas si éloigné de celui que j'exerce dans la journée, il est juste orienté différement. A peine une dizaine de minutes de conversation à voix basse, et ma victime pleure déjà. Je ne me fais pas de mouron : personne n'entendra ses sanglots étouffés. Quelques minutes de plus et il est mûr, prêt à être cueilli. Je l'aide à rédiger la lettre dans laquelle il explique son geste. Son écriture est exécrable, j'ai moi même du mal à le relire. Le laissant sanglotter sur son lit, je prends son somnifère et regarde la posologie : neuf gouttes par soir, à prendre dans un verre d'eau. Le dosage s'effectue à l'aide d'une pipette, mais je verse la totalité du flacon directement dans le verre sans me préoccuper du reste, et le lui fais boire. Alors qu'il se calme et s'endort, je lui murmure des paroles rassurantes, puis je quitte l'appartement, en prenant soin de laisser sortir le chat de la salle de bains, qui va aussitôt rejoindre son maître. Demain midi, l'aide à domicile qui vient préparer les repas de ma victime découvrira son corps sans vie, ainsi que la lettre.

Je ressors de la résidence, prends soin de remettre les clés à leur place, et remonte dans ma voiture.

Pour la première fois depuis des semaines, je me sens vivant.

***

Cinq mois ont passé depuis mon dernier meurtre, et je meurs d'envie de remettre ça. Hélas ! Je suis over-booké. Un de mes collègues est mort, et je dois prendre en charge ses patients en plus des miens. Comme si cela ne suffisait pas, l'approvisionnement en nouveaux malades est quasi constant, ce qui fait que j'enchaîne les rendez vous au Centre, auquels s'ajoutent des consultations à l'hôpital. Auparavant, je n'y passais que quelques heures par semaine, mais ces temps-ci j'y suis matin et soir, sans compter les gardes durant les week-ends.

Le service dont je dépends est le plus grand de l'établissement, et les chambres libres y sont rares. Sur une année, il ne désemplit pas, même si les patients ne sont pas nécessairement les mêmes. Bien sûr, il y en a deux-trois qui sont comme qui dirait ici "à demeure", parce que inaptes à sortir, suicidaires ou clairement animés de pulsions antisociales irrépressibles. Les autres, schizophrènes, bipolaires, borderlines, dépressifs, tous psychotiques, tous en souffrance, attendent de reprendre du poil de la bête avant de retourner dans cet endroit oppressant qu'est le monde extérieur. Même si l'endroit respire la sécurité pour les patients, ce n'est pas pour autant un hâvre de paix pour le personnel soignant. Tenez, par exemple, ce matin même, un patient qu'on garde attaché à son lit en chambre d'isolement a agressé physiquement l'infirmier qui lui faisait sa toilette. L'infirmier a été admis aux urgences dans l'heure. Un autre exemple : quand je suis arrivé cet après midi, un schizophrène hurlait "Bonjour les connards, ça fait du bien de m'écouter parler hein ?" à un cendrier du fumoir, sûrement persuadé qu'un micro était caché là.

Une vraie maison de fous ! Pas comme celles de la télé... quoique les lofts truffés de caméras où on enferme d'autres sortes de timbrés durant l'été présentent quelques points communs.
C'est l'heure du repas, que je prends, une fois n'est pas coutume, dans la salle commune avec les patients. Ils doivent se sentir proches de moi, il pourrait y avoir de futures proies parmi eux, autant gagner leur confiance.
"Hachis parmentier ou poisson ?" propose-t-on à un nouvel arrivé. "Hachis parmentier..." Et voilà, encore un qui est tombé dans le panneau ! Le hachis est dégeulasse, tout le monde l'apprend à ses dépends le premier soir. Devant moi, une femme d'une quarantaine d'année me confie qu'elle déteste une certaine Yannick qui urine devant sa chambre. Ma journée a été éreintante et j'aimerais m'esclaffer, mais je dois continuer à me contrôler. Je suis las de ne pas pouvoir m'adonner à mon passe temps, si je pouvais trucider ne serait ce qu'un petit malade de rien du tout, quitte à le faire sans impunité, si je pouvais me sortir de ce marasme, de ce train-train quotidien, reprendre mon souffle ! Il doit bien y avoir un moyen, une opportunité à saisir, après tout, je suis au bon endroit. Je dois vivre l'instant.

