ACAB-1

Le 05/06/2023
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par Lapinchien
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Thèmes / Saint-Con / 2023
Début des années 2040. Jeff Bezos et son entreprise Blue Origin ont transformé notre monde en développant une technologie nouvelle à base d'accélérateurs de particules miniatures. Un flic aux compétences de hacker accepte une mission délicate, dont l'issue pourrait bousculer totalement l'équilibre déjà précaire de toute l'économie mondiale. Lapinchien nous offre enfin sa véritable participation à la Saint-Con (en usant de ses propres pattes sur le clavier, cette fois), et tape dans le polar de science-fiction, avec ce texte un poil lent à l'allumage, mais qui bascule, une fois les bases de l'univers posées, dans de l'action survoltée et assez jouissive jusqu'à sa conclusion explosive.
La nouvelle frontière à atteindre et à dépasser, c'est ainsi que fonctionne le rêve américain, c'est son moteur, et le rêve américain donne le tempo au reste du monde. Ce sont les travaux du département R&D de la société Blue Origin de Jeff Bezos qui marquèrent cette nouvelle frontière en 2030 et la décennie qui suivit. En effet, ces chercheurs trouvèrent un moyen inattendu de faire atteindre des vitesses proches de celle de la lumière à des objets, ce qui permit à Jeff Bezos de remporter la course à l'aérospatiale qui l'opposait à Elon Musk et Richard Branson. Étonnamment cette découverte découlait de l'étude des trous noirs. D'après L. Fox Turner, prix Nobel de physique en 2028, tout objet tridimensionnel happé dans un trou noir reste inaltéré en sa surface sous forme d'objet bidimensionnel. On peut alors l'extraire du trou noir, toujours sans l'altérer, sous forme d'onde électromagnétique, même si c'est peu intuitif, par un sursaut de rayons gamma et ainsi l' accélérer à des vitesses proches de celle de la lumière. Turner démontra par le calcul l'équivalence onde-agrégat pour toute chose. Lorsque Blue Origin fût capable de miniaturiser les accélérateurs de particules, de mini-trous noirs hypermassifs avec une durée de vie de quelques secondes, assez longue pour accomplir tout le processus précédemment décrit, purent être produits de manière industrielle. Un déondulateur interne ou externe à l'objet pouvait alors lui permettre de reprendre sa forme tridimensionnelle lorsqu'il atteignait sa destination. Certes, voyager rapidement vers les planètes du système solaire en vue de leur colonisation était alors possible. Cependant sachant que le rayon de notre voie lactée est de 52 850 années-lumière, que l'étoile la plus proche de la terre, Proxima du Centaure , est distante de 4,22 années-lumière, on put tout de suite cerner la limite de cette nouvelle technologie dans le domaine de l'exploration.

La découverte de Jeff Bezos permit cependant au monde entier d'entrer dans une nouvelle ère industrielle et pas seulement dans le domaine spatial comme on s'y serait attendu. Tout un réseau dédié de fibres optiques, le Stuffnet, fut déployé dans le monde entier pour y faire circuler sous forme d'onde électromagnétique les personnes et les objets. En une décennie, le téléport était devenu le principal moyen de se déplacer et de livrer des choses. La technologie de Blue Origin fit monter en flèche les actions d'Amazon qui n'avait même plus besoin de livreurs et d'ouvriers pour fonctionner. Une grave crise du marché de l'emploi s'en suivit. Les secteurs du transport s'effondrèrent mais le pire était encore à venir, l'affaissement total de l'agriculture, de l'élevage, de l'industrie et de tout autre domaine de production. En effet, une onde dans le Stuffnet pouvait simplement être dupliquée en utilisant un miroir sans teint afin de la réfléchir et la réfracter, une onde en donnant deux égales, à partir d'un objet on pouvait en produire un autre à l'identique et en répétant le procédé en fabriquer autant qu'on en avait besoin. Amazon emprisonnait l'objet dans une boucle infinie et en produisait un nouveau à la demande. Cette manière de faire n'était cependant pas à la portée de tout le monde et nécessitait un savoir-faire d'expert. Le Stuffnet avait été ainsi conçu, Jeff Bezos se réservant le monopole de la duplication. Avec de grandes bases de données d'objets uniques, on pouvait répliquer et obtenir tout ce qu'on désirait à des prix que fixait Amazon. Zéro stock,. La disruption était la seule valeur sur laquelle il valait la peine de miser. Seule la R&D comptait, beaucoup de métiers disparurent. Si on n'était pas ingénieur, on ne servait pas à grand chose et on était payé une misère. Les pièces, les billets, les pierres et métaux précieux devinrent des objet obsolètes et sans valeur puisque reproductibles à l'infini. Un moratoire fut appliqué à la duplication de l'humain par le conseil déontologique international.
Los Angeles, début des années 2K40...

