Ce que je voulais te dire

Le 19/02/2004
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par Aka
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Thèmes / Obscur / Introspection
Nouvelle tranche de vie intimiste, avec cette violence rentrée, cette douleur sourde et larvée, ce calme dans la haine qui sont les caractéristiques des bons textes d'Aka.
T’ai-je déjà dis à quel point je te détestais ? Oui sans doute : dire « je te déteste » à quelqu’un est devenu aussi monnaie courante que de dire « je t’aime ». Mais te l’ai-je déjà dis assez intensément pour que tu ne ressentes ne serait-ce qu’une once du dégoût que me procure ta simple vision ou que, pire encore, la seule constatation du fait que tu existes ?
Oui j’ai sans doute essayé maintes et maintes fois, mais ça ne sonne jamais juste. Je me dis toujours après coup : « ah ! mais c’était ça le bon mot, le verbe assez acéré pour laisser une marque indélébile. » L’intensité n’est jamais bonne non plus. Je m’emporte trop ou, au contraire, je sombre irrémédiablement dans l’indulgence. J’aurai pourtant tellement de choses à te dire. Mais la colère ne se décrit pas, la haine sourde soudée aux entrailles ne se traduit pas.
Peut-être qu’elle se ressent... Laisse moi te toucher, t’effleurer, laisser glisser mes doigts sur ton visage. Laisse moi fantasmer. Laisse moi imaginer l’effet que me procurerait la vision de mes mains lacérant ta figure.
T’ai-je déjà dis à quel point je te détestais ? Oui je sais... Mais à quel point je te détestais de t’aimer autant ? J’avais tellement d’espoirs en toi. C’est mal fait les sentiments : la déception aussi ne se traduit pas. Tu fais pourtant des efforts, mais tout sonne si faux quand on y regarde de plus près.
T’ai-je déjà dis à quel point ce regard de mépris que tu poses sans cesse sur moi me donne la nausée ? Encore en ce moment tu ne peux pas t’en empêcher. Il me fait tellement mal ce regard, mais la souffrance n’est plus que violence, la haine devient désespoir. Tout se métamorphose n’est-ce pas, tout se mélange, tout évolue, même le ressenti. Tu m’étouffes, tu m’oppresses. Je sens frémir la moindre particule de mon corps, mon âme est enserrée, toute cette colère me bouffe de l’intérieur. Elle me vide. Une coquille vide animée par la haine, une marionnette dont la Colère tire les fils : voilà ce que tu as fais de moi.
T’ai-je déjà dis à quel point je ne supporte plus ses mots qui ne sont que crachats à mon visage ? Ou à quel point le fait de tout savoir de toi, de connaître les moindres recoins de ton esprit me fait froidement sourire ? Je n’aime définitivement rien de ce que tu es, rien de ce que tu fais paraître, aucun de tes actes. Je sais, moi, qui tu es vraiment.
Si tu savais à quel point je savoure ces moments extatiques, comme maintenant, dans cette salle de bain, grâce auxquels j’essaye de te tuer à petit feu par ma haine ! Mais c’est faux, la colère ne rend pas aveugle. J’ai conscience que c’est une bataille perdue d’avance. Mon cœur voudrait hurler, je le sens. Tout ce que je suis se révolte, mais la résignation est là, tout au bout. Trop forte. Je ne te tuerai pas. Rien ne changera. La fusion est totale, nous n’y pouvons plus rien. Nous continuerons à vivre ensemble.
Cette confession n’aura servi… à rien. Tout cela je le savais déjà. Je ne me connais définitivement que trop bien. Ca ne sera toujours moi que je verrai quand je me regarde dans ce miroir. Toujours ma propre image à supporter.Toujours cette image que je rêverai de lacérer, toujours cette vitre qui m’empêchera de la faire.
Je suis ce que je suis, tu es ce que je suis. Je suis moi. Tu es moi.