Vol de nuit

Le 07/08/2003
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par Herpès
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Thèmes / Obscur / Introspection
Un article sérieux pour Draz, qui mélange peur du noir, cauchemar, remords et tout un tas d'autres obsessions banales. Un texte sombre, plutôt calme, qui sent un peu le vécu.
Déjà la nuit qui tombe et toujours cette peur que je sens monter en moi, cette angoisse que je connais tant et que pourtant je n’arrive pas à éradiquer de moi. Dès que vient l’heure du coucher, que l’obscurité s’installe autour de moi et que le silence pesant m’entoure, des images me parviennent : certaines sont connues et réapparaissent à ma conscience fréquemment, d’autres nouvelles, inconnues, mais rappelant pourtant une situation vécue.
C’est bizarre comme la solitude a le pouvoir de faire remonter ainsi certaines sensations pourtant enfouies au plus profond de nous. Dans la nuit, on est seul, personne n’est là pour nous aider à combattre nos peurs, il nous faut les affronter seul parfois dans la souffrance…
Chaque nuit pour moi c’est un peu une nouvelle histoire qui commence et une autre qui se poursuit. C’est avec une habitude morbide que j’attend en sentant monter en moi cette tension , retardant le plus possible l’heure du coucher par des coups de téléphone, textos, bouquins ou autres subterfuges. Puis il n’est plus possible de retarder davantage, alors j’éteint la lumière en me disant que peut-être cette fois je vais passer une nuit paisible. Mon esprit passe en revue les différents moments importants de la journée, les analyse, se forge une opinion qui aboutira dans une partie de ma mémoire dont je n’ai même pas la connaissance. Puis les choses à ne pas oublier pour le lendemain ou les jours a venir… Peu a peu, sans que je m’en rende compte, les paupières fermées, je rentre dans une première phase du sommeil et mon esprit continue a fonctionner malgré le fait que je suis « déconnectée » momentanément du monde des vivants .Malheureusement, on ne peut pas décider de ce qui se passe dans notre tête durant ce moment tant apprécié par certains et tellement détesté par d’autres… Il serait si simple de pouvoir mettre sur OFF le soir et en se réveillant le matin de rétablir le courant. Mais les lois de la biologie et des métabolismes physico-chimiques sont bien impénétrables pour nous autres, pauvres mortels. Et là, pas forcément toutes les nuits, mais la plupart du temps, tu réapparais dans ma vie après en être parti si rapidement. Je te vois et j’ai la sensation de te toucher comme lorsque je te voyais tous les jours : souriant, disponible, marrant, le mec idéal quoi !!!Mais cette vision est si courte ( ou à mon réveil me semble-t-elle si dérisoire) que bientôt je sens monter en moi cette angoisse que j’ai trop connue et qui m’est désormais trop familière. Revivre l’annonce de ta mort, imaginer des scènes que je n’ai pas vécue, essayer de t’empêcher de faire ce que tu as fait dans un moment de folie (ou après une mure réflexion : je ne le saurai jamais)…Qui n’a pas déjà fait ce genre de cauchemars à la perte d’un ami cher, enlevé trop vite par la mort qui nous semble alors si avide. Pourquoi toi et pas un autre ??? pourquoi n’ais-je pas su être la quand tu avais besoin de moi ? tant de questions qui resteront sans réponse. Mais tu es bel et bien parti et pourtant mes cauchemars persistent. Cela fait des années, je pensais qu’avec le temps ils s’en iraient, comme cette image de plus en plus floue qui se forme dans mon esprit quand j’évoque ton prénom et qui aurait, je pense, totalement disparue sans l’aide des photos. Et chaque nuit ou presque, je me réveille, trempée de sueur par ses cauchemars d’une banalité presque effrayante pour moi. Non… J ‘ai beau crier, je ne peux t’empêcher de partir. Il me faut accepter ta mort. Phrase qui semble si facile à dire et pourtant tellement lourde de sens pour la personne à qui elle est appliquée. Je n’ai pas pu t’oublier ; tu resteras toujours là, en moi, comme ces cauchemars qui me marqueront sans doute à vie (mais dont la fréquence diminuera sans doute énormément avec le temps qui passe).
La nuit : pourquoi m’apporte-t-elle cette souffrance alors que le jour me laisse paisible dans ma vie quotidienne ??? nul ne saurait apporter une réponse. Il me faut à présent accepter que tu ne côtoies plus mon présent et que mes cauchemars deviennent comme cette photo jaunie au mur ou ces fleurs desséchées sur ta tombe : un souvenir…