L’escargot, la fourmi, le mouton et les 30 douves

Le 11/04/2003
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par Lapinchien
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Thèmes / Polémique / 2003
Voici l'article qui cloture la Saint-Con 2003, une fort intelligente fable en vers sur la connerie, un texte parasitologique très agréable bien que plus compréhensible par un public ayant quelques notions en biologie (sinon équipez-vous d'un dico pour vérifier ce qu'est une douve par exemple). Bonne saint-con et à l'année prochaine !
Dans une bouse de laineux,
Naquirent 30 douves héroïques,
Hantées par les commandements
D’une mémoire atavique,
Bien plus forte que leurs vœux…
« Suivez-moi », fit l’une d’elles,
« J’aurais le rôle de chef,
Je connais le long chemin,
Qui mène droit à nos fiefs !
Nous n’auront point querelle !»

Friand de trésors gastronomiques,
Un cornu gastéropode à ce moment,
Se délecte en ce gisement inespéré,
De tout ce qu’il peut goulûment avaler.

« Profitons du baveur grandes mâchoires »,
Lance une voix salvatrice,
« Infiltrons nous donc en lui,
Il nous rendra grand service,
Sans jamais rien en savoir ! »

Sans se faire prier,
Connaissant règles du jeu,
Les douves sont avalées,
Par cet abruti heureux,
Ni plaint, ni remercié…

« On ne fait que passer ! »,
Rigole de vive voix,
Le leader des 30 douves,
« V’là donc le cheval de Troie ! »

Les douves se glissent sans mot dire,
Dans la bave du squat-o-tracteur,
Qui perle hors de son cuir,
Comme gouttelettes de roses en fleur,
Invitant la faune à pitance …

« Voilà donc ma récompense ! »,
Fait une fourmi prêt des lieux,
« Je m’en vais gonfler ma pense
De ce met doux et mielleux ! » ,
alors qu’elle lorgne sur la bave…



Elle gobe perle, douves et sans le savoir,
Un poison bien insidieux,
Qui causera grand désespoir,
Trahie par l’appel du ventre !

« Grâce à mon astuce, on entre,
Dans cette grosse fourmi gourmande ! »,
Chuchote la douve dirigeante,
A tout le reste de la bande,
« Elle nous mènera à l’Eldorado ! »


Les douves percent le gosier,
De la fourmi insouciante,
Puis referment les plaies béantes,
Afin de ne point la tuer,
Une fois non loin des nerfs…

« Où faut-il bien donc qu’on aille ? »,
S’interroge une douve peu inspirée,
Alors que fourmi crie « Aïe !»
Et que douve la plus futée,
Livre aux 29 , plan de bataille:

« Vous 10 direction le thorax !
Vous 10 investissez les pattes !
Les autres attaquez l’abdomen !
Non est tempus per Pax !
Quant à moi je m’empare du cerveau…


Tout ces petits soldats s’exécutent aussitôt,
Avec tant de discrétion,
Que la pauvre fourmi affable,
Ne ressent pas l’agression,
Rejoignant rassasiée et guillerette le terrier de ses congénères myrmécéennes….

Pourtant le ver primitif,
Dans la tête de l’ouvrière,
Sous ses airs plutôt chétifs,
D’être unicellulaire,
Réussi le plus inattendu des exploits :

Elle pilote la fourmi, ma foi,
Un être bien plus évolué qu’elle,
Qu’avance tel un zombi,
Bien niquée de la cervelle,
Par la ch’tite paramécie…


A peine à la fourmilière,
Alors que nuit est tombée,
Et que toutes ses partenaires,
Sont sur point de se pieuter,
Notre fourmi a la bougeotte…

En elle, les douves complotent,
Prenant contrôle de ses pieds,
Elles l’éloignent promptement,
De ses camarades non contaminées,
L’aventurant vers les hautes herbes bien à l’encontre de son gré…

La somnambule machine grimpe comme sur une échelle,
Au sommet d’une Luzerne,
Où elle se poste immobile,
En elle les angoisses germent,
En elle gronde la bille…

Tétanisée en ces lieux,
Elle passe sa nuit dans le noir,
Implorant ses vieux aïeux,
De la sortir du cauchemar…
Mais elle attend… Elle attend…

Le soleil se lève bien tard,
Elle ne compte plus ses cernes,
Mais ô soudain, un espoir :
« Je me meus ! Mais donc quel germe,
Prit en otage mon vouloir ? »
Pensa-t-elle donc en ces termes,
Avant d’ rentrer au plumard…

Mais ce ne fût qu’un répit,
Elle travailla dur la journée ,
Mais dès que tomba la nuit,
Les douves reprirent sa pensée,
Menant insatiablement l’opération à nouveau…

Cette fois elles la firent grimper,
Sur une bourse-à-pasteur,
Prirent soin de la statufier.
« Arrivera bientôt ton heure ! »,
Cria douve désabusée …

Et en effet, elle ne se trompait guère,
Quand vinrent les lueurs de l’aube,
La fourmi priant ses pères,
Un ovin vient et la gobe,
En broutant l’herbe légère,
Sur laquelle on l’avait perchée…
Les douves se retrouvent alors,
Dans l’estomac du mouton,
« Eldorado au dehors! »,
Crient-elles quittant à tâtons,
La dépouille de la fourmi,
Tombeau du chef bien aimé,
Qui sacrifia sa vie,
Pour que vive communauté,
Des plus connes paramécies,
A bon port pourtant menées…

Les douves quittent l’estomac
Le foie vont parasiter,
Elles y prospèrent dans la joie,
Nuit et jour à forniquer,
Mangeant cellules hépatiques,
Du mouton neurasthénique
Qui chiera leurs héritiers.

Ainsi recommence le cycle,
D’une peu banale société,
Qui sacrifie ses élites,
Pour que vivent les attardés,
Les suiveurs sans mérites,
De sa glorieuse destiné…



(O______O) LAPINCHIEN