Shellburning

Le 12/04/2003
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par Lapinchien
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Thèmes / Polémique / 2003
Cet article aurait du paraître lors de la Saint-Con, mais n'a pu l'être pour une obscure raison technique et c'est bien dommage car il aurait pu permettre à son auteur de gagner une XBOX en bois. En attendant, cet excellent texte d'anticipation subversive, à lire absolument, peut être une bonne conclusion de la Saint-Con 2003, puisqu'il se projette le 10 Avril 2004...
C’est alors que tous les paroissiens s’avancèrent vers moi. Ils se mirent en file indienne dans l’ attente de la communion, elle devait les délivrer de toutes les tentations auxquelles ils avaient cédés, eux simples et pauvres pêcheurs victimes des harcèlements incessants de Satan.
Le premier me fit face, tombant sur ses genoux boudinés comme une masse…Son esprit était lourd de tout un tas de perversions démoniaques, il voulait s’en défaire…
Il me tira alors une langue coupable en fermant les yeux, comme implorant mon pardon, moi qui pouvait lire dans son âme comme dans un livre ouvert…

« Ceci est le corps de Christ », lançai-je sur un ton sépulcral destiné à lui faire comprendre qu’il avait mal agit alors qu’il gobait avidement l’hostie.
Je trempais alors mes doigts dans l’eau bénite et en exécutant le signe de croix, j’en aspergeais abondamment son visage souillé…

Il se releva lentement, évitant mon regard… Il se savait coupable mais lavé de toutes ses fautes… Je remarquais sur son visage un petit air ironique, je savais bien qu’il préméditait déjà de perpétrer de nouveaux crimes pendant la semaine… Il pensait que j’allais l’en absoudre le prochain dimanche… Il n’était pas le seul à s’inscrire dans cette logique…

La ronde infernale hebdomadaire de ce système hypocrite se remit à nouveau en marche comme je la redoutais chaque dimanche… Je me sentais coupable… J’étais d’ailleurs coupable… Je savais pertinemment qu’ils iraient tous en enfer !

Ils avaient tous ce même air ironique après la communion… Ils étaient tous fautifs ! Honte sur eux ! Cette fois ils ne s’en tireraient pas à aussi bon compte…

Ils s’en retournèrent tous à leur place. Attendant avec impatience, que je finisse un prêche dont maintenant, absous, ils se fichaient royalement ,pour pouvoir regagner leur piaules l’esprit tranquille… plus que 10 petites minutes de pénible attente… Je vois bien chaque semaine qu’ils frétillent à l’idée de quitter le lieu saint pour laisser libre court aux plus vils de leurs penchants ! Ils suintent la culpabilité ! C’est le paroxysme du ridicule juste après la communion…

« Mes biens chers fils », lançais je d’une intonation mystérieusement prometteuse , « Aujourd’hui est un jour très spécial ! Un jour que peut être inconsciemment nous attendions tous depuis longtemps : Le jour de la salvation ,celui de la rédemption finale …Mes bien chers ouailles, le saviez vous ? La fabrication artisanale de la nitroglycérine est relativement simple, mais extrêmement dangereuse. Les seuls produits difficiles à trouver sont l'acide nitrique et l'acide sulfurique. On peut se procurer le reste facilement et à faible coût. Les étapes de fabrication sont aussi très simples, mais doivent être exécutées avec d'extrêmes précautions. Ensuite vient l'entreposage qui exige des conditions optimales sinon la moindre secousse risquerait de faire disparaître l'endroit où la nitroglycérine a été entreposée.

Vous vous demandez peut être pourquoi je vous raconte cela ? Attendez un instant, ne soyez pas impatients, je vous libère dans dix minutes:

