La chasse à l'âme

Le 02/12/2003
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par Taliesin
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Thèmes / Débile / Absurde
Un concentré idiot de divagations inutiles, de jeux de mots en bois, d'absurdités assumées. Le tissu de conneries enquestion trouve à nouveau en Bretagne, même si en l'occurrence ça n'a pas une grande importance sur le récit (ledit récit étant inexistant je vous le rappelle). Taliesin parle de cet article comme d'un hommage à Pierre Desproges. Ca prête à sourire à droite à gauche, sans plus, mais c'était l'unique ambition.
Quand arrive les mois noirs et que le noroît balaye de pluie glacée sa chaumière en granit recouverte d’ardoise, le breton trouve le temps long.
Il a beau lutiner sa bretonne au fond du lit clos dans l’espoir vain de repeupler les Monts d’Arrée, avec la foi inextinguible de celui qui sait que tant qu’il aura la gaule, sa langue ne mourra pas (cherchez pas la contre pétrie, y en a pas), le breton s’emmerde quand vient l’hiver. Les bistrots ferment de bonne heure, les festoù-noz se font rare, on n’entend plus le cri sauvage des mobylettes le soir au fond des bois, le petit chaperon rouge, qui gambadait dans la lande avec ses galettes et son pot de beurre salé, préfère se lobotomiser le cerveau à coups de culture de masse télévisuelle plutôt que de se faire sodomiser le croupion par un loup-garou celte surgi de Brocéliande, genre « Dernier tango à Paris » (à cause du beurre, et salé en plus, je vous dis pas…). Bref, le loup-garou…euh, le breton se fait chier comme un rat mort derrière un meuble. La parisienne en goguette, qui activait la libido du pêcheur concarnois en promenant sa minijupe en stretch et son décolleté plongeant le long de la corniche, s’en est retourné depuis belle lurette dans sa capitale enfumée. Il parait même que le viol de la parisienne en goguette est passible de dix années de prison. Encore une manœuvre des technocrates de Bruxelles visant à éliminer la pêche à la morue artisanale au profit des conserveries pigallaises où le maquereau gominé et cravaté fait loi. Où j’en étais déjà ? Ah oui, quand les jours raccourcissent, le temps devient plus long, nous dit le théorème de la relativité. Heureusement, il subsiste encore quelques amusements nocturnes et ancestraux pour égayer le spleen hivernal des derniers descendants de la race celtique, comme le lancer de nains de jardin depuis le clocher de l’église de Pleyben, la course d’autruches dans les rues de Bannalec, le dynamitage de l’émetteur du Roc’h Trevezel, ou la lapidation d’ânes bâtés à coups de pruneaux d’Agen pendant la foire équestre de Commana. Mais aussi et surtout, une activité ludique et champêtre très usitée à l’intérieur d’un triangle Brasparts, Botmeur, Brennilis, et qui se pratique surtout en période de Toussaint, je veux bien sûr parler de la fameuse chasse à l’âme. Chaque 31 Octobre, dès que point le crépuscule (le crépuscule peut-il poindre ? N’est-ce point l’aube qui point plutôt ? Enfin bref.) au dessus de la chapelle du Menez-Mikael, on voit des hordes d’iconoclastes, décérébrés au chouchen exotique à base de chanvre indien, et de bucoliques frénétiques de tendance écolo-poncho afghan, partir à la chasse de l’âme seule dans les marais du Yeun Ellez, chaussés de bottes à semelles de caoutchouc mousse, et coiffés de chapeaux noirs, pointus et à larges bords pour faire croire que c’est Halloween. Mais avant de décrire cette fameuse chasse ô combien épique, il serait peut-être bon de définir ce qu’est exactement l’âme.

