Didier flingue le mariage

Le 02/07/2025
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par Zebraski
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Thèmes / Débile / Vie quotidienne
Zébraski est un auteur prometteur. Voici une nouvelle qui va causer à un grand nombre : le tonton gênant qui se la colle en famille. Le texte, avec sa prose plate et délibérément sans style, ressemble à un compte-rendu de garde à vue raconté par un mec qui a trop regardé TPMP et pas assez dormi. Et pourtant, ça marche. Parce que Didier, c’est pas juste un pochtron : c’est le vestige rance de la France périphérique, celle qui a confondu "liberté d’expression" et "je pète à table et je parle pédocriminalité à un vin d’honneur". Un texte court, plein d’humour, qui fait le portrait d’un alcoolo en chute libre, à la frontière entre le ridicule et le tragique.
Didier, alcoolisé et en pleine dérive personnelle, sabote un mariage par ses propos absurdes, ses provocations et son comportement embarrassant.
Didier était en train de picoler sévère depuis le vin d’honneur. Il avait de la buée sur ses lunettes et sa chemise blanche tâchée de vinasse. Antoine s’approche de lui. Il passa le bras autour du cou de Didier et le traîna un peu en aparté.

Pour leur mariage Stéphanie et François avaient loué un cadre bucolique à une heure de la ville et ils s’inquiétaient parce que Didier allait sans doute tout gâcher. Ils se demandaient pourquoi ils l’avaient invité.

« Didier, tu ne penses pas que tu commences à aller trop loin ? demanda Antoine
—    Je m’en fiche si ça vous choque... vous n’avez qu’à ouvrir les yeux ! »

Depuis tout à l’heure, Didier tenait des propos hallucinants. Il se mettait à parler politique au lieu de s’amuser et de passer un bon moment comme tout le monde. En plus, ses déclarations n’avaient ni queue ni tête… il traînait trop sur Facebook. Il répétait à qui voulait bien l’entendre que bientôt les retraits d’argent liquide devraient être justifiés. Que les enfants apprenaient à se masturber à l’école avec la complicité de l’Education Nationale. Et plein d’autres trucs dans le même genre.

En réalité, Didier vivait mal sa période de chômage et l’alcool ne l’aidait pas à canaliser ses frustrations. Il retourna sous les tonnelles et alpagua Marie et Sophie, les deux sœurs jumelles. Il n’aurait pas su dire combien de fois il s’était poli le chinois en pensant à ces deux salopes là.

« Alors les filles, est-ce que ça vous arrive d’échanger vos maris ? » leur lança-t-il sans pression.

Les deux jumelles s’empourprèrent, cherchant du regard l’approbation de quelqu’un ou quelqu’une, qui, autour d’elles, partageait leur malaise grandissant. Antoine intervint de plus belle, se plaçant comme un rempart entre Didier et les deux blondes.

« Désolé, il est un peu bourré… »

Les filles rirent, disant que ce n’était pas grave. Tandis qu’Antoine les divertissait, Didier retourna au bar et siphonna le cuby de rouge qui restait. Il le but d’une traite et rejoignit le groupe des ados qui fumaient des joints derrière le bosquet. Didier était nostalgique de sa jeunesse, qui n’avait pas été si reluisante mais qu’il idéalisait au regard de la vie d’adulte lamentable qu’il menait.

Kylo, Matéo et Belinda partageait un pétard en écoutant du rap. Didier détestait cette musique de merde, mais il comprenait la rage, la haine et la rébellion de la mauvaise graine à la voix trafiquée qui s’égosillait à travers l’enceinte du téléphone portable de Matéo.

« Eh, les djeun’s, ça roule ? » dit Didier en se posant à côté d’eux.

Les ados s’échangèrent un bref regard, ne sachant comme réagir face à cet homme à la chevelure poivre et sel, visiblement éméché, qui semblait vouloir communiquer avec eux.

« Eh, c’est bon, vous inquiétez pas, je dirais rien à vos parents… ajouta Didier. Je suis tranquille moi, j’suis pas un bouffon… y’a moyen de tirer sur votre chichon ?»

Kylo tendit le joint après une seconde d’hésitation.

« Attention, c’est du frozen, c’est hyper-fort, prévint Belinda, consciencieuse.
—    Ouais, affirma Matéo. Ce truc si t’as jamais testé, ça t’envoie dans la lune direct.
—    Eh, les gars, vous savez pas qui c’est, Tonton Didier. »

Didier tira sur le joint comme un dératé. Il sombra aussitôt dans une profonde paranoïa. Il sentit que les ados se moquaient de lui. Il retourna à l’intérieur et les adultes aussi se moquaient de lui. Et qu’était-il, lui ? Pourquoi se mettait-il dans des états pareils ? Il lui apparut clairement que quelqu’un tirait les ficelles. On se jouait de lui.

Il débrancha le secteur et la ferme sombra dans l’obscurité. Les gens se demandaient ce qu’il se passait.

Dans le noir, on n’entendait plus que les sanglots de Didier.

Antoine ne tarda pas à le retrouver.

« Viens, Didier, je vais te raccompagner. »

Didier vomit dans la voiture.

Heureusement, le lendemain, il ne se souvenait plus de rien.