Je me lève aux aurores encore une fois ce matin. Cette fois-ci pour alpaguer Ray Newton, un dealer d'onduline, la drogue nanobotique du pauvre, une saloperie qui conduit un jour ou l'autre à un AVC. Après une rapide douche sèche, après avoir avalé une gélule de caféine, j'enfile mon smartwear et active le mode uniforme. Mes vêtements deviennent totalement noirs. Sur les pixels entrelacés de ma capuche, un logo tournoie indiquant mon grade de sergent, à la gauche de mon sternum un badge sur lequel apparaît mon nom : Jack Jackson. Mon matricule grésille le long de mon pantalon. Les nanobots dans ma bouche assurent le brossage de mes dents. Sur ma manche surgit l'image d'un clavier sur lequel je tapote l'adresse S.P. du commissariat de police où je bosse. Je me dirige vers mon télépod et en une fraction de seconde le mini trou noir de la machine me happe en déformant l'espace-temps avant de s'évanouir en me projetant sur le réseau sous forme d'onde électromagnétique. Quelques millièmes plus tard, je me retrouve au poste où je me déspaghettise dans la salle de briefing, entouré de mes collègues. Je donne rapidement mes consignes et l'intervention est planifiée. Nous sommes une dizaine à nous téléporter devant la maison de Newton dans un télépod public au coin de sa rue. J'ordonne au bélier de défoncer la porte devenue trou béant où nous nous engouffrons tous. Une alarme retentit et 5 femmes toutes nues portant un masque FFP2 sortent de ce qui semble être un labo. Mes agents éjectent de grands filins depuis leurs canons. Ils empaquettent les jeunes femmes alors qu'ils rapetissent puis lorsque les filins se serrent au maximum, ils sont downportés avec leurs prisonnières vers leurs canons respectifs. Ces petites mains sont stockées dans les canons dans une boucle infinie et dans l'attente d'être libérées dans une cellule, une fois de retour au poste. D'instinct je rentre dans le laboratoire où un gigantesque vortex, probablement déclenché par l'alarme, avale toute la marchandise. Sans hésiter je plonge dans le tourbillon au milieu des vapeurs et poussières d'onduline éthérée.

Nous atterrissons dans un entrepôt près des vieux docks. Je sens bien que la drogue s'est introduite massivement dans mes naseaux et que je ne vais pas tarder à délirer complètement. Je balaye rapidement la pièce du regard afin d'y trouver un objet qui pourrait m'aider à sortir de cette situation quelque peu désavantageuse. Les nanobots commencent à se comporter comme des neurotransmetteurs dans ma caboche. Il y a Ray Newton au fond de la pièce qui semble m'avoir surpris. Toute la réalité est transcendée dans un éclat d'arc-en-ciel. L'onduline fait son effet même si je tente de résister. L'ennemi dégaine une vieille arme. Des torrents stroboscopiques se déversent sur mon concevoir. Newton tire alors que j'active mon vortex-shield qui tourbillonne instantanément sur mon avant-bras gauche. Les balles sont happées dans le micro trou noir en son centre. Je tremble et je transpire de tout mon être. J'attends que mon assaillant recharge son arme pour courir vers un des murs de l’entrepôt qui soutient un défibrillateur portable. Newton s'approche en tirant mais mon bouclier tient le coup. Je ne vois plus qu'un monde en couleurs acidulées et un rire débile me gagne. J’attrape d'un sursaut les deux électrodes du défibrillateur, je les charge et d'un geste projette le dealer en le choquant à la poitrine alors que nous sommes au corps à corps. Cela me laisse quelques secondes de répit, aussi je recharge les électrodes et les décharge au niveau de mes tempes. Tous les nanobots dans mon cerveau sont grillés d'un seul coup, ce qui met fin à mes hallucinations. Je tombe au sol en recrachant de la fumée, complètement K.O.