Selon Pierre Desproges, éminent philosophe limougeaud de la 2ème moitié du vingtième arrondissement, mais dont je subodore qu’il ait piqué cette maxime à Sigmund Freud, psychanalyste autrichien et juif (qui aurait d’ailleurs fait le pendant idéal d’un autre autrichien, fou et antisémite celui-là, car ne dit on pas que les contraires ça tire), l’âme serait, je cite « un composé nébulo-gazeux voisin du prout ». Pet à l’âme de ces trois grands bienfaiteurs de l’humanité, donc, sauf à celle du dernier, tout de même, qui doit à l’heure actuelle être en train de marcher au pas de l’oie au fond de la chaudière infernale de maître Satan, les doigts de pieds rôtis par le supergrill turbocrame dernier modèle de chez Moulinex, tandis qu’Eva brône (du verbe « brôner », transitif du 1er groupe à droite en sortant de l’ascenseur, doit vraisemblablement dériver du verbe « prôner » après mutation consonantique P/B, mais on s’en fout un peu, on est pas là pour enculer les mouches ni pour déraper en considérations linguisto-fascisto-amorphes. Pourquoi « amorphes » me direz-vous ? Ben, à cause de Freud, pardi !). Mais revenons à l’âme, s’il vous plait. Car l’âme, contrairement au naturel, ne revient pas au galop, il faut lui courir après, et elle a une fâcheuse tendance à s’égarer, et quand l’âme s’égare, Saint-Lazare… (Putain, là ça craint vraiment !). D’après les récents travaux des plus grands astrophysiciens des nouveaux mondes spatio-temporels version LC, l’âme pèse 21g. Il faut donc la timbrer suffisamment lorsqu’on la recommande à Dieu, car toute surcharge au-dessus de 20 grammes sera taxée au frais du destinataire. Je vous conseille donc de vous coller deux timbres à l’âme, sinon, étant donné l’état actuel de la religion et le caractère acariâtre de son Big Chef, il y a de fortes chances pour que votre âme vous soit retournée directement en pleine tronche, alors que vous serez déjà en train de pourrir six pieds sous terre. L’âme se cassera le nez sur votre tombe et ira errer par monts et par vaux, fort mécontente. Mais, ceux qui sont déjà timbrés de leur vivant auront le droit de gagner directement le paradis, suivant le proverbe bien connu : « Heureux les simples d’esprit….etc. ».
Mais je vous entends vociférer en trépignant d’impatience : « Et la chasse à l’âme, alors ? » J’y viens, j’y viens, y a pas le feu au lac, disait Lamartine. Ce sont ces âmes errantes et mal timbrées que l’on chasse dans les tourbières armoricaines aux frimas d’octobre. Comment attraper une âme ? Il faut déjà savoir faire la différence entre le crapaud baveux des marais et l’âme en question. Très simple : l’âme saute beaucoup moins haut que le crapaud, et lorsque que l’on marche sur le pied d’un crapaud, il fait « coâ » alors que l’âme répond méchamment : « marche sur l’autre et t’auras Arvorig FM ». Il faut s’approcher doucement de l’âme, sans lui faire peur, car lorsqu’elle a peur, l’âme s’terre. Quand elle ne s’y attend pas, ramassez-la délicatement et mettez-là dans votre poche avec votre mouchoir par-dessus. Rentré chez vous, ébouillantez l’âme pour la ramollir, puis coupez-là en morceaux très, très fin. Jetez les morceaux dans un litre d’eau bénite et remuez doucement sans faire de vagues (il faut éviter le vague à l’âme). Lorsque l’âme est dissoute, distillez le liquide dans un alambic, puis mettez-le au réfrigérateur. Servez très frais avec un zeste de conscience.

Comme me disait Tulia l’autre jour, en parlant la bouche pleine : « Le chirop de corps d’âme, ch’est vachement bon, ch’est fluide et glachial. Che peux en ravoir ? ». Attends un peu Tulia, faut que je recharge mon stylo, là.

Ecoute un peu le merle et fais-moi voir tes seins
Vivons heureux en attendant la mort.