Quand un sport populaire est devenu partie intégrante de la machine à décérébrer les masses. Tôt ou tard, la nature quelle soit humaine ou constituée par ce qui nous entoure, se venge. La perversion de nos instincts rejaillit en un feu d'artifice de violence et de bêtise. La preuve avec ce rapport envoyé spontanément à notre Imminence et qui éclaire d'une lueur blafarde les signes de décadence de notre Empire moderne.
À son Imminence, Grand Commandeur des Armées et Président du Conseil des Provinces
Nous, commission d’enquête indépendante, spontanée et auto saisie, constituée des représentants reconnus des forces sociales et conscientes de l’Empire, portons à votre connaissance les conclusions définitives de notre enquête de terrain relative à la terrible catastrophe qui survint lors de la 13ème étape du Tour cycliste, il y a bientôt un an.
Personne parmi la population n’en ignore à présent le bilan officiel. La 63ème édition fut si meurtrière qu’elle demeura à jamais interrompue : les étapes suivantes furent annulées et des journées de deuil national s’ensuivirent. Les images sont devenues inaltérables en nous, diffusées, rediffusées, partout, tout le temps à travers tous les médias, sous les différents angles des très nombreuses caméras qui étaient positionnées au fameux Pas du Pertuis, ce jour-là, et à cette heure-là. Tant de gloses ou de réactions à chaud, d’articles de fond, de récits, de dossiers de presse et même d’ouvrages ou d’émissions spéciales ont été produits à propos de cette arrivée cauchemardesque ! On pourrait croire que les conclusions à en tirer sont simples et claires : le destin, ce jour-là s’est acharné, la nature nous a rappelé qu’elle est toujours plus forte, qu’en définitive, c’est la faute à pas de chance. Et pourtant, quand on s’y intéresse sous un angle inédit, bien plus large qu’on ne le fait habituellement pour définir l’événement, si l’on prend un peu de recul et que l’on s’intéresse à tous les moments de l’étape qui ont précédé ce qu’on a coutume d’appeler l’arrivée infernale, c’est l’ensemble de cette journée qui prend une toute autre signification.
Il est 7 heures 30, au matin de la treizième étape, c’est le premier parcours de montagne auquel les cyclistes vont s’affronter. Dans les chambres d’hôtels, les membres du staff médical de l’équipe Cochonaye sont en alerte, ils circulent de chambre en chambre, administrant, en fonction des besoins, laxatifs ou anti-vomitifs. C’est que, depuis un peu après vers minuit, une épidémie de gastro-entérite s’est déclarée parmi leurs coureurs, ainsi que, ironie du sort, ceux de l’équipe Aisance, la marque de caleçons bien connue. On a demandé à retarder le départ jusqu’à la dernière minute, le temps que les symptômes s’estompent et que les sportifs puissent enfourcher dans de bonnes conditions. La nouvelle de l’épidémie n’a pas filtré : depuis les affaires de dopage et au sortir d’une année de pandémie mondiale où le tour avait bien failli être annulé, on évite de semer le doute auprès de l’opinion publique. Et puis, la fête itinérante ne doit pas être gâchée, les milliers d’aficionados attendent sur le bord des routes, d’autres millions devant les retransmissions télévidéos. Pourtant, ce matin-là, de nombreux gars n’auront même pas le temps de s’arrêter sur le bas-côté et vomiront perchés sur leur vélo. Les matières volent en arrière et mouchettent le reste du peloton. On retrouvera dans les documents du commissaire de course de nombreuses notes d’alerte de la part des médecins : ils sont inquiets d’une contamination généralisée pour les heures à venir et préconisent un jour supplémentaire de repos avant l’étape suivante.
On sait par exemple que la cécité brutale du Tolonien Vadim Protonievr, pourtant survivant de la catastrophe finale, est, selon la famille du champion de l’équipe du Kahakztan, à imputer à la terrible méningite qu’il contracta lors de cet épisode épidémique, volontairement passé sous silence à l’époque.
Effectivement, il est grand temps de revenir en détail sur le déroulement d’une journée de compétition sportive comme il s’en déroule tant à la belle saison. On a cru bon insister sur l’exception qu’elle constituerait, on s’est uniquement focalisé sur les dernières minutes, les victimes, les dégâts matériels circonscrits au périmètre de ligne d’arrivée et de ses abords. C’est en réalité depuis le matin, voire la nuit précédente, qu’il faut remonter pour prendre la mesure de ce qui est arrivé, et plus généralement de ce qui nous arrive. Dans notre société industrialisée, aux interconnexions si denses, aux flux millimétrés, le moindre dysfonctionnement peut prendre des proportions gigantesques et a fortiori quand une gangrène sourde et délétère s’empare d’une civilisation. Les données de cette journée sont disponibles, les archives sont là, accessibles, il suffit de les rassembler, de les laisser nous brosser cette sombre fresque d’une époque chaotique de l’espèce où tout fait profit, tout doit produire de la valeur, et où l’homme perd son humanité.
