Saint-Gautier priez pour moi

Le 10/04/2004
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par Aka
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Thèmes / Polémique / 2004
Bosser un jour de Saint-Con c'est vraiment la poisse. Faut s'arranger pour trouver un con acceptable sur son lieu de travail, c'est pas évident, vu que généralement dans un Darty c'est bourré de gens super intelligents, c'est bien connu. Oui, parce que Aka bosse dans un Darty. Cette conne...
Samedi matin. Le réveil sonne, il faut aller travailler. Mais ce n’est pas un samedi matin comme les autres, je le sais : c’est officiellement ma première Saint-Con vu que je m’étais arrangée pour déserter le site pile à cette période l’année dernière.
Je me suis préparée psychologiquement à la situation, mais surtout physiquement. Je sors de mon lit revêtue de ma combinaison anti-brûlure. En effet, quoi de plus dangereux que de vivre avec le webmaster de la Zone un 10 avril ? Les autres jours aussi d’ailleurs, mais surtout le 10 avril. En même temps, vu qu’il est 9h00 du matin, nihil n’est donc couché que depuis vingt minutes et il dort à poings fermés. C’est ce soir que ça sera dangereux, mais par mesure de précaution, je garde ma combinaison sous mes fringues au cas où il me fasse une embuscade dans la journée au travail.

Je remue frénétiquement ma petite cuillère dans mon café. Il est 10h15 et je ne sais toujours pas qui je vais brûler. J’avais tout un tas d’idées, mais évidemment, c’est moi qui ferme le magasin ce soir. 11h00-21h30 : je n’aurai jamais le temps d’aller débusquer tous les cons auxquels j’avais pensés. Putain c’est ma première Saint Con, il faut que je ramasse la X-Box en bois qu’ils l’aient tous dans le cul (pas la X-Box mais le fait que je la gagne, t’es pas un peu con toi ? Je note ton nom pour l’année prochaine…).

Perdue dans mes pensées, je ne vois pas l’heure défiler. Je vais finir par être en retard. Comment feraient tous ces connards de clients sans moi…

Illumination. Oui je vais tous les crever. Dans ce tas de bœufs que je sers tous les jours, je vais bien en trouver un assez con. Un petit enfoiré venant m’agiter sous le nez son gros pouvoir d’achat. Un symbole du consommateur lambda. Qu’est-ce que ça peut être con aussi un symbole d’ailleurs. Le petit coté politique, le fait d’avoir un vrai combat en plus de celui contre la connerie me vont bien. Parfait.

Arrivée à mon poste, je m’empresse de cacher sous ma caisse le jerricane d’essence que j’ai acheté quelques minutes avant. Et j’attends. Paisiblement j’attends. Avec le tas de connards que je peux voir tous les jours, je sais que je vais trouver LA perle rare. Celui qui les représentera tous.
Cinq minutes après j’en tiens déjà un. J’annonce d’une voix mécanique :
« - 299.99 euros s’il vous plait.
- Ah c’est pas gratuit aujourd’hui ? »
Sourire de connard aux lèvres. Le mec me montre bien que son humour résistant à toute épreuve ne va pas s’arrêter là. Je l’aime déjà. Je sors le grand jeu, c’est à dire mon rire de pétasse :
« - Non, désolée. »
Il me tend sa carte bleue, au moment où je vais pour la prendre, il la retire. Mon Dieu qu’il est drôle.
« - Vous avez dis combien ?
-    299.99 s’il vous plait.
-    Pour pas dire 300 quoi. »
Voilà, exactement connard, sinon j’aurai dit 300 en fait.
« - Oh mince, j’ai oublié mon code ! »
Décidément c’est un festival. J’ai déjà la main sur le jerricane. Mais soudain, pleine crise de conscience : des comme ça, j’en vois tous les jours. Que dis-je ? J’en vois dix fois par jour. Pas assez grandiose pour ma première Saint Con.
Puis pendant deux heures, plus rien. Je commence à baliser quand je vois un mec arriver avec une télé 120 cm sous le bras, suant comme un bœuf. Il me la pose comme il peut sur ma caisse et me regarde avec une expression d’huître. Je me permets de le questionner :
« - Euh, bonjour. C’est quoi ça ?
-    La télé que j’achète, c’est pas ici qu’on paye ?
-    Et si vous aviez voulu un frigo américain, vous l’auriez porté aussi sur votre dos ? »
Là apparemment, le mec je lui ai posé une question au-dessus de ses compétences intellectuelles. Il a l’air complètement désemparé. Je peux voir par l’expression de son visage tout le processus en cours pour analyser ce que je viens de lui demander. Merde, je me suis jurée de pas brûler d’handicapé, puis le coup de la télé, ça va faire rire que moi vu que tout le monde bosse pas chez Darty et ne comprend donc pas la subtilité de cette vanne. Coup d’œil vers mon jerricane. Tant pis. Re coup d’œil vers mon client. Ah merde il a commencé à faire un schéma sur papier pour voir si, effectivement, il aurait pu m’amener le frigo. Je suis obligée de lui expliquer que c’était de l’humour, puis je le regarde partir tristement. Vraiment dommage celui-là.    

