Elle marchait d’un pas rapide, de ce pas qu'ont les personnes qui doivent prendre un train, ne cherchant pas la lumière, mais leur destination, bousculant l’air sans croiser les regards.
Cette mère qui n'avait jamais expérimenté l'instinct maternel.
Joliment apprêtée, jupe plissée à la manière des étudiantes innocentes, chemisier boutonné à l’excès, ne laissant rien transparaître — une armure.
Elle parlait, s'agitait, visiblement habitée, vivant une vie invisible, un théâtre privé. Tout le monde détournait les yeux. C’était plus simple.
Elle, cet être que tous auraient qualifié de monstre s'ils avaient eu vent de ses pensées, torturées, malsaines, s'étirant comme un fil de soie tissé par une araignée.
Elle riait parfois, fort, comme à une bonne histoire qu’elle seule entendait, dans une pièce sans murs.
Elle n'avait jamais trouvé meilleure solution que de rendre coup pour coup. Mais non pas à ceux qui l'avaient blessée — non, ils n'existaient plus, ils étaient effacés.
Ce chemin menant à l'école, parcouru mille fois, familier, la recrachait chaque matin comme une prière étouffée, pourtant toujours neuve pour elle qui se sentait perdue.
C'était à celle qu’elle allait chercher maintenant, pour la conduire dans de nouveaux enfers. L’enfant, cette petite chose confiée trop tard à un cœur déjà habité par l’araignée.
Elle avait cette enfant qu'on lui avait imposée.
Elle qui vivait en souffrance, en décalage.
Les fantômes d’un passé encore vif.
Cette colère, cette araignée dans son esprit. Elle la portait en elle. Elle savait tisser. Toujours tisser.
Elle, qui n’avait jamais eu motivation à se résigner contre l’envie de faire souffrir. Elle y pensait, non pas par vengeance, non pas pour équilibrer, mais parce que la souffrance était la langue qu’on lui avait apprise.
Elle ne sortirait de là qu’en acceptant, elle aussi, l’araignée.
Ce monstre jamais fatigué, jamais à court d’images insidieuses et venimeuses, glissant au détour d’une scène anodine, sans prévenir, dans ces moments où elle croyait être à l’abri.
L’araignée, cette ombre sale, cette bête repoussante, avait grandi dans son cœur et son âme malgré les barrières de chair, d’attente, de rêve et de promesses, ces digues fragiles qu’elle avait bâties.
Pas comme un service en porcelaine qu’on pose avec soin, mais comme un squelette oublié dans un placard, qui pourrit à petit feu.
Elle avait perdu cette bataille silencieuse qu’elle ne savait même pas mener, jusqu’à ce que sa main, lourde d’une violence invisible, touche sa fille.
Jusqu’à ce que l’horreur du geste — suggéré, soufflé, distillé en elle comme un poison — lui ronge le cœur et brouille ses sens.
Jusqu’à ce que ses mains deviennent celles de l’araignée, sales et détestées, instruments de la souffrance transmise.
Jusqu’à ce que ça recommence — pas tout de suite, non — mais après plusieurs refoulements, d’innombrables tentations du monstre tapi en elle, derrière son sourire forcé.
Jusqu’à une seconde fois, dans un moment de lassitude extrême, un glissement lent, jour après jour, vers l’acceptation de l’horreur, d’être l’araignée, d’abandonner la lutte, d’avoir sombré.
L’araignée.
Dans son esprit, l’araignée tissait.
Tissait toujours.
Tissait, doucement, toujours.
Les mains sales.
Toujours les mains sales.
Elle touchait.
Touchait sa fille.
Le geste, le poison.
Le poison en elle.
Toujours.
Un glissement.
Un lent glissement.
Chaque jour.
Un peu plus.
Elle ne lutte plus.
Elle laisse.
Elle cède.
Elle est l’araignée.
Elle tisse.
Elle perd.
Cette mère qui n'avait jamais expérimenté l'instinct maternel.
Joliment apprêtée, jupe plissée à la manière des étudiantes innocentes, chemisier boutonné à l’excès, ne laissant rien transparaître — une armure.
Elle parlait, s'agitait, visiblement habitée, vivant une vie invisible, un théâtre privé. Tout le monde détournait les yeux. C’était plus simple.
Elle, cet être que tous auraient qualifié de monstre s'ils avaient eu vent de ses pensées, torturées, malsaines, s'étirant comme un fil de soie tissé par une araignée.
Elle riait parfois, fort, comme à une bonne histoire qu’elle seule entendait, dans une pièce sans murs.
Elle n'avait jamais trouvé meilleure solution que de rendre coup pour coup. Mais non pas à ceux qui l'avaient blessée — non, ils n'existaient plus, ils étaient effacés.
Ce chemin menant à l'école, parcouru mille fois, familier, la recrachait chaque matin comme une prière étouffée, pourtant toujours neuve pour elle qui se sentait perdue.
C'était à celle qu’elle allait chercher maintenant, pour la conduire dans de nouveaux enfers. L’enfant, cette petite chose confiée trop tard à un cœur déjà habité par l’araignée.
Elle avait cette enfant qu'on lui avait imposée.
Elle qui vivait en souffrance, en décalage.
Les fantômes d’un passé encore vif.
Cette colère, cette araignée dans son esprit. Elle la portait en elle. Elle savait tisser. Toujours tisser.
Elle, qui n’avait jamais eu motivation à se résigner contre l’envie de faire souffrir. Elle y pensait, non pas par vengeance, non pas pour équilibrer, mais parce que la souffrance était la langue qu’on lui avait apprise.
Elle ne sortirait de là qu’en acceptant, elle aussi, l’araignée.
Ce monstre jamais fatigué, jamais à court d’images insidieuses et venimeuses, glissant au détour d’une scène anodine, sans prévenir, dans ces moments où elle croyait être à l’abri.
L’araignée, cette ombre sale, cette bête repoussante, avait grandi dans son cœur et son âme malgré les barrières de chair, d’attente, de rêve et de promesses, ces digues fragiles qu’elle avait bâties.
Pas comme un service en porcelaine qu’on pose avec soin, mais comme un squelette oublié dans un placard, qui pourrit à petit feu.
Elle avait perdu cette bataille silencieuse qu’elle ne savait même pas mener, jusqu’à ce que sa main, lourde d’une violence invisible, touche sa fille.
Jusqu’à ce que l’horreur du geste — suggéré, soufflé, distillé en elle comme un poison — lui ronge le cœur et brouille ses sens.
Jusqu’à ce que ses mains deviennent celles de l’araignée, sales et détestées, instruments de la souffrance transmise.
Jusqu’à ce que ça recommence — pas tout de suite, non — mais après plusieurs refoulements, d’innombrables tentations du monstre tapi en elle, derrière son sourire forcé.
Jusqu’à une seconde fois, dans un moment de lassitude extrême, un glissement lent, jour après jour, vers l’acceptation de l’horreur, d’être l’araignée, d’abandonner la lutte, d’avoir sombré.
L’araignée.
Dans son esprit, l’araignée tissait.
Tissait toujours.
Tissait, doucement, toujours.
Les mains sales.
Toujours les mains sales.
Elle touchait.
Touchait sa fille.
Le geste, le poison.
Le poison en elle.
Toujours.
Un glissement.
Un lent glissement.
Chaque jour.
Un peu plus.
Elle ne lutte plus.
Elle laisse.
Elle cède.
Elle est l’araignée.
Elle tisse.
Elle perd.