14h12 - Bien avant l’acmée de l’étape constituée par l’ascension du mont Charnu, les concepteurs du parcours se sont ingéniés à faire passer les coureurs par de multiples itinéraires complexes : ils descendent dans des vallées par des départementales tortueuses, remontent des cols inférieurs, suivent des crêtes, autant de kilomètres censés les préparer à l’effort final. Chaque étape est un savant équilibre pour répondre aux multiples attentes de l’épreuve reine du cyclisme du continent. Les performances sportives doivent composer avec les volontés des puissances locales demandant à ce que le Tour traverse certaines agglomérations importantes. Les diffuseurs exigent des paysages montagnards typiques et majestueux pour les panoramas aériens. On doit cependant respecter la topographie pour ne pas conduire une caravane de 600 personnes et 213 véhicules en tout genre - dont certains sont des poids lourds - dans des chemins de traverses, des parcours dangereux ou des impasses imprévues. Pour cela les équipes techniques expérimentent les tracés in situ et préparent la route des mois à l’avance. Cela n’a cependant pas suffi à éviter l’horreur. En quittant le petit bourg de Molard-la-dent creuse, la descente sinueuse qui mène au lieudit «La Pépie» sera le théâtre d’un premier accident macabre et méconnu. Les taillis, les arbustes y ont été spécialement taillés par les services d’entretien du département. La végétation des abords a été découpée, broyée, avec une puissante épareuse télescopique achetée pour l’occasion par les collectivités locales (remplaçant désormais l’intervention plus longue et coûteuse des bûcherons). C’est au kilomètre 53, dans un virage très serré, que l’autrichien Van Manesen, qui avait quelques secondes de retard sur le gros du peloton, dérape fortement sur le gravillon jonchant l’accotement de l’étroite route et perd le contrôle de sa bécane. Précipité dans une pente boisée, il vient littéralement s’empaler, presque trente mètres en contrebas de la chaussée, sur la base d’un arbuste coupé en biseau, et qui subsiste là où d’autres, parallèles à lui, forment comme une série de lances dressées.
Pour ne pas noyer le propos, nous nous cantonnerons aux faits les plus meurtriers dans cet espace-temps limité, et essentiellement liés aux conséquences de l’incursion d’une manifestation sportive de renommée internationale. Il est aussi fort possible que d’autres faits similaires nous soient restés inconnus, ce rapport permettra peut-être de les faire affluer. Ces éléments suffisent à révéler quelque chose d’encore plus grand sur la maladie collective qui nous ronge et les véritables raisons de ces drames. Oui, il faut écrire ces drames car, vous l’aurez compris, on a voulu occulter les autres faits qui ont précédé l’apogée final, comme si ce dernier suffisait dans l’horreur, mais il n’en est rien.
La veille, dans le hameau des Goutounes, la fébrilité des préparatifs s’empare de la population. Chacun vit avec l’idée que la caravane publicitaire puis les coureurs et les équipes de télévision vont passer là, dans leur bourg, auprès de leur fontaine, à quelques mètres de leur maison. On pense aux futures images des chaînes qui donneront à voir l’espace d’une seconde leur pas de porte, leur grille d’entrée ou leur façade repeintes pour l’occasion. Les préparatifs pour décorer les poteaux, les parterres, les esplanades, tendre des calicots aux couleurs de la région ou du village auront occupé les habitants des semaines durant. Le passage du tour est d’une certaine façon l’occasion d’afficher leur fierté, une fois dans leur vie. L’un d’entre eux, Jules Damour, que l’on surnomme le gros Julot, ouvrier agricole retraité, se démène depuis des semaines pour que son village se distingue. Passionné de vieux tracteurs, il est équipé d’un véritable arsenal de motoculture afin de tondre, débroussailler, tailler, broyer, chez lui, comme dans les parties communales ou le voisinage. Il estime avoir la chance d’avoir appartenu à la génération ayant à la fois bénéficié d’une nourriture bon marché et d’une mécanisation intégrale des tâches professionnelles comme domestiques. Cela a certes un prix : le gros Julot est diminué depuis longtemps par sa forte corpulence et de récurrents problèmes de santé, mais il est heureux d’être considéré par tous comme un bon vivant, un peu costaud, certes. Stress, fébrilité, coups de gueule pour imposer ses lubies décoratives, ont mis son organisme à rude épreuve. Alors qu’il était en train de hisser un bac de géranium sur l’aile d’un vieux John Mann 4300, exposé sur la placette du village pour l’occasion, il est pris d’une intolérable douleur au thorax. Les secours ne pourront le réanimer, il meurt d’un arrêt cardiaque au pied de sa machine préférée, sans avoir connu la liesse tant espérée. La mort de cet homme a été longtemps considérée comme un incident indépendant de ceux qui avaient émaillé cette journée, il faut pourtant avoir le courage de l’ajouter au décompte funèbre. C’est une façon de lui rendre hommage.