Il est 21 heures et j'ai fini mon service. Je me prépare à regagner mes pénates à contrecoeur, quand tout à coup, j'ai une illumination. Les opportunités, ça se crée. Comment ai-je fait pour ne pas m'en rendre compte avant ? Je me dirige vers la sortie tout en cogitant. Au moment de passer la porte, je décide d'agir. Vite, je passe devant la salle de garde. Les infirmiers y sont, papottant, attendant que leurs collègues de nuit les relèvent. Personne ne remarque ma présence, ils me croient déjà parti. Je fonce dans une chambre, la première qui se présente. Une forme est couchée dans le lit, dormant à poings fermés. Par chance, les traitements ont déjà été administrés !

Je me place devant le dormeur, c'est un homme, je lui ouvre la bouche d'un geste rapide, et lui enfonce la langue dans la gorge. Le geste le réveille, et il commence à étouffer aussitôt, mais j'ai déjà pris la poudre d'escampette, et je fonce vers la sortie sans me retourner.
Une fois dehors, je m'arrête pour reprendre mon souffle. Mes mains tremblent sous la décharge d'adrénaline, mais la fatigue des derniers mois s'est envolée : j'ai la pèche ! Je me sens apaisé, enfin. Plus question de rentrer : je vais aller voir un film, tiens. Ou mieux, boire un verre en boîte, et draguer un peu. Oui, je vais faire cela, m'amuser. D'abord, je retourne chez moi me changer, puis j'irai dans cette boîte où j'allais étudiant, et peut être y trouverai-je quelque jeunot avec lequel passer la nuit...

***

Il s'appelle Lakhdar, il est maghrébin, 23 ans, looké "loubar", je kiffe ! Nous nous voyons tous les soirs depuis quelques jours, lui adore les jeux d'étouffement, et c'est un véritable plaisir pour moi de le "martyriser" gentiment mais fermement. La parenthèse est agréable, mais il ne s'agit que d'un passe temps, m'éterniser auprès de lui n'est pas mon intention.

Malgré tout, ce soir, nous allons dîner avec une de ses amies lesbienne. Il m'en parle sur le chemin du restaurant italien où j'ai réservé une table : la trentaine, elle aimerait avoir un enfant, mais voilà, l'adoption ou la Procréation Médicalement Assistée sont encore illégales... le problème est récurrent chez les homosexuels d'aujourd'hui. Tous comptaient beaucoup sur les projets de lois, il y a cinq ans, cependant, les nombreuses manifestations de personnes décidées à défendre leur conception de la famille, enfin, surtout la vision qu'elles avaient d'elles-mêmes, avaient engendré l'abandon du projet par le gouvernement de l'époque. Les LGBT l'avaient vécu comme la fatalité habituelle, ce rejet dont ils étaient victimes au quotidien, mais ils étaient patients et espéraient bien voir ces lois redevenir d'actualité d'ici quelques années.

En attendant, il y a une solution plus douce, moins onéreuse, moins risquée pour les lesbiennes désireuses d'enfanter : trouver un géniteur, homosexuel lui aussi, qui accepte de les féconder et ne serait pas trop regardant quand à l'avenir de l'enfant, quelqu'un qui ne serait pas dérangé qu'elles partent, emmenant l'enfant, et l'élèvent avec la compagne de leur choix.

J'objecte que ce serait peut être plus simple pour elle de devenir hétéro, et Lakhdar me répond avec un grand sourire qu'après avoir accepté d'avoir choisi d'assumer sa sexualité, la jeter aux orties serait bien lâche. L'argument se défend, mais je souligne qu'abandonner son enfant à sa mère sans prendre le temps de l'élever peut être aussi considéré comme lâche. Lui n'est pas d'accord, la discussion se fait plus âpre.

Arrivés au restaurant, nous retrouvons lui et moi notre sourire, le sien gai et avenant, le mien figé, et je la rencontre enfin. Elle s'appelle Ida, c'est une petite brunette potelée, binoclarde, et habillée sans signes de féminité, hormis un carré de soie autour du cou. Végétarienne, elle a commandé un plat sans viande. Je ne comprendrai jamais ces gens qui éprouvent une aversion pour la chair d'animaux morts, moi même j'adore cela et n'imagine pas pouvoir m'en passer. J'apprendrai par la suite qu'elle a une maladie orpheline l'empêchant de digérer correctement la viande. Voilà au moins quelque chose de compréhensible.