Newton et moi émergeons à peu près au même moment. La seule différence c'est que j'ai une arme et que la sienne est retombée à plusieurs mètres de lui. Il fonce vers un télépod au fond de l’entrepôt. J'ai à peine le temps de me relever que je le vois se téléporter, me narguant d'un ciao de la main. Il a utilisé l'équivalent d'un VPN pour le Stuffnet, se downportant d'adresse S.P en adresse S.P une vingtaine de fois sur toute la planète afin de brouiller les pistes. Cependant il n'a pas à faire à un flic né de la dernière pluie. Ma réputation de hacker n'est plus à refaire. J'ai une signature de l'onde électromagnétique de Newton et en dix minutes, que je passe à programmer sur mon smartwear, je le localise sur Ocean's drive de Néo-Tokyo. Sans attendre plus longtemps, c'est là que je projette mon être. Il y a une longue avenue près de la mer et, sur le trottoir tout du long, des centaines de personnes qui se promènent. Il fait soir et ma vue se limite à des centaines de smartwears recrachant leurs animations cathodiques. Une nausée me gagne aussi bien due à ce spectacle épileptique qu'au jetlag refoulé. Sur les pixels des leds filaires de mon gant droit apparaît ma plaque de sergent. Je m'en sers pour interpeller un motard arrêté à un feu rouge. "Réquisition de votre véhicule !", Peut-on entendre en japonnais comme je demande à mon smartwear de traduire. Le gaillard n'est pas réfractaire et me laisse, sans broncher, sa moto. À peine je l'enfourche, qu'elle se soulève dans un vrombissement, ses deux roues remplacées par des vortex tourbillonnants. Je slalome un peu en lévitant entre les passants avant de revenir sur le bitume de la route. J'avance prudemment en recherchant le dealer dans la foule éparse. Soudain je le vois et il me voit en même temps. Il se met à accélérer puis à courir en bousculant le chaland. J'accélère comme je constate qu'un télépod public est à sa portée. Le dealer grille la politesse à toute la file d'attente des gens souhaitant se projeter ailleurs. La bulle de verre protégeant l'utilisateur se referme et je vois Newton tapoter sur la manche de son smartwear. Plus le temps de réfléchir, il ne doit pas m'échapper une seconde fois aussi je dégaine mon phazer. Je le vise à l'épaule et je tire alors qu'il commence à se downporter. La vitre de la cabine éclate en mille morceaux et le mini trou noir que je viens de tirer viens se ficher quelques secondes dans sa fosse sous épineuse. Comme il tourne massivement il plie cet os qui explose sous la suscion. Le sternum est à son tour dégradé et happé par le trou noir. Il entraîne la clavicule dévorée par mon projectile. L'humérus est à son tour emporté mais le trou noir instable finit par s'évaporer laissant l'épaule de Newton dans un sale état. Il souffre tellement qu'il tombe tête la première au sol hors de la cabine. C'est dans une explosion de sang que s'achève le téléport puisque la tête et le bras droit de mon adversaire restent sur place alors que le reste du corps a été happé ailleurs. La foule hurle d'horreur à la vision du spectacle et se disperse. La police locale ne tarde pas aussi je lâche mon arme et je lève les bras pour me rendre.

2 mois plus tard...

