Didier, employé mal dans sa peau et sur le point d’être licencié, se retrouve dans une situation embarrassante après avoir lâché un pet pestilentiel dans son bureau juste avant l’arrivée de sa supérieure.
Didier venait de péter sur sa chaise. Un pet silencieux qui puait. Il hoqueta de surprise, se demandant ce qu’il avait mangé qui pouvait provoquer cette belle odeur d’entrailles. Sa supérieure rentra dans son bureau environ une minute plus tard, mais ça puait encore. L’odeur s’était diffusée dans toute la pièce.
« Didier, je… »
Sirine Colbert se figea brusquement. Elle se rendit compte que ça puait vraiment fort. Didier ne savait plus où se foutre. Il hyperventilait. En plus, pour une fois qu’il bossait vraiment, qu’il n’était pas en train de faire on ne sait trop quoi sur internet - en général il lisait les revues de presses de son navigateur - mais là, non, il bossait pour vrai. Sirine Colbert capta le malaise de son collaborateur. Elle se garda d’émettre une quelconque remarque concernant cette puanteur manifeste qui avait désormais colonisé le moindre petit recoin du bureau.
« Tout va bien Didier ? demanda Colbert, le feu aux joues.
— Oui, je suis… sur un dossier. J’allais aller prendre un peu l’air.
— Vous avez raison, il fait bon, il faut en profiter.
— Oui, mais j’ai une belle vue depuis ma fenêtre. »
Didier hésita à poursuivre cette partie de small talk, ou simplement se lever d’un pas naturel et ouvrir la fenêtre. C’était un choix cornélien, de ceux qu’il n’avait pas eu à faire depuis l’époque de son divorce, à l’issue duquel il avait choisi finalement de ne voir ses enfants que pendant les vacances. Il les aimait bien ses enfants, mais il n’était pas bon, à ce niveau-là.
Au travail non plus il n’était pas bon et cela, Colbert l’avait déjà signifié noir sur blanc auprès des autorités compétentes. Le C.D.D de Didier ne serait pas renouvelé, elle le savait et Didier aussi le savait, et elle savait que Didier savait, et Didier savait qu’elle savait qu’il savait. Un jeu de dupe s’était instigué au sein de cette relation purement professionnelle. Colbert s’en fichait, elle avait l’habitude, mais Didier ne s’était jamais retrouvé dans cette position contraignante et ça l’oppressait.
« Vous vouliez me voir pour quelque chose ? demanda Didier.
— Oui, enfin, on verra plus tard si vous voulez.
— On peut voir tout de suite, si vous voulez.
— Non, non, j’ai une réunion qui démarre dans quelques minutes, » déclina poliment Colbert, qui n’avait qu’une seule idée en tête : sortir au plus vite du bureau empesté.
Didier alla prendre l’air et lorsqu’il remonta, ça puait encore, c’était vraiment phénoménal. Il rentra chez lui tout seul le soir dans son petit appartement au treizième étage, des Chinois venaient de s’installer à côté de chez lui et il était persuadé que c’était un appartement ravioli, ou une maison de passe, ou quelque chose comme ça.
Seul devant son téléviseur il termina la boîte de cassoulet qu’il avait entamé la veille, et qui l’avait fait sévèrement péter. Il se surprit à repenser avec délice à l’expression d’horreur qui avait imprégné le visage pâle de sa supérieure, ainsi qu’aux rougeurs qui étaient apparues sur sa gorge et sur ses joues. Il l’avait vu désemparée, inquiète, déboussolée ; en fait, il ne l’avait jamais vue comme ça. Il utilisa ces images pour se branler et s’endormit sans faire de vague quelques minutes plus tard.
****
Le lendemain, au travail, Didier recommença à péter dans l’ascenseur en descendant chercher les documents qu’il avait lancé en impression. Il entra dans l’ascenseur, appuya sur le bouton et il péta de plus belle. Quand les portes se rouvrirent, un étage plus bas, il vit la figure laide de Benoît, c’est un petit homme plein de bonhommie qui l’agaçait assez, et rien qu’à sa tête, ces derniers temps, Didier savait que Benoît savait et ainsi de suite. Didier fut donc ravi de voir sa face sournoise se déconfire à l’instant même ou il pénétra dans l’ascenseur. Didier, qui était déjà en route vers le photocopieur, se retourna de façon à saisir au vol l’humeur de son traître de collègue.
Cela le satisfaisait énormément, si bien qu’il décida de péter partout où il allait. Durant les réunions, au self, même dans sa bagnole le soir alors qu’il était le seul à monter dedans, comme si, quelque part, il cherchait aussi à se venger de lui-même.
