Bible du néant 8

Le 22/07/2003
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par nihil
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Rubriques / La bible du néant
Retour des obsessions habituelles pour la chirurgie aléatoire, l'aliénation des masses, l'humanité-troupeau et la maladie.
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L’intérêt n’est plus de s’autodétruire mais de se reconstruire aléatoirement avant même de s’être détruit. Dans l’anéantissement de toute fonction ne se trouve plus la volupté sacrée de l’indicible, seulement la modification au hasard de cette fonction, pour la vider de son utilité. Entends-moi et désespère. L’amputation sauvage d’une articulation n’équivaut plus la saveur suave de sa restructuration absurde artisanale. L’automutilation n’a plus de sens devant la dérivation stupide d’une artère sur une veine. De la beauté d’organes sans rapport victimes d’un accouplement difforme, de l’autotransplantation frénétique entregreffe et autopénétration hystérique méandres d’une désorganisation souterraine, sous-jacente, latente, de la beauté malade de la déchirure-suture réflexe, de la beauté agonisante de membres prolongés et multipliés à coups d’articulations surnuméraires, enchevêtrement sauvage artisanal du paysage organique. Entends-moi et désespère. Inutilité ou sens caché imperceptible ? Et la mort même paraît terne et sans charme en face de la foire à la mutation aléatoire. Rien ne vaut de passer sa vie sous la lumière aveuglante des scialytiques.

Je sens des corps me coller, me bousculer, des articulations malmenées contre moi. Ca défile dans tous les coins, me jetant d’un courant de populace à un autre.
Putain, ça commence à m’énerver.
Ces abrutis qui courent dans tous les sens, les yeux rivés au sol, le portable vissé à l’oreille, l’asphalte leur bouffant le regard, pénétrant dans leur tête pour les dévorer ! La foule me presse, m’emporte, et la rage monte.
Je me mets à respirer plus fort, plus vite, sans plus me soucier des des vagues d’air vicié qui s’engouffrent en moi. Des images de massacre aveugle s’allument dangereusement. Mes yeux s’exorbitent peu à peu sans que je puisse rien y faire.
Deux locomotives hystériques me dépassent en m’emportant l’épaule. Une petite vieille me rentre dedans et marmonne des insultes incompréhensibles. Je m’arrête brutalement au milieu du flot, provoquant un mouvement de protestation derrière moi.
Des animaux qui courent à l’abattoir.
Des animaux incapables d’appréhender la stupidité bêlante de leur agglomération abusive dans les travées étroites de leurs métropoles grouillantes. Elevés en batterie et parqués dans des cités préfabriquées, redirigés peu à peu vers de vastes complexes secrets d’abattage entretenus à l’insu des masses au libre-arbitre soigneusement enrayé. Des crocs de bouchers qui oscillent doucement en esprit dans le lointain de cette rue commerçante de merde, bondée jusqu’à la gueule de légions de cadavres en attente. Des fantômes d’esses rouillées qui dominent la foule comme l’ombre d’un bombardier kamikaze à cours de carburant, menace vrombissante impalpable planant au-dessus de ce carnaval ridicule de petits employés pressés, d’étudiants hystéros et de mendiants qui ne rêvent que de s’assimiler au collectif gerbant. Une dérive inhumaine orchestrée par des spectres en blouse blanche, les enfants de l’idole-camisole, ceux qui vivent au fond d’abris anti-atomiques cachés, laissant leurs troupeaux génétiquement modifiés en proie à la pourriture malsaine de l’extérieur. Des dieux souterrains qui s’amusent à corrompre en douceur l’humanité à coups d’expérimentations absurdes.
Contrôle, mec, contrôle…
Des bœufs aux meuglements désordonnés…
Des bœufs qui courent à l’abattoir, à l’équarrissage…
Courrez, mes enfants, courrez, je suis là.

La maladie erre parfois en moi comme en un territoire libre de contraintes et se dresse parfois d’une splendeur noircie mystique, et je veux la refouler dans les fin-fonds de mon inconscient. Si je ne vois pas le mal c’est qu’il n’existe pas. Si j’oublie ma douleur c’est qu’elle n’est plus qu’imaginaire. Tout mon organisme est parcouru de spasmes comme un manège de viande pour l’expulser, mes organes se rétractent d’une terreur torpide et se serrent de détresse.

L’âme n’a rien à faire avec l’obscurantisme désincarné d’une telle machinerie organique immémoriale. L’intérieur revendique le repos et l’automatisme d’un fonctionnement sans conscience. Rien n’est plus monstrueux que soi-même.