Plus le temps passera, plus cette histoire deviendra mythique et figée et moins on viendra déterrer les détails de cette journée tragique et symptomatique du mal qui ronge toute notre société. Les administrateurs préfèrent laisser les faits tels qu’ils ont été racontés par les médias à l’époque. Et pour cause, l’événement était déjà exceptionnel, il a suffisamment marqué les esprits. Encore aujourd’hui, il est régulièrement au coeur de l’actualité : on revient sur les conclusions tardives des différentes commissions d’enquête prétexte qui furent nommées à l’époque, à la va-vite, pour faire croire que les autorités se saisissaient du problème. On avait voulu répondre à la sidération, prouver à l’opinion que nos administrateurs disposaient d’un quelconque pouvoir sur notre trajectoire, qu’ils étaient en capacité d’agir. Comme si l’on pouvait maîtriser les facteurs naturels qui échappent à notre contrôle ! Bien au contraire, non seulement l’homme ne sera jamais plus fort que la nature, chacun le sait, mais surtout, il demeurera toujours prédateur invétéré de ce qui l’entoure et de lui-même, ivre de rage personnelle et de folie collective.
Il est 15h 20 le gros du peloton est déjà passé. À l’entrée du village de Brajou-les-Mines, les frères Frottis, deux marginaux connus pour des faits de violence, vivent là depuis la mort de leur parents. Ils ont une vieille grange donnant sur le grand tournant à l’entrée du bourg, la porte du bâtiment s’ouvre à moins d’un mètre cinquante de la chaussée. Yvon, le cadet, toujours torturé par des années de rancoeurs envers tout ce qui l’entoure, a eu une idée saugrenue. Il sait que les coureurs empruntent toujours la trajectoire la plus courte dans les courbes. Les boyaux des champions passeront forcément là, à cet endroit précis du bitume, sur ces quelques centimètres, devant leur entrée. Aidé par son frère, il a découpé une plaque dans le revêtement de la route et l’a replacée de façon à ce qu’elle soit amovible sans être bancale. Il leur suffira de la retirer au bon moment, celui où les derniers coureurs, juste avant la voiture balai, cherchent à rattraper leur retard. Ils réussiront à faire chuter un cycliste isolé sans que personne ne le remarque. Après l’avoir assommé, ils le kidnappent dans leur grange. Ils ont pour projet de revendre le vélo de compétition et ensuite de proposer une rançon. Ils seront trahis par les annonces immédiatement repérées par les enquêteurs sur le site bien connu du Petitcoin. Emilio Marcetti, leur malheureuse victime, ne montera plus jamais à vélo : traumatisé par son enlèvement et surtout mutilé par l’amputation d’un pied, car Didier Frottis s’était mis en tête de «faire monter les enchères». Ce sordide fait divers à certes eu un certain écho dans quelques journaux à scandale de notre Empire, on ne souligne cependant pas assez souvent qu’il fait partie de la longue liste des drames de ce terrible jour.
Nos administrateurs tentèrent de tirer les leçons de ces événements, à partir des conclusions des commissions d’enquêtes. Ils ont eu raison sur un point : les étapes de montagne se déroulent dans des conditions extrêmes, expliquant en partie l’intensité et l’ampleur de la catastrophe. Le principe du Tour est d’explorer le pays réel dans toute sa diversité, ses inextricables profondeurs topographiques, reliefs exceptionnels et uniques. On a cependant omis, certainement à dessein, de prendre en compte, sur ce parcours précis, de l’omniprésence d’une population autochtone que l’on s’est refusé à stigmatiser pour des raisons fort compréhensibles. La caravane et les coureurs ont été confrontés à une frange marginale de notre pays, celles des campagnes de moyenne montagne, enclavées, aux moeurs frustres, aux réactions incontrôlables. Chauffées à blanc par des mois de préparation pour le passage du tour dans leur région, les habitants vivent dans l’idée qu’ils vont enfin passer à la télévision et que leur image, leurs paroles peut-être seront retransmises sur tous les écrans de la planète. La fameuse minute de célébrité, une fois dans une vie est là ! Les citadins ne peuvent comprendre ce sentiment de déclassement et de relégation qui, exceptionnellement, peut donner à de telles occasions, des sursauts inattendus. Quand on connaît un peu ces endroits, on se dit que ce jour-là, tout était réuni pour que se concentre le pire et l’absurde. Il devient évident qu’à terme dans ces territoires oubliés, une forme de dégénérescence concourra à la généralisation du chaos.