Il sévissait sans culpabilité et adapta son régime alimentaire en conséquence. Son manège dura une semaine, après quoi Colbert le convoqua dans son bureau. Dans l’attente de cette mise au point, qui devait survenir courant de l’après-midi à quinze heures, Didier fit tout ce qu’il put pour emmagasiner un maximum de gaz dans son colon. Il avait bien l’intention de l’enfumer au gaz moutarde, cependant, lorsqu’il entra dans le bureau de la directrice, il vit qu’elle avait prévu son coup en ouvrant la fenêtre.
Il se mit à péter quand même, mais en plus, Colbert avait prévu du Vix et en avait appliqué sous son nez juste avant que Didier n’entre dans son bureau. Il vit le flacon sur la table, ça lui mit les nerfs.
« Didier, j’aimerai comprendre pourquoi vous pétez tout le temps comme ça, amorça-t-elle sans préambule.
— J’ai des gaz, admit Didier.
— Moi aussi, j’ai des gaz, Didier, tout le monde en a, ça c’est clair, et c’est humain, mais le problème est ailleurs, vous pétez partout où vous allez, comme ça, sans raison ?
— Je ne sais pas, mentit-il, j’aime bien.
— Ce n’est pas suffisant, Didier. »
Et sur cette dernière phrase, Didier comprit que sa cheffe brossait un constat général ; elle ne parlait pas seulement de sa puanteur. Mais Didier s’en foutait, il avait bien l’intention de continuer de péter. Sur ce, Colbert brisa enfin la glace :
« Votre contrat s’achève prochainement et j’aimerai que nous le menions à son terme en bonne intelligence.
— Vous ne pouvez pas me virez pour une histoire de pet, madame Colbert, ça ne fait pas sens.
— Mais Didier, je n’ai jamais parlé de vous virer là, protesta la cheffe, vraiment agacée.
— C’est ce que vous sous-entendez, insista Didier.
— Non Didier, là c’est vous qui êtes passif-agressif. »
Didier lâcha une caisse monumentale qui mouilla son slip.
« Et celui-là, il est passif ?! »
Colbert se leva d’un bond furieux. Elle ouvrit la porte et demanda à Didier de sortir. Didier sortit. Le soir dans sa bagnole, il prit les embouteillages. Il en avait un peu marre de péter tout le temps. Il sentit qu’il avait atteint peut-être le point culminant de son projet tout à l’heure dans le bureau avec sa cheffe. En plus à cause de son pet foireux, il avait encore de la merde collée aux poils. Ça l’emmerdait passablement. J’ai raté mon pet, déplora-t-il, c’était le plus important et je l’ai loupé. C’est toujours ce que je fais. Je loupe toujours tout.
Sur son palier, il vit une femme d’un certain âge, chinoise, aux cheveux argentées noués en chignon sur le haut de sa tête. Elle tenait dans sa main un petit tupperware. Un petit cadeau, comme elle venait d’arriver, pour faire connaissance.
« Merci, dit Didier, qui ne s’attendait pas à cela. C’est très gentil. »
Il mangea, c’était bon. Il avait été touché par le geste de sa voisine, aussi il mit un peu d’eau dans son vin. Il réfléchit aux paroles de Colbert. En effet, s’il quittait l’entreprise sur une mauvaise note, il risquait de se faire griller dans le métier. C’était un métier de merde, mais quand même, il était obligé de travailler. Putain, ce n’est pas juste, regretta-t-il.
****
« Vous vouliez me voir Didier ?
— Oui, merci. »
Didier s’installa en face de sa cheffe. Elle n’avait pas ouvert la fenêtre, il n’y avait pas de flacon mentholé sur son bureau ; Didier comprit qu’elle était dans une logique de paix envers lui. Il se sentait vraiment stupide, et mauvais en plus de ça.
« Ecoutez, je suis désolé, j’ai des problèmes en ce moment.
— Je comprends, Didier, admit Colbert. Ce n’est facile pour personne.
— Je vais faire attention à mon comportement.
— C’est le bon choix, Didier, et au nom de toute l’équipe, je vous en remercie.