J'aime bien courir et, avec la gratuité du téléport pour les flics, chaque fois je change de spot. Cette fois, je suis à Central Park et je vous avoue que la grosse pomme, c'est un petit peu surfait. Je parcours les différents sentiers et chemins qui serpentent à travers le parc. Il y a de nombreux endroits pittoresques à découvrir, notamment les lacs, les ponts et les jardins. Aux abords de Bethesda Fountain, un drone s'avance vers moi et m'intime l'ordre de le suivre. Il m'escorte jusqu'à un banc un peu à l'écart des foules où m'attend une personne que je ne reconnais qu'en scannant son visage avec mon smartwear. Il s'agit du directeur des affaires externes, Charles Poe. Il donne à manger aux pigeons du parc. "Asseyez-vous, monsieur Jackson !", M'ordonne-t-il. Je m’exécute en grommelant qu'il a interrompu ma séance de jogging et que je suis en congés mais il poursuit : "J'ai entendu parler de vos exploits dans la traque et la neutralisation de Ray Newton. Vous avez donné un grand coup de pied dans la fourmilière." Je réponds que je n'ai fait que mon travail et que j'aurais espéré une fin plus heureuse pour le bandit. "Je recherche une personne dans votre genre pour une mission secrète, un chien fou sans attache, un kamikaze, un gars qui sait improviser sous la mitraille et par dessus tout un hacker possédant vos compétences..." J'avoue que ses propos me titillent aussi je lui affirme que je suis à sa disposition dans la limite de la légalité. "La limite de la légalité", Répète-t-il toujours en nourrissant les pigeons, "C'est bien de ce fil ténu dont il s'agit, Monsieur Jackson." C'est alors que je constate avec horreur que les pigeons meurent les uns après les autres, il est en train de les empoisonner. "Éliminer la vermine, c'est là le cœur de cette mission.", Entonne-t-il sans ressentir la moindre compassion pour les oiseaux, "Il vous faudra agir seul et infiltrer un gang de dangereux anarchistes, le groupe des Hybrides, vous avez surement entendu parlé de leurs exploits." "Assurément !", Je réponds, "Je pense sans problème me faire passer pour l'un des leurs." "C'est très bien, Monsieur Jackson, je vois que nous partageons les mêmes valeurs.", Conclue-t-il, "Prenez ce loop pour habiller votre smartwear, c'est un signe de reconnaissance pour les Hybrides, et rendez-vous ce soir au club Amnesia à Miami. Vous vous ferez passer pour un certain Rabbitdog qu'on a choppé à Melbourne, il y a une semaine. Bossez vite le dossier. La suite des événements ne dépend que de vous. Vous agirez seul en sous-marin, sans le moindre support. Je vous souhaite une bonne journée, Monsieur Jackson !" Poe se lève du banc et s'éloigne vers un télépod public en laissant un carnage animalier derrière lui. Ce type me dégoutte mais pas autant que le mouvement anarchiste des Hybrides qui sème chaos et attentats meurtriers sur toute la planète.

Quelques heures plus tard au club Amnesia de Miami...

Je suis assis à une table et j'ai commandé une bouteille de vodka que j’entame copieusement en attendant la suite des événements. Le haut de mon smartwear affiche la moitié supérieure du squelette d'un lapin stylisé, quant au bas, la moitié inférieure de celui d'un chien. Je porte un masque avec l'animation d'un crâne humain. Le club est bondé et la fête bat son plein. Un dôme de pixels affiche des loops aléatoires et les gens se trémoussent en redoublant d'inventivité avec les modes de leurs smartwears, eux mêmes crachant une musique en réponse au milieu sonore ambiant. Au bout d'une demie heure, un homme habillé un peu dans mon genre vient s'asseoir à ma table et engage la conversation :

- Bonsoir, Rabbitdog, je suis Lioncat comme vous pouvez le voir sur les attributs de mes habits.
- Bonsoir, Lioncat, ravi de vous rencontrer enfin IRL, on a mené tellement de combats en distanciel.
- Oui, vos talents de hacker ont servi la cause à plusieurs reprises mais cette fois-ci c'est le bouquet final et on a besoin de vous in vivo.
- Vous pouvez m'en dire plus sur ce que vous attendez de moi ?
- Les émeutes de la faim, la fin de l'étalon or, les faillites en cascade, la chute des devises nationales, tout cela pour conduire à la suprématie de Jeff Bezos, le monde est mûr pour l'abolition du capitalisme.
- Si vous pensez cibler Bezos, grand mal vous en coûtera. Ce type est introuvable depuis presque une décennie.
- Nous l'avons débusqué mais son élimination n'est qu'une partie du plan de notre action. Venez, camarade ! Vous en saurez vite d'avantage. Ce soir est le Grand Soir.

