Egarement

Le 06/01/2004
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par Tulia
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Thèmes / Obscur / Fantastique
Tulia laisse un peu tomber la colère pour un texte calme et sombre, presque reposant, peut-être un peu dans la veine d'Assouvissement par certains points, impeccablement écrit et maîtrisé. C'est court mais bon.
J’errais entre les pierres tombales, pensive… J’avais toujours apprécié de me promener dans les cimetières. Le calme qui y régnait et ce sentiment étrange de tristesse infinie qui se dégageait de chaque nom apposé sur les stèles mortuaires m’avaient toujours semblé terriblement apaisants. J’adorais ressentir ce petit pincement au cœur que l’on éprouve lorsqu’un objet, une personne ou un lieu vous met incroyablement mal à l’aise.
Mais ce jour-là, contrairement à toutes les fois où j’étais venue pour me retrouver seule, j’avais une vraie raison d’être là. J’étais venue assister à un enterrement…
J’étais arrivée en avance au cimetière afin de pouvoir le contempler vide de toute existence avant que les funérailles ne commencent.
Les grilles du cimetière s’ouvrirent et un corbillard y pénétra lentement, suivi par une petite troupe de gens endeuillés. J’observai de loin leur lente progression dans l’allée principale avant de me diriger vers le cortège lorsque celui-ci s’arrêta. Je reconnus mon père lorsqu’il leva la tête pour regarder dans ma direction pendant que je marchais. Ma mère se tenait juste à côté de lui. Je pressai le pas pour les rejoindre.

Lorsque j’arrivai près d’eux, je ne pus m’empêcher de regarder à l’intérieur de cet immense trou creusé dans la terre. La dernière demeure de toutes les enveloppes charnelles…
Deux hommes ouvrirent les portes arrières du corbillard et tirèrent le cercueil vers l’extérieur. Ma mère fondit en larmes et mon père la serra dans ses bras. Il pleurait lui aussi. Pour la première fois, j’aurais voulu leur dire combien je les aimais mais je n’en ai jamais été capable. Je me contentai de poser ma main sur l’épaule de ma mère, comme si ce geste avait pu la rassurer. Elle tourna la tête vers moi lorsqu’elle ressentit le contact puis enfouit à nouveau son visage en pleurs sous le bras protecteur de mon père. J’observai ensuite, un à un, chacun des visages qui étaient présents, ils m’étaient tous familiers.
Le cercueil fut placé au-dessus du trou qui allait bientôt l’accueillir et toute l’assemblée muette l’observa descendre progressivement. Puis les sangles qui le maintenaient furent enlevées et chacun pouvait, à tour de rôle, se placer quelques instants devant la sépulture afin de faire ses adieux au corps qui y reposerait à jamais. Je préférai m’en écarter.
En m’éloignant, je passai près de deux personnes qui m’étaient étrangères et dont je surpris la conversation :
« Je crois que c’est la jeune fille qui s’est suicidée jeudi dernier que l’on enterre.
- Oui, j’ai lu ça dans le journal local. Sombre affaire… »

Je jetai un dernier coup d’œil vers ma famille et mes amis, puis je quittai cet endroit, errante pour l’éternité…