Elle se lève, va aux toilettes toutes les cinq minutes, avant de revenir s'asseoir. Je la soupçonne de se repoudrer le nez à l'occasion (à prendre au sens figuré bien sûr !) si j'en juge par ses yeux injectés de sang et de son teint, plus rougeaud à chacun de ses retours.

La soirée se passe bien, nous discutons chaleureusement. Comme Lakhdar l'avait mentionné, elle évoque beaucoup son projet de devenir mère, et j'en apprends plus sur elle. Passionnée par la psychologie - dont elle se sert à tort et à travers, imitant nombre de débutants, un peu à la manière des magazines féminins, séparant l'univers en deux, un bon côté, dont elle fait partie comme de juste, et un mauvais dont font partie les gens à qui elle veut donner tort - et membre d'une association "gay friendly". Elle semble très intéressée par ma profession, elle m'interroge sur mon niveau de vie, se pourrait-il qu'elle me voie comme un possible père ? Je joue le jeu, même si je n'ai rien du Big Lebowski. L'imitant, je rajoute de la psychologie sur chacun de mes propos, comme un verni. Elle semble ravie.

Le repas se termine et nous nous préparons à partir. Au moment de se quitter, Ida et moi échangeons nos numéros de téléphone. Je lui promet de l'appeller rapidement.

***

Ce vendredi j'ai invité Ida à passer la soirée chez moi. Je lui réserve un petite surprise comme je les affectionne tant ! J'ai posé une journée de congé pour pouvoir tout préparer en vue d'une soirée que je veux parfaite. J'ai de bonnes raisons : elle n'a pas manqué de m'en fournir durant les quelques moments que nous avons passés ensemble. Comme ce premier rendez vous, chez elle, trois jours après notre première rencontre.

Ce soir là, je me rend donc à son appartement, au troisième étage d'une petite résidence du centre-ville. Nous passons la soirée à discuter, surtout d'elle même, au point que cela devient vite étouffant. Sans compter que pendant près d'une heure elle me parle les yeux fermés, comme si ma présence était purement facultative. Exaspérant, et ce n'est pas tout : dès la fin des préliminaires, alors que je perds mon érection, elle se met à me traiter de tous les noms, à me rabaisser comme si j'étais moins qu'un être humain. Moi, pris de court dans cet instant intime, ne peux m'empêcher d'exprimer une souffrance et lui révèle mon secret : la mort de ma mère sous les coups de mon père, alcoolique, alors que j'avais six ans, devant mes yeux. Et là, chez Ida, changement total : voix douce et compréhensive, discours empathique, la femme frustrée et acariâtre de la seconde précédente a disparu.

J'appelle cela la Métaphore du verre d'eau : vous emmenez quelqu'un dans le désert pour qu'il ait soif, très soif, et quand il réclame à boire vous lui tendez un verre d'eau fraîche que vous avez préparé depuis le début. C'est à cela qu'Ida viens de s'adonner, pour tirer parti de la situation et me sortir sa belle empathie. Cette petite conne possessive !

Une autre fois, nous sommes, toujours chez elle, devant la télévision à regarder une de ces séries dont je vous parlais il n'y a pas si longtemps, celles où les tueurs en série abondent tellement qu'on se demande comment il est possible qu'on en trouve si peu dans la rubrique des faits divers de nos journaux. Cette série s'appelle "Crimes Spirituels", où quelque chose du même tonneau. Ida semble fascinée par ce genre de programme, dont elle ne perd pas une miette. Sous l'effet de la blanche que nous avons consommée en grande quantité ce soir là, elle m'avoue redouter être victime d'un tueur psychopathe, à quoi je lui réponds que les faits décrits dans cette série sont imaginaires et destinés à divertir, non à informer, et que les transposer dans le réel serait l'expression d'un masochisme bien féminin. Incapable de me retenir, car cette apprentie psychologue à la petite semaine m'agace vraiment, je sous entends que je vois dans cette fascination malsaine pour les tueurs en série une preuve d'imbécilité flagrante. Nous nous disputons maintenant ; la raisonner est peine perdue, son discours cumule les poncifs véhiculés par les médias sans se préoccuper de leur degré de véracité ou de leur pertinence.
Se poser en victime potentielle en fait la victime idéale. Je lui permettrai donc d'accéder à son désir profond, devenir une victime. Elle qui se passionne pour la psychologie de bazar pourra en profiter, dans l'au delà, en tant que victime, elle désamorcera les critiques ! C'est avec une joie mauvaise que je me prépare à l'accueillir chez moi ce soir. Plus tôt dans la journée, je suis allé faire quelques emplettes, puis je l'ai appellée, lui promettant une soirée mémorable... Et elle le sera !