Je lui propose un shot de vodka et Lioncat accepte volontiers, nous trinquons à la cause puis il me demande de le suivre jusqu'au télépod de l'Amnesia. Nous nous déspaghettisons dans un hangar désaffecté de l'armée. Mon smartwear le localise dans le Nevada. Il y a de nombreux membres Hybrides qui tiennent en joue des techniciens. Une vitre nous sépare d'un monumental télépod au centre du hangar, surement le plus gigantesque que je n'aie jamais vu. J'ose un "Alors c'est dans l'espace que Bezos se planque ?" Lioncat se lance dans une tirade : "Non, il a construit un grand vaisseau, une forteresse qui se déplace à 0,999 fois la vitesse de la lumière dans un loop infini du Stuffnet. Son temps relatif s'écoule 22 fois moins vite que le notre ce qui augmente son espérance de vie sans perturber la gestion de ses affaires. C'est en constatant un léger lag dans la boucle Afrique qu'on l'a repéré. Depuis on traque la megaonde du vaisseau. Mais aujourd'hui un de nos commandos va tenter de l'infiltrer et vous et moi en ferons partie. Le cargo de ravitaillement en oxygène et azote sera notre cheval de Troie. On aura une fenêtre de tir de 3 millièmes pour le téléport." Angoissante nouvelle, je place discrètement, dans la base de lancement, une balise géolocalisable à l'attention de Poe et ses troupes d'intervention.

Nous sommes 6 à entrer dans le cargo et un compte à rebours s'égraine dans la chambre de téléportation. Le groupe est composé de Lioncat, l'éclaireur, Rabbitdog, le hacker, Gatorwolf, le pilote, Batfish, le soutien arrière, Dragonbull et Mousehorse, respectivement les supports droite et gauche de l'escadron. Nous sommes lourdement armés. Comment rester crédible sans griller ma couverture avant l'arrivé de Poe et ses renforts légaux ? Je me vois mal les arrêter tous maintenant, ils sont en surnombre et je tiens à la vie. La mission de ravitaillement est ordinaire aussi ne comporte-t-elle pas de surveillance particulière. Soudain, il y a un flash à la fin du décompte et je m'attends à entendre le cliquetis d'un verrou, signe que nous nous sommes amarrés au vaisseau mère à une vitesse proche de celle de la lumière quasi instantanément. Ce n'est pas ce qui survient. Nous ondulons à la dérive dans l'hyper-espace du Stuffnet. A priori nous avons subit une avarie et bien que notre onde se soit insérée dans la boucle Afrique nous n'avons pas atteint l'orbite d’appontage correctement. C'est peut être une occasion inespérée de retarder l’inévitable confrontation entre les Hybrides et l'équipage de Blue Origin ? Gatorwolf est aux commandes du cargo et manœuvre comme un dieu au milieu d'un magma d'ondes en hyperdrive. Je tire un câble de mon smartwear et le connecte sur une fiche du tableau de bord. Un clavier apparaît sur ma manche et je commence à programmer. J'ai la signature du vaisseau de Bezos mais je fais traîner mon analyse harmonique en faisant semblant de me perdre dans les calculs des coefficients de la série de Fourier pour gagner du temps mais ça ne prend guère. "Rabbitdog, je vous ai connu plus inspiré !", Me lance Lioncat, "Vous attendez qu'on percute une grosse requête ? Vous mettez l'habilité de Gatorwolf à rude épreuve !" Je suis coincé. Ma ruse n'aura pas duré 5 minutes. Je calibre tous les coefficients en lançant un "D'ordinaire, je travaille dans des environnements plus confortables et moins stressants. Mais pas d'inquiétude je suis sur le coup et je nous sors de là au plus vite." 5 minutes plus tard, le cliquetis marquant l'appontage résonne. Mon petit jeu aura permis au directeur Poe de gagner presque 4 heures dans son temps relatif.