— De rien, et encore désolé. »
Didier se leva. Colbert l’interpella :
« Ce qui serait bien Didier, c’est que vous composiez un petit message d’excuse à l’attention de vos collègues, vous me mettez en copie. »
Didier acquiesça même si ça l’emmerdait. Il ne savait pas comment tourner le truc alors il interrogea ChatGPT avec le prompt suivant : « Ecrire un message d’excuses à l’attention de mes collègues, dire que j’ai des problèmes personnels et que ça me donne des gaz. Tourne le message d’une façon cordiale, mais en relativisant aussi la portée de cet égarement. »
Objet : Petit message d'excuse (et de transparence)
Chères et chers collègues,
Je tiens à vous adresser un petit mot pour m’excuser si, ces derniers temps, certains d’entre vous ont été incommodés par ma présence… disons, olfactivement. 😅
Pour être tout à fait transparent, je traverse actuellement une période un peu compliquée sur le plan personnel, ce qui affecte mon équilibre général — y compris digestif. Rien de grave, mais suffisamment pour provoquer quelques… désagréments atmosphériques.
Je préfère en sourire (et j’espère que vous aussi), tout en vous assurant que je fais le nécessaire pour remédier à la situation. Merci pour votre indulgence et votre compréhension. On a tous nos petits moments de turbulence !
Bien à vous,
[Votre prénom]
Voilà ce que ça donnait. Il aimait bien. Il l’envoya. Personne ne lui répondit et désormais la plupart des gens lui tournait le dos ; il n’était pas intéressant, même un message d’excuses il n’était pas capable de le faire lui-même et ils trouvaient cela vraiment pathétique. En plus, il oublia de mettre son prénom, ce qui enlevait encore un peu plus de spontanéité à son message. Il renvoya le même mail, cette fois corrigé, le lendemain matin lorsqu’il remarqua son erreur.
En fin de semaine, il invita la dame asiatique à manger chez lui. Il avait fait des courses chez le traiteur car il ne savait pas cuisiner, il détestait ça. Il avait besoin de se confier au sujet de ces dernières aventures, ce qu’il fit.
« Toi bien agis, lui dit la voisine dans un langage approximatif, qui lui conférait une certaine forme de sagesse. Maturité, important pour homme. »
La voisine quitta son appartement sur les coups de vingt-trois heures.
Mature, oui, c’est sans doute ça, se répéta Didier en brossant ses dents. Il avait quarante-cinq ans et il apprenait encore chaque jour des désagréments de la vie. Quelques années plus tôt, il n’aurait pas réagi de la même façon : il aurait intensifié son opération, jusqu’à saturer l’air de tout le monde. Maintenant les choses étaient différentes ; petit à petit, il avançait. Un jour, pensa-t-il, je serai quelqu’un de bien.
Et à partir de ce moment-là, il ne péta plus jamais en guise de protestation.
FIN
« Didier, je… »
Sirine Colbert se figea brusquement. Elle se rendit compte que ça puait vraiment fort. Didier ne savait plus où se foutre. Il hyperventilait. En plus, pour une fois qu’il bossait vraiment, qu’il n’était pas en train de faire on ne sait trop quoi sur internet - en général il lisait les revues de presses de son navigateur - mais là, non, il bossait pour vrai. Sirine Colbert capta le malaise de son collaborateur. Elle se garda d’émettre une quelconque remarque concernant cette puanteur manifeste qui avait désormais colonisé le moindre petit recoin du bureau.
« Tout va bien Didier ? demanda Colbert, le feu aux joues.
— Oui, je suis… sur un dossier. J’allais aller prendre un peu l’air.
— Vous avez raison, il fait bon, il faut en profiter.
— Oui, mais j’ai une belle vue depuis ma fenêtre. »
Didier hésita à poursuivre cette partie de small talk, ou simplement se lever d’un pas naturel et ouvrir la fenêtre. C’était un choix cornélien, de ceux qu’il n’avait pas eu à faire depuis l’époque de son divorce, à l’issue duquel il avait choisi finalement de ne voir ses enfants que pendant les vacances. Il les aimait bien ses enfants, mais il n’était pas bon, à ce niveau-là.
Au travail non plus il n’était pas bon et cela, Colbert l’avait déjà signifié noir sur blanc auprès des autorités compétentes. Le C.D.D de Didier ne serait pas renouvelé, elle le savait et Didier aussi le savait, et elle savait que Didier savait, et Didier savait qu’elle savait qu’il savait. Un jeu de dupe s’était instigué au sein de cette relation purement professionnelle. Colbert s’en fichait, elle avait l’habitude, mais Didier ne s’était jamais retrouvé dans cette position contraignante et ça l’oppressait.
« Vous vouliez me voir pour quelque chose ? demanda Didier.
— Oui, enfin, on verra plus tard si vous voulez.