Le tour, c’est bien évidemment l’occasion de fêtes. Dans les petits villages que traversent les coureurs, des repas sont organisés. Au Sarrelier (61 habitants), les éleveurs locaux servent charcuteries, viandes grasses et féculents frits, avec de l’alcool : l’ambiance est au meilleur. Ces réjouissances ont lieu dans un pré jouxtant une vieille demeure du XVIIe, gentihommière familiale délabrée où Jean-Paul Lagarche, 60 ans, descendant d’une famille noble, vit reclus en ermite depuis trente ans. Le peu de personnes qui l’ont entr’aperçu parlent d’une barbe jusqu’aux genoux et d’un regard de dément. À quelques mètres de ses fenêtres, les tracteurs ont empilé des ballots pour décorer la zone des tables dépliées un peu partout. À 12h 58, la fête bat son plein, on débite les assiettes de boudin-truffade au kilomètre : estivants et habitants se côtoient. Rendu fou par la sono, les odeurs de friture, les exclamations et les rires, Lagarche tire sur les convives faisant sept morts et une vingtaine de blessés. Trois femmes demeureront gravement handicapées. Les journaux locaux firent la chronique de cette journée et du sort fatal réservé par le GIGEHN au forcené. Il n’empêche que, là encore, on a pris soin de considérer qu’il s’agissait d’un acte indépendant du reste.
Le Tour cycliste est une gigantesque entreprise itinérante. Elle a désormais pour but de générer avant tout du profit à partir d’une activité à l’origine populaire, qui avait coïncidé avec l’essor oublié, pourtant phénoménal, de la bicyclette. Chaque parcelle du pays qu’il traverse est destiné à produire des images : le bord des routes y est saturé de calicots publicitaires, les équipes portent le nom de sponsors, les coureurs sont des hommes sandwich. C’est un cliché que de le rappeler mais cette surenchère permanente de signes, de bruit, se substitue au réel. Musiques, formules, symboles, mais de moins en moins de fond, de vérité, de sincérité. Les nouveaux gladiateurs de ces jeux du cirque moderne sont survitaminés et juchés sur des bécanes sans cesse améliorées. Ils ne sont qu’un peu plus de cent cinquante au milieu d’une cohorte de milliers de parasites qui célèbrent mécaniquement l’image de l’exploit pour l’exploit. La passion véritable, celle pour le vélo, pour les paysages a été remplacée par l’obsession de la performance et l’application de procédés industriels au sport. Le baragouinage des commentateurs qui font appel à des valeurs passées désormais vides de sens tente de donner de l’authenticité à ce qui n’est plus qu’une gigantesque célébration de la société de consommation. Il n’est pas anodin que les coureurs soient précédés d’un défilé de camions publicitaires aux décorations plus grotesques et dispendieuses les unes que les autres. Sont déversées sur la chaussée des tonnes de plastiques multicolores, accessoires, gadgets abêtissants à l’effigie des marques. Le Tour n’est lui aussi plus qu’une marque profitant d’anciens noms faisant encore écho, réduit à un spectacle rituel avec des cyclistes, comme cela pourrait l’être avec n’importe quoi.
Une sorte de télé-réalité parmi d’autres, accumulation ininterrompue au fil d’une journée de motifs et de signes vides auxquels les lois de l’univers se chargeront de rendre sa signification finale.
La dernière catastrophe est celle que tout le monde connaît, lors de l’arrivée : l’effondrement sur presque toute sa longueur du dernier tronçon de la route menant au Pas du Pertuis. La corniche s’est détachée au plus mauvais moment : celui de l’arrivée où la masse des spectateurs frénétiques, où les vibrations des lourds véhicules étaient à leur comble. On dit que c’est le pied à terre rageur du meilleur grimpeur, Jansen, juste après la ligne d’arrivée, qui suffit à déclencher une onde dévastatrice. C’est une croyance ridicule. Les expertises depuis ont prouvé que l’année précédente le dérèglement climatique, dont la responsabilité incombe à notre mode de vie, avait brutalement accentué l’érosion du massif par la succession d’épisodes extrêmes, alternant fortes pluies et sécheresses. Toute une partie de la caravane, du peloton, des spectateurs et autres vendeurs à la sauvette a été précipitée dans le vide. Des tonnes de roches s’écrasèrent sur les malheureux présents sur les lieux. Le bilan humain est comparable aux plus grandes des dernières catastrophes du monde moderne.
S’il faut tirer une unique conclusion de ces faits, c’est que ce type de manifestations, devenues monstrueuses, exacerbées par les enjeux financiers et la médiatisation à outrance ne seront plus possibles dans un monde en déliquescence. Cette catastrophe et toutes celles qui se succèdent à un rythme toujours plus grand autour de nous, sont directement imputables au stade de pourrissement auquel est arrivé l’Humanité. Les conditions de vie se tendent, la société se délite : une telle concentration factice ne peut entraîner que défoulement, folie collective et accidents d’envergure. Le Tour a désormais une incidence délétère sur les milieux qu’il traverse, il leur est beaucoup trop allogène. Que ce soit dans les grandes villes ou les régions rurales de notre Empire, la tension constante des impératifs économiques, la dégradation des infrastructures publiques et du tissu social, de l’esprit fraternel, ont transformé la parade sportive en un carnaval macabre et démesuré.
Il appert que sa simple et évidente annulation est à envisager à très court terme.
Et si elle n’intervenait pas assez rapidement, nous l’y aiderons en agissant sur le terrain lors d’une prochaine incursion illégitime du spectacle capitaliste sur nos territoires.