Le sas s'ouvre et devant nous se présente le sosie de Dwayne Johnson lorsqu'il avait la trentaine. Je ne peux malheureusement rien pour lui, Lioncat lui décoche un tir de phazer en plein dans la tête avant qu'il ait le temps de réagir, le transformant inexorablement en sculpture d'art contemporain sanguinolente. Pas un bruit. Nous avançons en rang serré dans ce qui semble être un centre de stockage. Sur la droite dans un corridor, un garde ayant traits pour traits la même figure que le premier nous surprend à son tour. Tir de phazer de Dragonbull dans la tête du pauvre homme qui s'effondre comme le premier. L'Hybride chuchote : "Probablement des jumeaux ?" Quelques minutes de progression dans d'obscurs couloirs quand soudain, un autre homme identique aux 2 premiers surgit par l'arrière. Cette fois-ci, c'est Batfish qui le plombe dans la tête en ajoutant : "C'est une famille nombreuse..." Une porte se déverrouille et nous pénétrons dans des locaux de restauration collective. Lioncat annonce : "C'est carrément une réunion de famille !" alors qu'une centaine de gardes identiques surpris par notre présence se tournent vers nous. "J'ai l'impression que J. Bezos n'a pas respecté le moratoire sur la duplication des humains...", Que j'analyse dans la foulée. Les clones dégainent leurs armes. Nous faisons tournoyer nos vortex-shields et passons en formation tortue. Les balles sifflent mais nos boucliers les happent. Lioncat lance, sur une tablée, une grenade à implosion. Elle éclate et un trou noir en émerge attirant tous les gardes à proximité et créant une hydre improbable. Une vingtaine de gardes sont désormais soudés par leurs os. On peut voir à l'extrémité de la bête immonde, deux soldats collés par leurs mandibules, 5 en dessous dont les vertèbres thoraciques ne forment plus qu'une seule entité difforme, 8 autres accrochés par leurs ceintures pelviennes, un agrégat de chaises et de tables fondues, le tout courbé dans une sphère poisseuse d'où dépassent des membres de morts et d'agonisants.

Loin d'être impressionnés par la violence des anarchistes, les gardes semblent plus vindicatifs et nous comprenons très vite pourquoi : au milieu de la cantine, il y a un télépod d'où émerge un nouveau garde dupliqué chaque fois que l'un d'entre eux passe de vie à trépas. Ce télépod devient notre cible prioritaire. Nous nous orientons dans sa direction et Lioncat cesse momentanément de faire tournoyer son vortex-shield et ce pour permettre à Gatorwolf de faire usage de son bazooka. Il projète un trou noir massif qui vient heurter la cabine qui s'affaisse d'un seul tenant. Une immonde viande hachée constellée de cartilages et d'os broyés sort à présent de la machine en lieu et place des remplaçants. Très vite le surnombre redevient une difficulté intenable. Nous sommes acculés contre un mur et la formation est étrillée. Batfish est emporté par la foule et lynché tout bonnement. Miraculeusement les autres hybrides se glissent vers une porte de service que nous nous hâtons de barricader de l'intérieur. Lioncat entame un petit laïus à la mémoire de Batfish : "C'était un brave parmi les braves. C'est une grande perte pour la cause et..." mais il n'a pas le temps de finir et est interrompu par un énorme fracas qui fait vibrer tout le vaisseau. "Voilà la cavalerie !", que je pense en mon for interieur. Sans attendre, je tire un câble de mon smartwear et le connecte à un port sur le mur. Je programme rapidement sur ma manche et au bout de 2 minutes annonce au groupe : "Suivez moi, j'ai hacké les plans du vaisseau et trouvé la salle de commandement." Le plan s'affiche sur mon dos et notre position y est marquée par un point clignotant.