La nitroglycérine (ester nitrique) [C3H5(ONO2)3], appelée aussi trinitrine est une huile jaune pâle et inodore. Son point de fusion est de 285,2 Kelvin. En plus d'être un explosif très puissant, elle est utilisée en médecine afin de soulager les crises d'angine. En effet, la nitroglycérine dilate rapidement les vaisseaux sanguins. La principale caractéristique de la nitroglycérine est d'exploser sous l'effet d'un simple choc. Ceci en fait donc un explosif très sensible et très difficile à conserver étant donné son instabilité. En voici l'équation lors de l'explosion:
C3H5(ONO2)3 + 3/2 O2 ----> 3/2 N2 + 3 CO2 + 5/2 H2O + ¼ O2”
Un brouhaha incessant s’instaure alors au sein de l’auditoire, mais imperturbable je poursuis mon laïus: « J’arrête de réciter mes bouquins de chimie, mes biens chers fils, je ne vais pas vous laisser languir plus longtemps, je vous avouerais comme vous vous en doutiez déjà que j’ai trouvé les ingrédients si difficiles à se procurer sur le marché et que j’ai même conçu dans le presbytère un procédé pour encapsuler de petites granules d’ester nitrique dans de minuscules dragées aux parois résistantes… enfin pas tant que çà finalement puisque un peu de suc gastrique suffit à lentement les dissoudre… J’en ai abondamment mélangé à la patte à hostie … oui je l’ai même pétrie moi même avec amour… »

Mes ouailles se mettent à courir dans toute l’église, pris d’un soudain vent de panique. Les bancs se brisent et les gens se piétinent…


« Au fait, j’ai également béni, avant la messe, un peu de Beta-hemergol 58HB, liquide inflammable inodore de ma concoction, très puissant, mais pas du tout caustique… Je vous en ai tous aspergé… Aujourd’hui sera la plus belle des Saint Con !»

Alors que mes paroissiens entament les uns après les autres une danse enflammée de combustions spontanées, je m’évince subrepticement en passant par la sacristie.
J’entends au loin déjà les cris de tous ces damnées, qui caramélisent en chœur…

« Pardonne moi seigneur parce que j’ai pêché… », me répètai-je en boucle dans mon esprit torturé de milles doutes sur l’ expédition punitive que je venais de mener, « J’ai pêché par orgueil et zèle… Je suis ton humble serviteur… J’exécute tes ordres, pardonnes moi, je t’en prie… » Mais la fièvre me montait…

Les cris de mon église brûlant au loin, résonnaient encore dans ma tête… comme si les fantômes de cette poignée de pervers venait déjà hanter mon esprit… Je les entendais… Ils étaient là… « Mais ? Non ? Mais ? Cela ne se peut ? Ce sont les passants autours de moi qui se tordent et qui brûlent… cette fièvre ? mais c’est mon corps en flammes qui se consume ? », me souviens-je parfois…

En effet, en ce 10 Avril de l’an de grâce 2004, quelque chose que l’on n’attendait que dans 5 milliards d’années venait soudainement de se produire… L’expliquer scientifiquement je ne le saurais guère… J’ai juste un peu étudié la chimie à l’école de l’épiscopat , un peu par esprit de rébellion… Peut être que l’augmentation subite de la masse totale de la connerie humaine à ce moment précis a été un facteur déterminant ? La suite çà n’est que bien après, n’étant plus qu’un amas diffus photonique, que je l’ai comme par magie comprise :
Lorsqu'une étoile a brûlé entre 10% et 20% de son hydrogène, le cœur de celle-ci va se trouver à court de carburant. A ce moment là, l'étoile entre dans la fin de sa vie.

Autour du cœur lui-même, une coquille d'hydrogène va se contracter, et voir ainsi sa température augmenter, ce qui va permettre de déclencher des réactions de fusion.
La réaction de fusion nucléaire qui va alors avoir lieu dans cette coquille est assez rapide, et l'onde de pression qui va en résulter va avoir pour effet de faire gonfler les couches périphériques de l'étoile. Ce phénomène est appelé "shell burning" en anglais.
Pendant ce temps, le cœur va continuer à se contracter sous l'effet de la gravitation et transférer cette énergie à la surface de l'étoile qui va amplifier son gonflement tout en se refroidissant. Le diamètre de l'étoile peut être multiplié par un facteur 200, tandis que la baisse de température va se traduire par un décalage du rayonnement vers le rouge : l'étoile devient ce que l'on appelle une géante rouge.
Je ne me souviens pas, bien sûr, de ce que j’ai ressenti sur le coup lorsque le soleil a muté en géante rouge, j’en garde une sensation confuse… étonnamment essentiellement olfactive : çà ma laissé comme un arrière goût de Knackie Herta bouilli dans la bouche… Ce fût une sacrée Saint Con ! La der des der !


(O______O) LAPINCHIEN