17h00. Mister Univers 1912 apparaît devant moi. La quarantaine, sourire ravageur, bronzage impeccable, costard trois pièces.
« -    Bonsoir Elodie (c’est rien c’est mon prénom). Tu permets que je t'appelle Elodie?
-    Bonsoir. » Putain je l’aime pas cette espèce là de con.
-    Tu te demandes comment j’ai fais pour savoir ton prénom n’est-ce pas ? »
A fond, c’est bien connu les caissières sont tellement connes qu’elles ne comprennent pas l’utilité du badge qu’elle sont obligées de porter. J’aurai peut-être du brûler une collègue d’ailleurs. Bon bah je suis obligée de ressortir mon rire de pétasse.
« -    C’est difficile le commerce n’est-ce pas. Je connais ça, j’ai une entreprise d’import-export dans la communication de masse. Tu finis tard et tout. Tu dois très avoir faim en sortant d’ailleurs… Tu manges où après ?
-    Dans ton cul connard. Tu permets que je t’appelle connard ? On se tutoie apparemment, donc autant utiliser directement les surnoms affectueux. »
Ah merde, je ne l’ai pas que pensée cette phrase là. Le mec se barre en criant au scandale. Même pas eu le temps de savoir si il aurait été le vainqueur du jour ou pas. Ca aurait peut-être mérité.
Mon chef vient me demander des comptes sur ce monsieur pas content et je lui explique gentiment que ce client m’avait fait des propositions malhonnêtes, pensant que la petite pipe était incluse dans le contrat de confiance. Vexé de mon refus, il était parti en jurant qu'il en réfèrerait au siège social. J’ajoute à toute ces explications mon sourire commercial. Mon chef a l’air dubitatif mais me laisse le bénéfice du doute. Qu’il est con… Non je ne dois même pas y penser...

20h00. Toujours pas de client assez con pour servir d’exemple. Con oui, tous d’ailleurs. Mais pas de perle rare. Une main me touche l’épaule. C’est encore mon chef. Il me signale que je devrais être partie depuis une demi-heure. Et merde moi qui pensait fermer… Où je vais trouver mon con ?
Bon pas le choix, faut que je crame quelqu’un sur le chemin du retour ou à la maison. Des cons sur la route, c’est pas ce qui manque. En même temps c’est pareil, c’est pas assez accrocheur..
Mais j’y pense : personne n’a jamais cramé nihil. Non c’est nul, tout le monde s’attend à ce que je fasse ça.

Putain je sais. Personne n’a jamais brûlé d’animal pour la Saint Con. Et moi j’en ai un très con à la maison. Vous savez à quel point c’est con un furet vous ? Moi si, je le sais. Je le subis tous les jours. Cet animal qui se dit chasseur est myope et sourd. De plus il ne tient pas debout. Ses passe-temps, quand il ne dort pas, sont de renverser tous les récipients pleins, chier partout dans la baraque, agresser le chat et nous mordre jusqu’au sang quand on essaye de l’engueuler. En plus ça fait un bruit de poule (et on sait tous que c’est con une poule). Plus j’y pense et plus ça me semble évident : c’est vraiment super con un furet. On devrait même en faire la mascotte de la Saint-Con. Un symbole.

Je rentre donc discrètement dans l’appartement, mon jerricane à la main. Il faut que je fasse la surprise à nihil. Il doit être un peu sur les nerfs en plus de peur de se faire cramer par un zonard C’est tellement important le 10 avril pour lui. Et puis il trouve aussi le furet super con, surtout quand il a faillit lui arracher le nez… Enfin passons, ça va lui faire plaisir j’en suis sure.
Je pose le bidon par terre, débouché. Et voilà ce con de furet qui arrive comme il peut. Un récipient avec du liquide dedans : il ne résiste pas. Deux secondes après, ce stupide animal s’est barbouillé d’essence. Je le chope, lui mets un joli ruban autours du cou, craque une allumette de l’autre main et me précipite dans le bureau où se trouve nihil en criant :
« JOYEUSE SAINT CON ».
Nihil se détourne de son pc lentement. Il regarde le furet dégoulinant d’essence dans ma main gauche, l’allumette dans l'autre. Il prend son regard blasé avant de me regarder à nouveau.
« - Bah quoi ? »
« - T’es vraiment conne ma pauvre fille. » dit-il en secouant la tête d’un air dépité.
« - Bah quoi ça te fait pas plaisir ?
-    Putain mais on est vendredi conasse, c’est demain le 10 avril.
-    …
-    Et puis rend-moi cette pauvre bête, tu l’as traumatisée avec tes conneries.
Lâchage de furet. Retournage sur mes pas. Ramassage du jerricane. Directionnage vers la salle de bain.
« Au cas où tu me cherches, je vais prendre… une douche ».

Quoi de plus con que de s’auto-cramer le non-jour de la Saint Con ?