***

On sonne à la porte. Je vais ouvrir et je découvre Ida, pour une fois, habillée de façon très féminine : chemisier en satin, jupe courte, escarpins, et toujours le sempiternel foulard. Je la complimente sur sa tenue. Ce compliment n'est pas feint, je la trouve vraiment sexy, ce qui convient à merveille pour ce que j'ai en tête ce soir !

Je la débarrasse et nous passons au salon. Alors que je débouche le champagne, elle admire mon intérieur : tableaux, vieux objets, et ma collection de vases funéraires dont elle ne saisit manifestement pas l'utilité. Dommage, cela lui aurait fourni un indice sur mes goûts... bah, elle en aura un aperçu tout à l'heure.

Tout en sirotant le liquide pétillant dans nos flûtes, nous discutons. Je fais quelques allusions à l'enfant qu'elle voudrait engendrer : a-t'elle trouvé un père pour celui ci ? Elle me répond que je sais très bien qu'elle l'a trouvé. Encore cette possessivité ! Cela ne fait qu'ajouter à l'exaspération qu'elle m'inspire, mais je m'en vais y mettre bon ordre.

Détendus sous l'effet de l'alcool, vautrés sur le canapé, nous nous embrassons. Je lui caresse le ventre pour l'exciter, ce qui fait son effet, elle commence à déboutonner son chemisier, mais je l'arrête d'un geste. Comme elle ouvre la bouche, je lui intime fermement l'ordre de se taire. Ayant compris où je veux en venir, elle me répond, soumise, "Oui Monsieur". Tout en passant derrière elle, je lui retire doucement son foulard, le plie et lui bande les yeux avec. Excitée, elle inspire profondément. De sous un coussin, je sors les objets que j'ai acheté ce matin : plusieurs mètres de cordelette fine, et un baillon dildo, ce genre de gadget doté d'un pénis en caoutchouc sur lequel se referme la bouche de votre partenaire. On m'a assuré que c'était le baillon le plus humiliant, et c'est pour cela que j'y ai arrêté mon choix. Passant ma main sous sa jupe, je fais le geste d'arracher sa petite culotte... elle n'en porte pas ! Ida, petite Ida, qu'avais tu donc en tête en venant ici ce soir ? La même chose que moi ?

Je ne pense pas.