Sur ce, Votre Imminence, recevez ici toutes les salutations nécessaires et les marques de notre respect, tout en étant assuré de notre fidélité aux intérêts fondamentaux des forces vives de l’Empire, avant toute chose.
Nous, commission d’enquête indépendante, spontanée et auto saisie, constituée des représentants reconnus des forces sociales et conscientes de l’Empire, portons à votre connaissance les conclusions définitives de notre enquête de terrain relative à la terrible catastrophe qui survint lors de la 13ème étape du Tour cycliste, il y a bientôt un an.
Personne parmi la population n’en ignore à présent le bilan officiel. La 63ème édition fut si meurtrière qu’elle demeura à jamais interrompue : les étapes suivantes furent annulées et des journées de deuil national s’ensuivirent. Les images sont devenues inaltérables en nous, diffusées, rediffusées, partout, tout le temps à travers tous les médias, sous les différents angles des très nombreuses caméras qui étaient positionnées au fameux Pas du Pertuis, ce jour-là, et à cette heure-là. Tant de gloses ou de réactions à chaud, d’articles de fond, de récits, de dossiers de presse et même d’ouvrages ou d’émissions spéciales ont été produits à propos de cette arrivée cauchemardesque ! On pourrait croire que les conclusions à en tirer sont simples et claires : le destin, ce jour-là s’est acharné, la nature nous a rappelé qu’elle est toujours plus forte, qu’en définitive, c’est la faute à pas de chance. Et pourtant, quand on s’y intéresse sous un angle inédit, bien plus large qu’on ne le fait habituellement pour définir l’événement, si l’on prend un peu de recul et que l’on s’intéresse à tous les moments de l’étape qui ont précédé ce qu’on a coutume d’appeler l’arrivée infernale, c’est l’ensemble de cette journée qui prend une toute autre signification.
Il est 7 heures 30, au matin de la treizième étape, c’est le premier parcours de montagne auquel les cyclistes vont s’affronter. Dans les chambres d’hôtels, les membres du staff médical de l’équipe Cochonaye sont en alerte, ils circulent de chambre en chambre, administrant, en fonction des besoins, laxatifs ou anti-vomitifs. C’est que, depuis un peu après vers minuit, une épidémie de gastro-entérite s’est déclarée parmi leurs coureurs, ainsi que, ironie du sort, ceux de l’équipe Aisance, la marque de caleçons bien connue. On a demandé à retarder le départ jusqu’à la dernière minute, le temps que les symptômes s’estompent et que les sportifs puissent enfourcher dans de bonnes conditions. La nouvelle de l’épidémie n’a pas filtré : depuis les affaires de dopage et au sortir d’une année de pandémie mondiale où le tour avait bien failli être annulé, on évite de semer le doute auprès de l’opinion publique. Et puis, la fête itinérante ne doit pas être gâchée, les milliers d’aficionados attendent sur le bord des routes, d’autres millions devant les retransmissions télévidéos. Pourtant, ce matin-là, de nombreux gars n’auront même pas le temps de s’arrêter sur le bas-côté et vomiront perchés sur leur vélo. Les matières volent en arrière et mouchettent le reste du peloton. On retrouvera dans les documents du commissaire de course de nombreuses notes d’alerte de la part des médecins : ils sont inquiets d’une contamination généralisée pour les heures à venir et préconisent un jour supplémentaire de repos avant l’étape suivante.
On sait par exemple que la cécité brutale du Tolonien Vadim Protonievr, pourtant survivant de la catastrophe finale, est, selon la famille du champion de l’équipe du Kahakztan, à imputer à la terrible méningite qu’il contracta lors de cet épisode épidémique, volontairement passé sous silence à l’époque.
Effectivement, il est grand temps de revenir en détail sur le déroulement d’une journée de compétition sportive comme il s’en déroule tant à la belle saison. On a cru bon insister sur l’exception qu’elle constituerait, on s’est uniquement focalisé sur les dernières minutes, les victimes, les dégâts matériels circonscrits au périmètre de ligne d’arrivée et de ses abords. C’est en réalité depuis le matin, voire la nuit précédente, qu’il faut remonter pour prendre la mesure de ce qui est arrivé, et plus généralement de ce qui nous arrive. Dans notre société industrialisée, aux interconnexions si denses, aux flux millimétrés, le moindre dysfonctionnement peut prendre des proportions gigantesques et a fortiori quand une gangrène sourde et délétère s’empare d’une civilisation. Les données de cette journée sont disponibles, les archives sont là, accessibles, il suffit de les rassembler, de les laisser nous brosser cette sombre fresque d’une époque chaotique de l’espèce où tout fait profit, tout doit produire de la valeur, et où l’homme perd son humanité.
