Lou a 10 ans et elle sait déjà l'essentiel, son grand frère Martin est un immonde connard. Elle l'a compris bien avant qu'elle ne voie le vase se briser sur le crâne de sa mère, quand il se contentait simplement de l'insulter de "grosse truie" et de rayer sa voiture. Le pire dans tout ça, c'est que Martin n'est même pas un voyou, il se prend pour Proust. Auteur d'un livre médiocre, "Le temps où nous vivions", oublié rapidement après sa publication, il ne cesse de hurler qu'il est un génie incompris, bridé par sa famille. Non, Lou sait qu'il faut faire quelque-chose. Plusieurs nuits déjà, pendant sa courte vie, elle s'est tenue droite au-dessus de sa silhouette endormie, le couteau de cuisine à la main. Mais Lou ne veut pas aller en prison, et avec un couteau, on va toujours en prison. Heureusement, comme pour tous les méchants de ce monde, Martin a un point faible, il a la phobie des limaces. Une simple image de la créature visqueuse l'envoie dans une panique totale.
C'est pour ça que le mois passé, quand Lou a ouvert l'abri de jardin et qu'elle a vu une dizaine d'épaisses limaces rouges grouiller sur le sol, elle a tout de suite su que le Seigneur lui avait accordé un petit miracle. Martin pouvait bien l'empêcher de dormir en hurlant qu'il était trop intelligent pour ce monde, Lou savait qu'au fond du jardin, dans la nuit noire, les créatures copulaient, s'engrossaient, et se préparaient à pondre. Aujourd'hui, elles sont une centaine dans l'abri de jardin. Lou leur parle souvent, de son grand frère, mais aussi de sa mère impuissante, s'accrochant à l'idée que Martin est simplement un garçon trop sensible pour ce monde. Lou a déjà compris que les espèces nuisibles se cachent souvent sous de la peau humaine, et que les anges peuvent laisser une traînée visqueuse derrière eux. Les limaces l'écoutent, même pas la peine de les transporter dans une caisse pour le grand soir, Lou leur a dit où se trouvait la chambre du démon.
Lou a pris soin de déposer dans le verre d'eau de Martin un somnifère de sa mère. Une heure plus tard, il est nu, étalé dans son lit, et il ne sent même pas les fines mains de sa petite sœur l'attacher solidement aux barreaux. Pas plus qu'il ne sent le cercle de métal s'insérer dans sa bouche tandis que les sangles se nouent derrière sa nuque. Lou a tout fabriqué elle-même avec les affaires d'équitation de sa grande sœur. Il commence à se réveiller lorsqu'il sent les antennes d'un ange lui chatouiller le gland. Les yeux grands ouverts, Martin se met à hurler. Lou est heureuse, car ses mots sont bloqués par l'anneau de métal, enfin. Il jette un regard horrifié sur son corps recouvert de limaces, aucun bout de peau n'est visible, il ne voit qu'une énorme masse visqueuse s'élever vers le ciel. Lou sourit au-dessus de lui pendant qu'il s'étouffe sur son propre vomi et que sa pisse humidifie encore d'avantage les créatures. L'ange en chef, la plus grosse des limaces, est déjà bien logé au fond de son anus. Il n'y a plus que de la terreur dans ses yeux. Dans son corps, une douleur sans pareil, surtout lorsqu'il sent son colon commencé à être grignoté. C'est le plus beau jour de la vie de Lou, et c'est avec une joie intense qu'elle porte délicatement sur ses mains trois énormes spécimens qu'elle guide vers la bouche de son grand frère. Elles y pénètrent lentement, mais avec une détermination de soldates. Martin s'étouffe, se tortille sur le lit, impuissant. La force de son hoquet n'éjecte pas les limaces qui s'enfoncent de plus en plus profond. La dernière chose que Martin perçoit avant de crever est le visage de Lou au-dessus de lui, bercé d'un halo surnaturel.
Juste avant l'aube, la dernière limace s'extirpe du corps sans vie du parasite et rejoint la fenêtre entrouverte. La bataille est finie, la créature rejoint la pénombre.