Le rire malsain

Le 11/12/2025
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par Mathieu Sylvestre
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Thèmes / Débile / Phénomènes de société
On trouve ici avec finesse le rôle ambivalent de l’humour comme outil de communication et de vérité, mais le texte souffre de quelques faiblesses dans sa structure et sa clarté. L’histoire de Georges illustre efficacement comment l’humour peut servir de bouclier pour masquer la douleur et faciliter l’expression, mais la transition entre les anecdotes et la réflexion philosophique sur l’humour manque de fluidité, rendant le propos parfois décousu. Les dialogues, bien que vivants et imagés, frôlent par moments l’exagération, ce qui peut nuire à la crédibilité des personnages, notamment dans la scène de la rivière. La relation entre Georges et Raphaël est touchante, mais l’évolution de leur lien reste sous-développée, laissant le lecteur sur sa faim quant à la portée émotionnelle de leurs interactions. Enfin, la conclusion, qui oppose vérité et humour, est pertinente mais aurait gagné en force avec une exploration plus approfondie des sentiments intérieurs de Georges.
L'humour peut--il être un outil de vérité ?
Georges était dans le silence, jusqu’à ce qu’il use de l’humour. Un beau jour au collège François Mitterrand, son sac s’était comme à l’accoutumée chargé de déchets en tout genre dès le moment où il l’avait laissé seul, quel goinfre, il fallait toujours le surveiller celui là. Mais ce beau jour au collège, il avait prit une importante décision. Il avait passé la nuit à lire des vieux livres d’humour qu’il avait trouvé chez ses grands parents, comme il ne trouvait pas le sommeil, et avait lui même quelques idées en tête. Il aperçut pas très loin de là un groupe de gens de sa classe qu’il ne connaissait pas trop, mais ils avaient le mérite d’être aimables, alors il les désigna pour sa première tentative. Avec ardeur il échauffa son verbe dans son esprit, puis il approcha les gens, dévoila le contenu de son sac et parla :
«Regardez ça, j’ai laissé mon sac sans surveillance et je l’ai retrouvé chargé de la caverne d’Alibaba ! De quoi faire jalouser sans nul doute toute la cargaison du port de commerce, j’ai ici mouchoirs, chewing-gum et bâtonnets de sucette à profusion ! »
    Il avait parlé, et son esprit s’apaisa quelque peu, un léger sentiment de soulagement naquit en lui. L’ironie a ce pouvoir étrange qui permet de sortir les mots bien plus facilement. On se distancie de nos émotions, on en distancie le destinataire, et tout devient plus fluide, plus légitime à raconter. Car la plainte est honteuse, elle montre la faiblesse, et le sarcasme est plus noble, car rire de ses tragédies, c’est être accompli même dans la souffrance.

    Raphaël ne sut que répondre, cet étrange personnage qui venait de déclamer une blague gênante à propos du contenu de poubelle présent dans son sac, devant ses amis et lui, l’avait mis profondément mal à l’aise. Il ne le connaissait pas vraiment, car il ne l’avait jamais beaucoup entendu parler, alors le voir déclamer une phrase aussi aléatoire à ce moment le perturba tout à fait. Il prit le parti de prendre son comportement pour des tentatives de sociabilisation de mauvais goût, le temps d’en savoir plus, et lui rendit un sourire qui se voulait mi-compatissant, mi-agacé. Son opinion se renforça deux jours plus tard quand Georges revint trempé de la tête au pied, en plein soleil. Là encore, il déclama nonchalamment :
« J’ai commencé à économiser du temps en me lavant à la fois le corps et les vêtements dans la rivière sur le chemin de l’école ! »
    Il souriait en disant ça, et Raphaël se prit à souffler du nez, ce gars était vraiment un comique. Raphaël ne pouvait pas comprendre car il n’était pas assez ouvert pour savoir qu’un sourire ne signifie pas toujours la plénitude. Pour Georges, à force de les tourner à la dérision, ses problèmes avaient tourné dérisoires. Bien que le rire lui ai permis de parler, il l’a empêché de s’exprimer.

    Georges rencontra Raphaël alors que celui-là était étendu par terre au pied de l’escalier après un douloureux roulé-boulé spectaculaire. En voyant l’autre, il se remit à sourire, et dit :
« Je crois bien que je suis… tombé sous ton charme ! »
    Raphaël se mit à rire de bon cœur, il s’était attaché aux petites blagues de Georges, ça pimentait un peu sa vie de collégien ennuyeuse. Georges continuait d’espérer l’aide de Raphaël, mais son cœur était de plus en plus contraint sous le poids d’une nouvelle douleur qu’il ne s’expliquait pas. Le rire lui permit de parler, mais lui interdit d’être. Georges était dans le vrai, jusqu’à ce qu’il use de l’humour.