La mauvaise pente

Le 18/08/2002
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par Etylhic
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Thèmes / Obscur / Psychopathologique
Le premier article réellement sérieux d'Etylhic, et qui vaut vraiment le détour pour ceux qui aiment les fictions psychopathologiques, bien malsaines et tordues à la nihil. En plus court quand même. Ca donne bien, c'est à lire.
Encore une journée qui se finissait, une de plus.
Ce mal de crâne ne le quittait plus, depuis maintenant une dizaine de jours il se levait avec, travaillait avec, se couchait avec, mais ne parvenait plus à trouver le sommeil. Cela avait commencé quelques temps après avoir dégotté ce nouveau poste, mais est-ce que toutes ces années d'études, de fac, de nuits blanches passées entre ses livres, sa thèse et les amphétamines pour tenir, toujours tenir, coûte que coûte, en valaient la peine ?

Tout ça pour en arriver là. Il avait tout essayé, les antalgiques, analgésiques, somnifères, il avait même tenté l'hypnose, l'alcool et les substances plus ou moins légales qu'il se procurait au hasard de ses errances nocturnes dans ce grand labo silencieux. Seules ses convictions l'empêchaient de consulter un confrère psy ou un prêtre exorciste, derniers recours auxquels il avait pensé. La semaine dernière des bruits, des hurlements avaient pris possession de son cerveau malade, chaque fois qu'il passait devant un resto, une épicerie, une boucherie, ou même une sandwicherie, une multitude de cris déchirants d'animaux qu'on abat, égorge, écorche, découpe, résonnaient dans son esprit. Il en tremblait à chaque fois, ayant peur de ressentir les même choses que tous ces Zaïrois, Somaliens et autres Malgaches, massacrés par les leurs, pour d'obscures raisons que personne ne comprend.

Il avait perdu 18 kilos, il mesurait 1m92 et ne pesait plus que 54 kilos, il ne mangeait pratiquement plus, le moindre morceau de nourriture contenant, même en quantité infime, la moindre molécule animale le rendait malade. Une seule bouchée l'emplissait d'une sensation de dégoût. Un goût amer, mélange de sang et de cadavre en putréfaction l'amenait immanquablement au vomissement.

Il ne passait même plus, depuis quelque temps, par le petit square face à son domicile, pour se rendre au boulot. Le fait de marcher dans l'herbe lui fracassait les tympans, il entendait la multitude d'insectes qu'il écrasait à chaque pas. Bientôt il allait sans doute aussi entendre les carottes et autres légumes desquels il se nourrissait encore. Son esprit malade ne laissait aucune barrière à son imagination. Il en tremblait d'effroi.

C'est décidé, à partir de demain il ne se rendrait plus à son boulot, finalement ce travail au labo de médecine légiste n'était pas fait pour lui.