Lui passant les mains dans le dos, je commence par lui attacher solidement les poignets. Puis, ne pouvant lui enfoncer sa petite culotte dans la bouche auparavant, je la baillonne. Ses machoires se referment sur le pénis en caoutchouc avec un hoquet de surprise, sa langue reconnaissant la forme de l'objet. Puis je lui bonde les seins, deux tours de corde au dessus, deux en dessous, avec un noeud à hauteur d'omoplates que je serre bien, lui ramenant les épaules en arrière. Elle peut toujours se débattre, elle est immobilisée. Lui enlevant son bandeau, je lui demande de se lever et de se débarrasser de ses escarpins. Elle titube, ne pouvant s'aider de ses mains, mais y parvient. Puis je la guide vers la porte de la cave : "Viens, je vais te montrer quelque chose...". Ouvrant la porte, se déroule sous ses yeux un escalier de meunier, que je lui demande de descendre. Elle hésite, mais je la pousse doucement à descendre la première marche. Je lui dit "Ne perds pas l'équilibre, ma chérie" et elle commence à descendre doucement, marche après marche. J'éprouve beaucoup de plaisir à la voir ainsi entravée, et m'amuse de ses précautions timides à ne pas tomber.
Arrivé en bas de l'escalier, je lui ordonne de s'asseoir et reprends mon saucissonnage : d'abord les chevilles, que je fais passer l'une sur l'autre avant de les entourer de corde, puis au dessus et en dessous des genoux. La voilà à ma merci. Je lui titille les tétons à travers son chemisier quelques secondes... puis je sors de son champ de vision un instant, le temps d'aller chercher le coffre dans lequel je rangeais mes jouets étant petit. Il s'agit d'un grand coffre, suffisament spacieux pour accueillir une personne, recroquevillée sur elle même. Je l'ai vidé de son contenu cet après midi, des souvenirs auxquels je ne suis plus attachés, et y ai ajouté quatre mètres de chaîne solide ainsi qu'un cadenas. L'ouvrant, je retire chaîne et cadenas et entreprend de faire entrer Ida dans le coffre. Alors que l'incompréhension se lit sur son visage, je me redresse de toute ma hauteur, la dominant, et, tout faisant tomber son foulard sur ses yeux, tel un matador agite sa muletta sous l'oeil du taureau, je déclare avec un grand sourire : "Bonne nuit Ida... Fais de beaux rêves !" Je referme la porte du coffre sous ses hurlements, étouffés par le baillon, l'entoure des chaînes et les referme avec le cadenas. Puis je traîne le coffre dans la chaufferie, dont j'ai calfeutré les bouches d'aération, referme la porte, et remonte au salon, finir le champagne.

Ce serait dommage de le gâcher, vous ne trouvez pas ?

***

J'ai laissé Ida tranquille quelques jours. Au départ, j'allais ouvrir la porte de la cave et me tenais en haut des escaliers, tendant l'oreille. Mais très vite, ses grognements ont fait place au silence le plus total. La cave respire à nouveau la paix et la sérénité.

Je fais l'inventaire du sac à main d'Ida : un portefeuille contenant ses papiers d'identité et des cartes de fidélité, quelques euros, un nécessaire à maquillage, un téléphone, ses clés et une petite enveloppe de coke, que je jette dans les toilettes. Je trouve également un papier plié... qu'est ce que c'est ? Je n'en crois pas mes yeux : une ordonnance pour des calmants, rédigée par un de mes collègues !

Pourtant je m'étais renseigné sur Ida, elle ne faisait pas partie des patients du Centre... Je viens de mettre le doigt sur quelque chose. On dirait bien que mon collègue s'amuse à distribuer des ordonnances de complaisance. Je garde le papier, il pourra mettre utile plus tard. Le téléphone d'Ida n'arrête pas de sonner. Elle était lesbienne après tout, donc très entourée, amis, relations... Je me débarrasse du sac et de son contenu dès le lendemain, en le jetant dans un fleuve, en faisant mon jogging matinal.

Puis je me jette à corps perdu dans le travail, pour oublier cet amour déçu. Les semaines passent, chacune est rythmée de rendez vous à l'hôpital et au Centre, de tours de garde les week end, je rentre chaque soir crevé et je m'endors devant la télé, jusqu'au lendemain, où tout recommence...

Lakhdar cherche aussi à me joindre régulièrement, mais je n'y prête plus attention désormais. Je l'avais dit, pas question de m'éterniser.

Un soir, je rentre moins fatigué que d'habitude, et trouve la force de me faire à manger : Une belle entrecôte de 450 grammes m'attend dans le frigo. Je la cuisine avec des pommes de terres coupées en dés, rissolées, et persillées. Alors que j'entame mon repas, je suis pris d'une envie de vin. Je descend donc à la cave me choisir une bouteille. Ma cave est excellente, et on y trouve de nombreuses bouteilles rares et anciennes. Alors que mon choix se porte sur de l'amontillado, un relent de décomposition attire mon attention. Cette odeur, je l'ai sentie maintes fois durant mes études et mon internat, j'y suis habitué depuis longtemps. Mais ce soir, elle a sur moi un effet inattendu, attirant. Je me tourne vers la porte de la chaufferie, et repense à mon exaspérante amie.