14h12 - Bien avant l’acmée de l’étape constituée par l’ascension du mont Charnu, les concepteurs du parcours se sont ingéniés à faire passer les coureurs par de multiples itinéraires complexes : ils descendent dans des vallées par des départementales tortueuses, remontent des cols inférieurs, suivent des crêtes, autant de kilomètres censés les préparer à l’effort final. Chaque étape est un savant équilibre pour répondre aux multiples attentes de l’épreuve reine du cyclisme du continent. Les performances sportives doivent composer avec les volontés des puissances locales demandant à ce que le Tour traverse certaines agglomérations importantes. Les diffuseurs exigent des paysages montagnards typiques et majestueux pour les panoramas aériens. On doit cependant respecter la topographie pour ne pas conduire une caravane de 600 personnes et 213 véhicules en tout genre - dont certains sont des poids lourds - dans des chemins de traverses, des parcours dangereux ou des impasses imprévues. Pour cela les équipes techniques expérimentent les tracés in situ et préparent la route des mois à l’avance. Cela n’a cependant pas suffi à éviter l’horreur. En quittant le petit bourg de Molard-la-dent creuse, la descente sinueuse qui mène au lieudit «La Pépie» sera le théâtre d’un premier accident macabre et méconnu. Les taillis, les arbustes y ont été spécialement taillés par les services d’entretien du département. La végétation des abords a été découpée, broyée, avec une puissante épareuse télescopique achetée pour l’occasion par les collectivités locales (remplaçant désormais l’intervention plus longue et coûteuse des bûcherons). C’est au kilomètre 53, dans un virage très serré, que l’autrichien Van Manesen, qui avait quelques secondes de retard sur le gros du peloton, dérape fortement sur le gravillon jonchant l’accotement de l’étroite route et perd le contrôle de sa bécane. Précipité dans une pente boisée, il vient littéralement s’empaler, presque trente mètres en contrebas de la chaussée, sur la base d’un arbuste coupé en biseau, et qui subsiste là où d’autres, parallèles à lui, forment comme une série de lances dressées.
Pour ne pas noyer le propos, nous nous cantonnerons aux faits les plus meurtriers dans cet espace-temps limité, et essentiellement liés aux conséquences de l’incursion d’une manifestation sportive de renommée internationale. Il est aussi fort possible que d’autres faits similaires nous soient restés inconnus, ce rapport permettra peut-être de les faire affluer. Ces éléments suffisent à révéler quelque chose d’encore plus grand sur la maladie collective qui nous ronge et les véritables raisons de ces drames. Oui, il faut écrire ces drames car, vous l’aurez compris, on a voulu occulter les autres faits qui ont précédé l’apogée final, comme si ce dernier suffisait dans l’horreur, mais il n’en est rien.
La veille, dans le hameau des Goutounes, la fébrilité des préparatifs s’empare de la population. Chacun vit avec l’idée que la caravane publicitaire puis les coureurs et les équipes de télévision vont passer là, dans leur bourg, auprès de leur fontaine, à quelques mètres de leur maison. On pense aux futures images des chaînes qui donneront à voir l’espace d’une seconde leur pas de porte, leur grille d’entrée ou leur façade repeintes pour l’occasion. Les préparatifs pour décorer les poteaux, les parterres, les esplanades, tendre des calicots aux couleurs de la région ou du village auront occupé les habitants des semaines durant. Le passage du tour est d’une certaine façon l’occasion d’afficher leur fierté, une fois dans leur vie. L’un d’entre eux, Jules Damour, que l’on surnomme le gros Julot, ouvrier agricole retraité, se démène depuis des semaines pour que son village se distingue. Passionné de vieux tracteurs, il est équipé d’un véritable arsenal de motoculture afin de tondre, débroussailler, tailler, broyer, chez lui, comme dans les parties communales ou le voisinage. Il estime avoir la chance d’avoir appartenu à la génération ayant à la fois bénéficié d’une nourriture bon marché et d’une mécanisation intégrale des tâches professionnelles comme domestiques. Cela a certes un prix : le gros Julot est diminué depuis longtemps par sa forte corpulence et de récurrents problèmes de santé, mais il est heureux d’être considéré par tous comme un bon vivant, un peu costaud, certes. Stress, fébrilité, coups de gueule pour imposer ses lubies décoratives, ont mis son organisme à rude épreuve. Alors qu’il était en train de hisser un bac de géranium sur l’aile d’un vieux John Mann 4300, exposé sur la placette du village pour l’occasion, il est pris d’une intolérable douleur au thorax. Les secours ne pourront le réanimer, il meurt d’un arrêt cardiaque au pied de sa machine préférée, sans avoir connu la liesse tant espérée. La mort de cet homme a été longtemps considérée comme un incident indépendant de ceux qui avaient émaillé cette journée, il faut pourtant avoir le courage de l’ajouter au décompte funèbre. C’est une façon de lui rendre hommage.