— On peut voir tout de suite, si vous voulez.
— Non, non, j’ai une réunion qui démarre dans quelques minutes, » déclina poliment Colbert, qui n’avait qu’une seule idée en tête : sortir au plus vite du bureau empesté.
Didier alla prendre l’air et lorsqu’il remonta, ça puait encore, c’était vraiment phénoménal. Il rentra chez lui tout seul le soir dans son petit appartement au treizième étage, des Chinois venaient de s’installer à côté de chez lui et il était persuadé que c’était un appartement ravioli, ou une maison de passe, ou quelque chose comme ça.
Seul devant son téléviseur il termina la boîte de cassoulet qu’il avait entamé la veille, et qui l’avait fait sévèrement péter. Il se surprit à repenser avec délice à l’expression d’horreur qui avait imprégné le visage pâle de sa supérieure, ainsi qu’aux rougeurs qui étaient apparues sur sa gorge et sur ses joues. Il l’avait vu désemparée, inquiète, déboussolée ; en fait, il ne l’avait jamais vue comme ça. Il utilisa ces images pour se branler et s’endormit sans faire de vague quelques minutes plus tard.
****
Le lendemain, au travail, Didier recommença à péter dans l’ascenseur en descendant chercher les documents qu’il avait lancé en impression. Il entra dans l’ascenseur, appuya sur le bouton et il péta de plus belle. Quand les portes se rouvrirent, un étage plus bas, il vit la figure laide de Benoît, c’est un petit homme plein de bonhommie qui l’agaçait assez, et rien qu’à sa tête, ces derniers temps, Didier savait que Benoît savait et ainsi de suite. Didier fut donc ravi de voir sa face sournoise se déconfire à l’instant même ou il pénétra dans l’ascenseur. Didier, qui était déjà en route vers le photocopieur, se retourna de façon à saisir au vol l’humeur de son traître de collègue.
Cela le satisfaisait énormément, si bien qu’il décida de péter partout où il allait. Durant les réunions, au self, même dans sa bagnole le soir alors qu’il était le seul à monter dedans, comme si, quelque part, il cherchait aussi à se venger de lui-même.
Il sévissait sans culpabilité et adapta son régime alimentaire en conséquence. Son manège dura une semaine, après quoi Colbert le convoqua dans son bureau. Dans l’attente de cette mise au point, qui devait survenir courant de l’après-midi à quinze heures, Didier fit tout ce qu’il put pour emmagasiner un maximum de gaz dans son colon. Il avait bien l’intention de l’enfumer au gaz moutarde, cependant, lorsqu’il entra dans le bureau de la directrice, il vit qu’elle avait prévu son coup en ouvrant la fenêtre.
Il se mit à péter quand même, mais en plus, Colbert avait prévu du Vix et en avait appliqué sous son nez juste avant que Didier n’entre dans son bureau. Il vit le flacon sur la table, ça lui mit les nerfs.
« Didier, j’aimerai comprendre pourquoi vous pétez tout le temps comme ça, amorça-t-elle sans préambule.
— J’ai des gaz, admit Didier.
— Moi aussi, j’ai des gaz, Didier, tout le monde en a, ça c’est clair, et c’est humain, mais le problème est ailleurs, vous pétez partout où vous allez, comme ça, sans raison ?
— Je ne sais pas, mentit-il, j’aime bien.
— Ce n’est pas suffisant, Didier. »
Et sur cette dernière phrase, Didier comprit que sa cheffe brossait un constat général ; elle ne parlait pas seulement de sa puanteur. Mais Didier s’en foutait, il avait bien l’intention de continuer de péter. Sur ce, Colbert brisa enfin la glace :
« Votre contrat s’achève prochainement et j’aimerai que nous le menions à son terme en bonne intelligence.
— Vous ne pouvez pas me virez pour une histoire de pet, madame Colbert, ça ne fait pas sens.
— Mais Didier, je n’ai jamais parlé de vous virer là, protesta la cheffe, vraiment agacée.
— C’est ce que vous sous-entendez, insista Didier.
— Non Didier, là c’est vous qui êtes passif-agressif. »
Didier lâcha une caisse monumentale qui mouilla son slip.
« Et celui-là, il est passif ?! »
Colbert se leva d’un bond furieux. Elle ouvrit la porte et demanda à Didier de sortir. Didier sortit. Le soir dans sa bagnole, il prit les embouteillages. Il en avait un peu marre de péter tout le temps. Il sentit qu’il avait atteint peut-être le point culminant de son projet tout à l’heure dans le bureau avec sa cheffe. En plus à cause de son pet foireux, il avait encore de la merde collée aux poils. Ça l’emmerdait passablement. J’ai raté mon pet, déplora-t-il, c’était le plus important et je l’ai loupé. C’est toujours ce que je fais. Je loupe toujours tout.
