Vous

Le 13/09/2003
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par Aka
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Thèmes / Obscur / Humeur noire
Gros coup d'énervement pour Aka avec à nouveau un article excellent, plein de haine inextinguible et d'une fureur peu commune. On en prend plein la poire, nous, nos apparences, nos convenances, pour pas un rond, et on en redemande en plus...
23h00. La salle de bain. Lavage de dents, démaquillage. Le poids de la journée sur un coton. Coup d’œil dans le miroir. Ca c’est moi. Mon visage, ce que voient les autres.
Sois belle, tais-toi, relève la tête, souris. Conforte-toi à leurs attentes, à leurs jugements (leurs putains de jugements). N’oublie jamais qu’ils te connaissent mieux que tu ne te connais toi-même. Ils savent ce qui est bon pour toi et ce qui le sera, le chemin que tu dois prendre, les choix que tu as à faire. Ils sont forts, tellement perspicaces qu’ils arrivent à juger de ton passé.
« Non mais regarde ton parcours, la chance que tu as. C’était mérité après tout ce que tu as traversé. On aimerait tant être à ta place, mais on a peut-être pas eu ton courage. Il te reste plus qu’à te marier, faire plein de jolis enfants et tu seras vraiment au sumum de ta réussite… » Blablabla. Clap clap. Remise de médaille, léchage de cul et petite larme d’émotion au coin de l’œil. « Je voudrais remercier mes amis, ma famille (ah oui ! surtout la famille), toute personne que j’ai croisée dans cette foutue vie, ceux qui m’ont soutenue, qui ont cru en moi, mon chien, mon canari… »
Allez tous vous faire foutre.
J’ai refusé à Dieu le droit de me juger et de me diriger, et vous, bande de merdes ingrates, vous seriez suceptibles de le faire à Sa place ! Vous ne valez pas mieux que Lui, vous êtes aussi inexistants que Lui… et encore. On voue des cultes à Cet Etre depuis toujours malgré Son incompétence flagrante et vous savez pourquoi ? Parce que Lui Il apporte de l’espoir à des personnes assez désespérées pour avoir besoin de Sa bénéfique présence. De l’espoir… si un seul d’entre vous m’avait laissé entrevoir l’ombre de la définition de ce mot, il y aurait peut-être un quelconque intérêt à jouer la comédie. La vie serait autre chose qu’une simple attente avant la fin, avant le repos bien mérité. Dormir, c’est tout ce que vous me donnez envie de faire : dormir éternellement ! Hypnotiques pantins, vous êtes aussi inutiles que je le suis, cachés derrière votre pseudo-réussite calculable par le nombre de fois que vous avez tiré votre coup cette semaine.
C’est tellement simple de vous tromper : un sourire, un masque. Il suffit d’être vu comme quelqu’un d’original dans cette société à la con pour avoir le droit de vous dire « merde » quand on le souhaite et que vous répondiez « amen ». « C’est rien, elle est toujours comme ça. Quelle fille épatante, toujours en train de nous surprendre. Au mois elle est franche, elle ». Bande de cons.
Vous m’appréciez, vous me jugez assez acceptable pour rentrer dans votre puéril petit cercle social ? Et bien moi je vous maudis, autant que ce joli petit monde dans lequel nous devons jouer cette mascarade. Ah non c’est vrai, vous, vous ne jouez pas.
Chaque fois que la nuit tombe, que je me perds dans cette bataille quotidienne avec moi-même pendant que vous tous vous dormez du sommeil du juste, je m’imagine vous criant ma haine, vous envoyant la vérité en plein visage autant que vous me renvoyez mon inutilité, ma différence, toute ma chienne de vie en permanence dans le mien. Vous me forcez à faire ça, à me jouer de vous et après vous chiez sur l’hypocrisie de notre société ! Quand je me laisse aller à mes fantasmes les plus enfouis, c’est d’une balle dans la tête que je vous remercie avant de finir par moi. Suprême récompense.
Mes cauchemars sont chargés d’images préfabriquées de soirées entre amis, en famille : sourires indélébiles, tapes sur l’épaule. D’images de couples parfaits, des enfants plein de vie leur courant entre les jambes. D’argent, de vacances à la mer… Votre bonheur. Vous comblez du vide par du vide, réveillez-vous ! Vous êtes déjà mort, noyés dans vos mensonges de réussite, votre automatisme révoltant. Stupides petits robots, faire la connaissance de l’un d’entre vous c’est tous vous connaître. Vous me donnez envie de gerber.
Moi, mes rêves sont fait de Néant. C’est ça mon bonheur. C’est ça ma vie. C’est ça que j’ai en plus de vous.

23h30. Coup de fil. Grosse soirée de prévue… « tellement longtemps qu’on s’est pas vu, tu nous manques à force ». Regard dans le miroir. Effacement des larmes de rage. Sourire commercial.
Ca c’est moi.