Nous traversons une crevasse étroite qu'il nous est impossible de contourner. Nous nous savons à découvert mais nous ne pouvons faire autrement si nous voulons rejoindre Bezos dans ses quartiers. En aplomb par la droite surgissent une centaine de dupliquants. Ils nous canardent copieusement et nous balancent de petits cylindres. Lioncat hurle : "Attention, mines !", mais il est trop tard pour Mousehorse qui piétine dans sa course un des cylindres qui s'active. Mousehorse est entraîné en tournoyant vers le sol par un vortex qui le déchiquette en lambeaux. Le trou noir s'évapore en quelques secondes mais le mal est fait. L'hybride est raboté jusqu'au dessous des bras et il gît mort sur le sol dans une grande flaque de sang. Soudain sur la gauche un autre groupe fait irruption. Ce sont les cohortes du directeur Poe qui grâce à mes indications ont pu apponter la forteresse. "Cessez le feu ! C'est la police ! Déposez vos armes !", Entonne le directeur Poe dans un mégaphone. Mais les dupliquants refusent en retournant leur force de feu vers la police. Celle-ci riposte à grandes giclées de lance-flammes. Nous laissons ces deux factions se confronter et en profitons pour nous engouffrer dans une galerie qui se révèle bien étrange. En effet, nous découvrons en la parcourant tout un réseau d'accélérateurs de particules étiquetés avec des noms de scientifiques de renom. Celui de L. Fox Turner, disparu du jour au lendemain sans laisser de trace, me marque tout particulièrement. Ainsi Jeff Bezos retient ces savants captifs dans des loops infinis et les duplique lorsqu'il a besoin de cerveaux brillants dans ses recherches. C'est à peine croyable ! Toutes ces disparitions depuis deux décennies ont la seule et même origine. Arrêter le coupable devient alors ma priorité. Nous arrivons sous une trappe accessible par une échelle. La salle de commandement est juste dessus. Lioncat passe le premier, il ouvre légèrement la trappe et y fait glisser un fumigène qui s'active de suite. "Go ! Go ! Go !", Entonne-t-il aux hybrides survivants.

Quand la fumée se dissipe on peut voir Gatorwolf tenir en joue Bezos, trois gardes à terre et Dragonbull avec une balle dans la tête alors que Lioncat m'aide à sortir de la trappe. "C'est à toi de jouer !", Me lance-t-il, "Montre nous comme le Grand Soir est beau..." Je reste coi sans savoir quoi faire alors qu'il pointe son phazer dans ma direction. "J'ai toujours su que tu n'étais pas Rabbitdog depuis le moment où nous avons trinqué à la cause à l'Amnesia. Le vrai ne l'aurait jamais fait c'est un freelancer qui ne travaille que pour l’appât du gain, en aucun cas un anarchiste comme nous autres. Mais j'avoue que nous n'avons pas perdu au change tu t'es montré d'une aide prodigieuse. Et d'ailleurs nous avons encore besoin de toi. Tu vas te connecter sur ce réseau, c'est le seul point d'entrée autorisé pour faire fluctuer les prix de ce qui s'achète sur le Stuffnet." "Mais je...", Je ne sais pas quoi dire. "Mais je rien du tout", Me reprend Lioncat, "Tu vas mettre tous les prix de la base de donnée à zéro et faire en sorte que le prix des prochains objets entrés dans la base reste à zéro également... Ainsi tous les humains seront égaux et pourront disposer de ce dont ils ont besoin gratuitement. Il va de soit que le prix d'une téléportation n'importe où dans le monde doit être nul pour tous. La propriété c'est le vol !" Je tremble, finalement je ne suis pas si courageux et casse-cou que cela. Je m'accroupis et tire un câble de mon smartwear que je branche sur un port de la console. Je commence à coder mais alors que je finis mes dernières requêtes et que j'uploade les derniers fichiers retouchés, la porte de la salle de commandement s'ouvre et voilà que le directeur Poe fait irruption équipé d'un lance-flammes. Il n'hésite pas une seconde et le fait gicler, balayant de gauche à droite, en direction de Jeff Bezos et Gatorwolf qui prennent feu instantanément en hurlant de douleur. Je ne sais plus quoi faire. Ai-je aussi peu de jugeote et de personnalité que cela ? Je n'ai pas d'avis politique. J'ai toujours agit sur commande pour l'argent ou sous la contrainte. Je ne suis rien. Lioncat est sur le point de tirer sur Poe quand ce dernier active son vortex-shield. Non seulement il arrête les balles mais il plaque Lioncat contre le sol et lui tranche la tête avec son bouclier. "Éradiquer la vermine !", Lance Poe en soulevant la tête de Lioncat, "Maintenant Jackson faites machine arrière, modifiez les bases de données et les fichiers ! La nature a horreur du vide, vous savez Musk paie très bien." Je soulève le clapet du déondulateur du vaisseau et je tape de toutes mes forces sur le gros bouton rouge. Le seul et unique choix de toute une vie. La forteresse se despaghettise sous le sol de la boucle Afrique émettant une longue traînée de feu tout le long de sa destruction.