Mû par une impulsion, je saisis la poignée et ouvre la porte : l'odeur me frappe de plein fouet. Je me régale des effluves de pourriture enîvrantes et je sens venir en moi une érection. Je m'approche du coffre, le débarrasse de ses chaînes, entrouvre le couvercle pour jeter un oeil à l'intérieur... et s'offre à moi le plus beau des spectacles : Ida, ligotée, le corps gris, marbré de bleu, tirant lentement sur le verdâtre, la jupe maculée d'urine et d'autres fluides corporels.
Saisissant le foulard sur sa tête, je découvre des yeux vitreux, sans vie, figés dans une éternelle supplication : "Libérez-moi! Laissez moi sortir !". Mon érection est énorme à présent. Je déboutonne mon pantalon, sors mon sexe, et entreprends de le caresser avec la soie. J'éjacule presqu'aussitôt, et je reste là, le corps parcouru d'ondes de plaisir.

Une fois de plus, je me sens apaisé.

***

"- Tu bois quelque chose ? Un thé ?

- Oui, un thé ça ira très bien."

J'aurai plutôt besoin d'une vodka bien tassée...

Je suis chez Lakhdar, à qui j'ai enfin daigné répondre. Il faut dire qu'il a su insister. Je me demande de quoi il désire tant me parler. Se doute-t-il de quelque chose ? Ida lui aurait-elle dit qu'elle serait chez moi ce soir là ?
S'il est au courant, je vais devoir m'occuper de son cas. L'heure est grave : les flics sont passés au Centre aujourd'hui. J'ai pris des risques, beaucoup de risques en fréquentant Ida. Elle était lesbienne, donc bien entourée... et maintenant on s'inquiète de sa disparition, ses amis de l'association remuent ciel et terre pour la retrouver. Comme si ça ne suffisait pas, il paraît que chez elle on a retrouvé des calmants en quantité, des ordonnances de complaisance comme celle que j'ai trouvée dans son sac à main. Elle dealait, la garce ! Et pas que des médocs, de la coke aussi, bien sûr. Merde.

Les flics, je les vois souvent, j'ai des psychopathes parmi mes patients, des gens pas si déplaisants dans le fond, juste enclins à transgresser plus que la normale. Qui sont impliqués dans des bagarres, dans des histoires de menaces, bref, ils se retrouvent chaque semaine au commissariat, et dans ce cas là, qui est chargé de statuer sur leur dangerosité, selon vous ? Je donne mon avis professionnel, le juge les condamne à payer des dommages et intérêts, et ils peuvent retourner s'alcooliser jusqu'au prochain délit. Oui, les flics, moi, mes collègues, on se connait bien. Ma secrétaire flirte avec eux à chacune de leurs visites : "Vous n'avez pas le droit d'entrer messieurs, c'est privé ici !"

Pour résumer, au Centre, on est sur la sellette maintenant. Si la police commence à s'intéresser aux disparitions de mes patients, je suis mal barré. C'est que je me suis livré à une véritable hécatombe ces dernières années...

"Tu prends du miel dans ton thé ?"
Lakhdar. Son appartement : un studio pas loin du Centre, au rez-de-chaussée d'une petite maison. En entrant, on voit tout de suite que Lakhdar n'est pas fan de ménage. Du coin du canapé défoncé où je suis assis, je vois une boîte de sardines vide à même le sol, des vieux cartons de pizza empilés sur la table basse où mon thé refroidit, et sur le mur d'en face un drapeau Motorhead crasseux. Sans compter les cendriers bourrés de mégots, pas que des cigarettes, j'en ai peur. Outre une télévision écran géant, dotée d'un système de son dernier cri, probablement tombé du camion, il y a le lit, à barreaux, où est attaché un ceinturon, ce bon vieux ceinturon en cuir clouté de nos ébats. Voyant que mon regard s'y attarde, Lakhdar me demande : "T'as envie de... ?".

Je change de sujet : "Tu voulais me parler de quoi ?

- Ben, c'est à propos d'Ida..."

Nous y voilà.

"Elle devait me filer du Xanax, et comme elle est partie on ne sait où, je me demandais, toi qui est psy... C'est pas toi qui la fournissais ?"

Je réponds calmement : "
- Bien sûr..." Je prends un air embêté : "Mais je n'ai pas d'ordonnance sur moi...

- Non, pas d'ordonnance ! C'est Ida qui s'occupait de ça, t'en aurais pas un peu pour me dépanner ?

- Non, pas sur moi. Je passe t'en apporter plus tard si tu veux. Il va me falloir un peu de temps, à l'hôpital c'est très surveillé...

