Commu-niqué

Le 24/01/2003
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par nihil
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Thèmes / Polémique / Système
nihil poursuit sa propagande insidieuse, sous-entendant ici que la frénésie de communication qui nous envahit est un instinct animal et remet ça avec la manipulation par le Système. Ca tourne au comique de répétition, à ce niveau-là...
Des fois je me demande pourquoi je me fais chier à communiquer, à discuter, à échanger des points de vue, à développer, à argumenter, à contre-argumenter, à répondre… Ca avance à quoi en fait ? Mon point de vue est toujours le même au final, et je suis même content de savoir que je ne suis pas aisément manipulable et que tous les arguments qu’on pourrait me sortir ne modifient pas mes convictions profondes.
Et le point de vue des mes interlocuteurs reste toujours le même, quelque que soit mon argumentaire.
J’ai un temps justifié mon besoin compulsif de communication avec mes contemporains par une pseudo-curiosité scientifique qui me pousserait à étudier leurs comportements et leur manière de développer et de défendre leurs idées, un genre de beau prétexte qui expliquerait si bien pourquoi je me casse le cul tout en étant persuadé de ne jamais être changé par une discussion et sans même espérer changer les autres. Oui beau prétexte, vraiment, qui expliquait tout, tout en me plaçant sur une espèce de piédestal arrogant au-dessus de mes congénères.

Oui je suis toujours curieux de savoir pourquoi et comment un con de conformiste est devenu un con de conformiste, qu’est-ce qui sous-tend une argumentation construite, comment certaines idées dérivent automatiquement d’autres, comment un esprit peut être manipulé alors même que je viens de faire le constat qu’une simple discussion n’aboutissait à aucun changement (c’est qu’en réalité la manipulation est bien plus ardue que la simple « persuasion » par des arguments).
Oui il m’est arrivé de m’amuser à bousculer mes amis, à essayer « juste pour voir » de les déstabiliser, de détruire leurs certitudes par quelques évidences scientifiques ou philosophiques. Résultat : certains s’emportent et refusent de t’écouter, d’autres disent « oui, oui je ne sais plus quoi penser», t’approuvent et quelques minutes après la discussion reprennent leur train-train quotidien comme si de rien n’était.
Mais il faut se rendre à l’évidence. Je suis comme tout le monde et mon besoin de communiquer ne peut pas venir d’une certaine forme de supériorité qui me permettrait de disséquer l’esprit de mes semblables comme des insectes et de les étudier.

Alors qu’est-ce qui me motive à continuer à communiquer, à parler, à me justifier, à échanger presque en permanence ? Pourquoi ne me retirai-je pas dans un silence salvateur et une isolation bienheureuse ?

C’est tout con pourtant. Je suis un animal humain et je n’ai pas de libre-arbitre. D’un coté la biochimie de mon cerveau (carrément les hormones à ce niveau-là) générée littéralement par mon code génétique et la pression de la société me poussent à m’exprimer et à communiquer avec mes semblables, d’un autre coté on m’a éduqué à certaines convictions, un peu déformées grâce à l’air du temps (je ne peux plus être communiste aujourd’hui comme l’était ma mère à mon âge, mais je perpétue un peu le même genre de pensée) et on m’a « entraîné » à les défendre, à trouver du tac au tac le bon argument qui me permettra de me sortir d’une question délicate.
Au final je n’ai aucune liberté, je fais ce pour quoi j’ai toujours été programmé dans le cadre d’un Système pré-établi par la nature humaine et par l’évolution de l’Histoire et de la Société. Libre-arbitre mon cul.

Résultat les discussions sont toujours les mêmes et le résultat toujours le même, ça n’avance à rien d’autre qu’à satisfaire les neurones qui se baladent dans mon cerveau et qui me hurlent « communique ! communique ! ». Et même cet article n’est pas motivé par un besoin de prise de conscience sur ma propre nature d’animal, mais par une envie qui ne souffre délai de m’exprimer auprès de mes contemporains. Pas de leur faire comprendre quoi que ce soit, notez, ils en resteront à leur idée première quant à la valeur et à l’intérêt de la communication, mais juste pour soulever un prétexte à communication.

Quant à la soit-disante lucidité qui m’habite pour oser m’auto-juger avec autant de recul, ce n’est jamais que du flan, une pièce du puzzle mis en place par mon éducation et la société qui me pousse à systématiquement tout remettre en question, même le puzzle lui-même. Mais on ne remet pas en question le Système quand c’est le Système lui-même qui vous pousse à le remettre en question, ce n’est qu’une illusion.

Il n’y a pas d’issue.