Plus le temps passera, plus cette histoire deviendra mythique et figée et moins on viendra déterrer les détails de cette journée tragique et symptomatique du mal qui ronge toute notre société. Les administrateurs préfèrent laisser les faits tels qu’ils ont été racontés par les médias à l’époque. Et pour cause, l’événement était déjà exceptionnel, il a suffisamment marqué les esprits. Encore aujourd’hui, il est régulièrement au coeur de l’actualité : on revient sur les conclusions tardives des différentes commissions d’enquête prétexte qui furent nommées à l’époque, à la va-vite, pour faire croire que les autorités se saisissaient du problème. On avait voulu répondre à la sidération, prouver à l’opinion que nos administrateurs disposaient d’un quelconque pouvoir sur notre trajectoire, qu’ils étaient en capacité d’agir. Comme si l’on pouvait maîtriser les facteurs naturels qui échappent à notre contrôle ! Bien au contraire, non seulement l’homme ne sera jamais plus fort que la nature, chacun le sait, mais surtout, il demeurera toujours prédateur invétéré de ce qui l’entoure et de lui-même, ivre de rage personnelle et de folie collective.
Il est 15h 20 le gros du peloton est déjà passé. À l’entrée du village de Brajou-les-Mines, les frères Frottis, deux marginaux connus pour des faits de violence, vivent là depuis la mort de leur parents. Ils ont une vieille grange donnant sur le grand tournant à l’entrée du bourg, la porte du bâtiment s’ouvre à moins d’un mètre cinquante de la chaussée. Yvon, le cadet, toujours torturé par des années de rancoeurs envers tout ce qui l’entoure, a eu une idée saugrenue. Il sait que les coureurs empruntent toujours la trajectoire la plus courte dans les courbes. Les boyaux des champions passeront forcément là, à cet endroit précis du bitume, sur ces quelques centimètres, devant leur entrée. Aidé par son frère, il a découpé une plaque dans le revêtement de la route et l’a replacée de façon à ce qu’elle soit amovible sans être bancale. Il leur suffira de la retirer au bon moment, celui où les derniers coureurs, juste avant la voiture balai, cherchent à rattraper leur retard. Ils réussiront à faire chuter un cycliste isolé sans que personne ne le remarque. Après l’avoir assommé, ils le kidnappent dans leur grange. Ils ont pour projet de revendre le vélo de compétition et ensuite de proposer une rançon. Ils seront trahis par les annonces immédiatement repérées par les enquêteurs sur le site bien connu du Petitcoin. Emilio Marcetti, leur malheureuse victime, ne montera plus jamais à vélo : traumatisé par son enlèvement et surtout mutilé par l’amputation d’un pied, car Didier Frottis s’était mis en tête de «faire monter les enchères». Ce sordide fait divers à certes eu un certain écho dans quelques journaux à scandale de notre Empire, on ne souligne cependant pas assez souvent qu’il fait partie de la longue liste des drames de ce terrible jour.
Nos administrateurs tentèrent de tirer les leçons de ces événements, à partir des conclusions des commissions d’enquêtes. Ils ont eu raison sur un point : les étapes de montagne se déroulent dans des conditions extrêmes, expliquant en partie l’intensité et l’ampleur de la catastrophe. Le principe du Tour est d’explorer le pays réel dans toute sa diversité, ses inextricables profondeurs topographiques, reliefs exceptionnels et uniques. On a cependant omis, certainement à dessein, de prendre en compte, sur ce parcours précis, de l’omniprésence d’une population autochtone que l’on s’est refusé à stigmatiser pour des raisons fort compréhensibles. La caravane et les coureurs ont été confrontés à une frange marginale de notre pays, celles des campagnes de moyenne montagne, enclavées, aux moeurs frustres, aux réactions incontrôlables. Chauffées à blanc par des mois de préparation pour le passage du tour dans leur région, les habitants vivent dans l’idée qu’ils vont enfin passer à la télévision et que leur image, leurs paroles peut-être seront retransmises sur tous les écrans de la planète. La fameuse minute de célébrité, une fois dans une vie est là ! Les citadins ne peuvent comprendre ce sentiment de déclassement et de relégation qui, exceptionnellement, peut donner à de telles occasions, des sursauts inattendus. Quand on connaît un peu ces endroits, on se dit que ce jour-là, tout était réuni pour que se concentre le pire et l’absurde. Il devient évident qu’à terme dans ces territoires oubliés, une forme de dégénérescence concourra à la généralisation du chaos.
Le tour, c’est bien évidemment l’occasion de fêtes. Dans les petits villages que traversent les coureurs, des repas sont organisés. Au Sarrelier (61 habitants), les éleveurs locaux servent charcuteries, viandes grasses et féculents frits, avec de l’alcool : l’ambiance est au meilleur. Ces réjouissances ont lieu dans un pré jouxtant une vieille demeure du XVIIe, gentihommière familiale délabrée où Jean-Paul Lagarche, 60 ans, descendant d’une famille noble, vit reclus en ermite depuis trente ans. Le peu de personnes qui l’ont entr’aperçu parlent d’une barbe jusqu’aux genoux et d’un regard de dément. À quelques mètres de ses fenêtres, les tracteurs ont empilé des ballots pour décorer la zone des tables dépliées un peu partout. À 12h 58, la fête bat son plein, on débite les assiettes de boudin-truffade au kilomètre : estivants et habitants se côtoient. Rendu fou par la sono, les odeurs de friture, les exclamations et les rires, Lagarche tire sur les convives faisant sept morts et une vingtaine de blessés. Trois femmes demeureront gravement handicapées. Les journaux locaux firent la chronique de cette journée et du sort fatal réservé par le GIGEHN au forcené. Il n’empêche que, là encore, on a pris soin de considérer qu’il s’agissait d’un acte indépendant du reste.