- C'est pressé, j'ai des clients qui attendent.

- Je t'appelle demain, je te dirai.

- C'est cool de ta part. Si tu cherches quelque chose, coke, weed... je peux t'avoir de l'Amnesia... ?

- Merci, j'ai ce qu'il me faut."

Une histoire de toxicomanes... Je quitte Lakhdar, rassuré. Il aura bientôt de mes nouvelles.

Il reste la police, s'ils me repèrent, je suis cuit. Il va falloir prendre des précautions maintenant, arrêter les risques inutiles. Si j'en suis là, c'est de ma faute : j'avais ma petite méthode bien rôdée, avec mes victimes, triées sur le volet, des personnes fragiles, isolées, possèdant des médicaments mortels à fortes doses... J'aurai dû m'en tenir là, plutôt que m'en prendre à une adepte de la psychologie à deux balles, gay de surcroît. Je promet de faire attention désormais.

Mais d'abord, j'ai une affaire à régler.

***

Il m'a fallu me procurer un diable pour charger le coffre dans la camionnette de location, et pourtant, il a l'air léger, comme si le corps à l'intérieur ne pesait rien. Ou peut être est ce l'effet de l'adrénaline ? Après tout, c'est la première fois que je fais ce genre de chose. Je n'en avais jamais eu besoin auparavant.

Il est trois heures du matin et l'endroit est désert. J'y venais parfois autrefois, quand je pratiquais l'aviron. Ce petit coin du port respire la tranquillité, même de jour, personne n'y vient jamais. L'air de la nuit sent le gasoil : une péniche a dû dégazer sauvagement dans le secteur, s'il restait encore des poissons ayant survécu à la pollution, cela règle la question.

Je m'arrête quelques instants et contemple les lumières de la ville au loin. Un endroit paisible.

Les eaux noires du fleuve se referment sur le coffre, engloutissant dans l'oubli le corps d'Ida.

***

"- Docteur, allez vous résister ? Je dois vous passer les menottes.

- Je vous assure, je n'ai rien à me reprocher ! Il doit s'agir d'une erreur !
- Nous verrons cela au poste, si vous le voulez bien. Donnez moi vos mains."

Mon coeur bat la chamade. Un policier, sortant du bureau, lance : "
- Regardez ce que j'ai trouvé ! Comment expliquez vous cela, docteur ?

- C'est la première fois que je vois ça ! Ce n'est pas à moi, quelqu'un a dû l'y mettre... Je vous en prie, pas devant mes patients !

- Allons, docteur, ne faites pas l'enfant. Venez avec nous."

Les menottes cliquètent en se refermant sur les poignets de mon collègue. La descente de police s'achève ici, avec son arrestation. Les flics l'emmènent sans ménagement, avec les doubles accusateurs des ordonnances de complaisance. Ils traversent la salle d'attente, sous les regards noirs des patients. Tous disent clairement : "Meurtrier".

Ils sortent. Je respire de soulagement. Je me suis affolé pour rien finalement. Mes problèmes se sont résolus d'eux mêmes, il suffisait juste de laisser faire les choses.

En rentrant, je brûlerai l'ordonnance d'Ida. Je n'en ai plus besoin maintenant.

***

"Merci pour le Xanax, Will".
Le corps nu de Lakhdar se presse contre le mien. Je caresse ses épaules musclées. Lui, encore haletant, pose sa bouche sur la mienne et y dépose un baiser. Ses lèvres sont douces et chaudes.

- "Ca te dérange si j'en prends un peu ?
- Non... Tu prends que ça ?

- C'est pas mortel si j'en prends plus ?

- Je ne pense pas. De toute façon, j'ai sauvé tellement de vies pendant mon internat, que.. ben, avec moi, tu ne risques rien, tu sais. Je suis là."

Je regarde Lakhdar reprendre quelques gélules.

"On recommence ?"

Il s'étire et ferme les yeux : "
- Non. J'ai sommeil.

- Comme tu veux". J'ajoute, pour le rassurer :

"Tu peux dormir tranquille. Je reste près de toi."

Dommage d'en arriver là. Oui, c'est vraiment dommage, mais je dois me préserver, et Lakhdar est un témoin génant maintenant...

Mes mains se referment sur sa gorge.


Avril 2018.