Sur son palier, il vit une femme d’un certain âge, chinoise, aux cheveux argentées noués en chignon sur le haut de sa tête. Elle tenait dans sa main un petit tupperware. Un petit cadeau, comme elle venait d’arriver, pour faire connaissance.
« Merci, dit Didier, qui ne s’attendait pas à cela. C’est très gentil. »
Il mangea, c’était bon. Il avait été touché par le geste de sa voisine, aussi il mit un peu d’eau dans son vin. Il réfléchit aux paroles de Colbert. En effet, s’il quittait l’entreprise sur une mauvaise note, il risquait de se faire griller dans le métier. C’était un métier de merde, mais quand même, il était obligé de travailler. Putain, ce n’est pas juste, regretta-t-il.
****
« Vous vouliez me voir Didier ?
— Oui, merci. »
Didier s’installa en face de sa cheffe. Elle n’avait pas ouvert la fenêtre, il n’y avait pas de flacon mentholé sur son bureau ; Didier comprit qu’elle était dans une logique de paix envers lui. Il se sentait vraiment stupide, et mauvais en plus de ça.
« Ecoutez, je suis désolé, j’ai des problèmes en ce moment.
— Je comprends, Didier, admit Colbert. Ce n’est facile pour personne.
— Je vais faire attention à mon comportement.
— C’est le bon choix, Didier, et au nom de toute l’équipe, je vous en remercie.
— De rien, et encore désolé. »
Didier se leva. Colbert l’interpella :
« Ce qui serait bien Didier, c’est que vous composiez un petit message d’excuse à l’attention de vos collègues, vous me mettez en copie. »
Didier acquiesça même si ça l’emmerdait. Il ne savait pas comment tourner le truc alors il interrogea ChatGPT avec le prompt suivant : « Ecrire un message d’excuses à l’attention de mes collègues, dire que j’ai des problèmes personnels et que ça me donne des gaz. Tourne le message d’une façon cordiale, mais en relativisant aussi la portée de cet égarement. »
Objet : Petit message d'excuse (et de transparence)
Chères et chers collègues,
Je tiens à vous adresser un petit mot pour m’excuser si, ces derniers temps, certains d’entre vous ont été incommodés par ma présence… disons, olfactivement. 😅
Pour être tout à fait transparent, je traverse actuellement une période un peu compliquée sur le plan personnel, ce qui affecte mon équilibre général — y compris digestif. Rien de grave, mais suffisamment pour provoquer quelques… désagréments atmosphériques.
Je préfère en sourire (et j’espère que vous aussi), tout en vous assurant que je fais le nécessaire pour remédier à la situation. Merci pour votre indulgence et votre compréhension. On a tous nos petits moments de turbulence !
Bien à vous,
[Votre prénom]
Voilà ce que ça donnait. Il aimait bien. Il l’envoya. Personne ne lui répondit et désormais la plupart des gens lui tournait le dos ; il n’était pas intéressant, même un message d’excuses il n’était pas capable de le faire lui-même et ils trouvaient cela vraiment pathétique. En plus, il oublia de mettre son prénom, ce qui enlevait encore un peu plus de spontanéité à son message. Il renvoya le même mail, cette fois corrigé, le lendemain matin lorsqu’il remarqua son erreur.
En fin de semaine, il invita la dame asiatique à manger chez lui. Il avait fait des courses chez le traiteur car il ne savait pas cuisiner, il détestait ça. Il avait besoin de se confier au sujet de ces dernières aventures, ce qu’il fit.
« Toi bien agis, lui dit la voisine dans un langage approximatif, qui lui conférait une certaine forme de sagesse. Maturité, important pour homme. »
La voisine quitta son appartement sur les coups de vingt-trois heures.
Mature, oui, c’est sans doute ça, se répéta Didier en brossant ses dents. Il avait quarante-cinq ans et il apprenait encore chaque jour des désagréments de la vie. Quelques années plus tôt, il n’aurait pas réagi de la même façon : il aurait intensifié son opération, jusqu’à saturer l’air de tout le monde. Maintenant les choses étaient différentes ; petit à petit, il avançait. Un jour, pensa-t-il, je serai quelqu’un de bien.
Et à partir de ce moment-là, il ne péta plus jamais en guise de protestation.
FIN