Le Tour cycliste est une gigantesque entreprise itinérante. Elle a désormais pour but de générer avant tout du profit à partir d’une activité à l’origine populaire, qui avait coïncidé avec l’essor oublié, pourtant phénoménal, de la bicyclette. Chaque parcelle du pays qu’il traverse est destiné à produire des images : le bord des routes y est saturé de calicots publicitaires, les équipes portent le nom de sponsors, les coureurs sont des hommes sandwich. C’est un cliché que de le rappeler mais cette surenchère permanente de signes, de bruit, se substitue au réel. Musiques, formules, symboles, mais de moins en moins de fond, de vérité, de sincérité. Les nouveaux gladiateurs de ces jeux du cirque moderne sont survitaminés et juchés sur des bécanes sans cesse améliorées. Ils ne sont qu’un peu plus de cent cinquante au milieu d’une cohorte de milliers de parasites qui célèbrent mécaniquement l’image de l’exploit pour l’exploit. La passion véritable, celle pour le vélo, pour les paysages a été remplacée par l’obsession de la performance et l’application de procédés industriels au sport. Le baragouinage des commentateurs qui font appel à des valeurs passées désormais vides de sens tente de donner de l’authenticité à ce qui n’est plus qu’une gigantesque célébration de la société de consommation. Il n’est pas anodin que les coureurs soient précédés d’un défilé de camions publicitaires aux décorations plus grotesques et dispendieuses les unes que les autres. Sont déversées sur la chaussée des tonnes de plastiques multicolores, accessoires, gadgets abêtissants à l’effigie des marques. Le Tour n’est lui aussi plus qu’une marque profitant d’anciens noms faisant encore écho, réduit à un spectacle rituel avec des cyclistes, comme cela pourrait l’être avec n’importe quoi.
Une sorte de télé-réalité parmi d’autres, accumulation ininterrompue au fil d’une journée de motifs et de signes vides auxquels les lois de l’univers se chargeront de rendre sa signification finale.
La dernière catastrophe est celle que tout le monde connaît, lors de l’arrivée : l’effondrement sur presque toute sa longueur du dernier tronçon de la route menant au Pas du Pertuis. La corniche s’est détachée au plus mauvais moment : celui de l’arrivée où la masse des spectateurs frénétiques, où les vibrations des lourds véhicules étaient à leur comble. On dit que c’est le pied à terre rageur du meilleur grimpeur, Jansen, juste après la ligne d’arrivée, qui suffit à déclencher une onde dévastatrice. C’est une croyance ridicule. Les expertises depuis ont prouvé que l’année précédente le dérèglement climatique, dont la responsabilité incombe à notre mode de vie, avait brutalement accentué l’érosion du massif par la succession d’épisodes extrêmes, alternant fortes pluies et sécheresses. Toute une partie de la caravane, du peloton, des spectateurs et autres vendeurs à la sauvette a été précipitée dans le vide. Des tonnes de roches s’écrasèrent sur les malheureux présents sur les lieux. Le bilan humain est comparable aux plus grandes des dernières catastrophes du monde moderne.
S’il faut tirer une unique conclusion de ces faits, c’est que ce type de manifestations, devenues monstrueuses, exacerbées par les enjeux financiers et la médiatisation à outrance ne seront plus possibles dans un monde en déliquescence. Cette catastrophe et toutes celles qui se succèdent à un rythme toujours plus grand autour de nous, sont directement imputables au stade de pourrissement auquel est arrivé l’Humanité. Les conditions de vie se tendent, la société se délite : une telle concentration factice ne peut entraîner que défoulement, folie collective et accidents d’envergure. Le Tour a désormais une incidence délétère sur les milieux qu’il traverse, il leur est beaucoup trop allogène. Que ce soit dans les grandes villes ou les régions rurales de notre Empire, la tension constante des impératifs économiques, la dégradation des infrastructures publiques et du tissu social, de l’esprit fraternel, ont transformé la parade sportive en un carnaval macabre et démesuré.
Il appert que sa simple et évidente annulation est à envisager à très court terme.
Et si elle n’intervenait pas assez rapidement, nous l’y aiderons en agissant sur le terrain lors d’une prochaine incursion illégitime du spectacle capitaliste sur nos territoires.
Sur ce, Votre Imminence, recevez ici toutes les salutations nécessaires et les marques de notre respect, tout en étant assuré de notre fidélité aux intérêts fondamentaux des forces vives de l’Empire, avant toute chose.