Dans mon monde

Le 15/03/2004
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par nihil
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Thèmes / Débile / Faux obscur
Un petit conte trop mignon pour fêter dans la convivialité et l'amicalité la forte concentration de bisounours sur le site ces jours-ci. Je sais que ça leur fait plaisir.
La petite Francine a huit ans. Elle aime ses parents, les dessins animés à la télévision et les tartines de confiture que lui prépare amoureusement sa maman.
Elle aime prendre le petit déjeuner après la toilette, respirer l’odeur de café et de beurre fondu qui lui parvient de la cuisine. Sa maman lui sert du chocolat chaud avec un beau sourire et Maxime, son grand frère la taquine gaiment. Son papa lui lit les passages les plus amusants du journal qu’il lit tous les matins en buvant son café.

Tous les jours, la petite Francine va à l’école où elle apprend à écrire. La gentille maîtresse montre au tableau comment former les lettres d’une belle écriture ronde. La petite Francine est encore maladroite, mais elle s’applique et obtient les meilleures notes de sa classe. La maitresse la félicite souvent et ses parents sont tellement fiers d’elle.

Elle aime manger à la cantine les petits plats que prépare le grand David, le cuisiner de l’école. Sa grosse voix bourrue lui fait un peu peur, mais il est si gentil. Elle se met avec ses amies près de la sortie du réfectoire pour pouvoir être la première dehors dès le repas terminé et profiter le plus longtemps possible de la cour avant que la cloche sonne.

A la récréation, la petite Francine joue à l’élastique avec ses petites camarades. Elle adore chanter ces comptines enfantines qu’elle apprend de la bouche de Nathalie, la fille du boulanger. Elle joue à la marelle aussi, avec Nathalie, Carine et Angélique. Quand elle gagne, elle éclate de son grand rire et tombe dans les bras de Nathalie, et quand elle perd, elle se met à hurler de sa voix de houri revenue des Enfers, et elle dresse ses paumes vers les cieux assombris qui se mettent à cracher des trombes de sang. Alors des nuées de fantômes montent du sol et enlèvent les enfants dans l’ombre. Au coeur de la panique tout le monde piétine les plus faibles et ce ne sont que cris et larmes dans la tempête. Alors le bitume de la cour se fracture tandis que la petite Francine se griffe les joues en grondant des incantations rageuses. De nombreux écoliers basculent dans ces gouffres sans fond et leur corps se désarticule dans d'ignobles bruits d'os cassés. Alors les trompettes sonnent dans des torrents de feu, de sang et de froid, et la petite Francine se redresse, les yeux dans le vide, un rire dément aux lèvres. Et puis tout s’éteint peu à peu, l’orage se calme jusqu’à ce que des rayons de soleil percent à nouveau d’entre les nuages noirs qui se dispersent. Et la petite Francine, désormais seule, erre d’un bout à l’autre de la cour de récréation déserte en se cognant aux murs.

Faut pas non plus trop la chercher, la petite Francine.