Le rasoir

Le 21/05/2004
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par Lueur de Vertu
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Thèmes / Obscur / Psychopathologique
Texte très étrange, 'à vocation chiante' dixit l'auteur... On fait le tour des lubies plus ou moins bizarres du narrateur, on comprend pas trop ce qui se passe, mais y a une atmosphère malsaine de névrose qui se dégage. On cherche une forme de cohérence en vain, mais ça ne gâche en rien le plaisir de la lecture. Même le style très baclé donne un coté réaliste au texte (par contre j'ai corrigé les plus grosses fautes). Vraiment sympa.
Ca va faire 5 jours que je saigne du nez. il y a quelques interruptions mais elles ne sont que très brèves, je reste de plus en plus chez moi, à l’écart du monde, à regarder les gens passer devant la fenêtre ; d’ailleurs il y en a de moins en moins et ce sont toujours les mêmes personnes.
Ca n’a plus grand intérêt alors je décide que demain je partirai j’irai voir des amis, de la famille n’importe qui tant que ces personnes ne sont pas chez moi. Depuis ces 5 jours de saignements je n’ai changé que 3 fois de têtes d’oreillers, j’ai la flemme. Mes couvertures ont pris une teinte rougeâtre et se sont imprégnées d’une odeur mais laquelle ? Une odeur indescriptible et désagréable qui m’empêche de dormir mais je ne ferai rien contre ça cette odeur est là tant pis c’est Dieu qui veut ça, chaque chose dans l’univers a sa place même les odeurs...... Je me suis juré qu’aucun rasoir ne toucherai à ma barbe et qu’aucun ciseaux ne toucherai à ma touffe tant qu’un roi ne sera pas revenu sur le trône de l’Afrique et pour l’instant je respecte cette promesse. Mais je ne peux m’empêcher de toujours me déplacer avec un rasoir jetable dans la poche au cas où je trouverai une copine qui me demanderait de couper ma toison. Il est très important dans ma vie ce rasoir, c’est ma drogue je l’ai appelé Tatouéta, il parait que c’est hawaïen. J’espère ne jamais aller là bas. Il fait beau. Tous les jours je vais en cours avec les mêmes objets sur moi : porte-monnaie vide, carte de bus, clé et rasoir... Quand je marche tout ça me fait mal, la clé me rentre dans la cuisse droite, douleur accentuée par le poids du porte-monnaie tandis que le rasoir m’irrite l’autre cuisse. Je n’y peux rien c’est Dieu qui le souhaite. Je pense que ces souffrances c’est une épreuve, un test qu’il veut me faire passer pour voir si je suis capable ou incapable, ce qui me parait logique.

Lundi, j’ai cours et j‘y vais en bus comme tous les jours. Debout, fier et majestueux au bords de la fenêtre en face du la 3eme porte du bus je réfléchis sur ma vie et je me remet en question. Le bus s’arrête j’entends des cris d’enfants, ma 1ère pensée: « oh merde j’espère qu’ils vont pas rentrer dans le bus ». Et si, une, voire deux classes de primaire sont entrées ; des enfants tous plus braillards les uns que les autres. Leur professeur, cet abruti, a décidé de tous les mettre dans mon secteur, ils n’auront qu’une victime....... moi. A chaque virage leurs cris stridents me déchirent les oreilles. Mais là, là tout s’accélère un chauffard double le bus dans son couloir le chauffeur freine brusquement, tout le monde est affolé, le cri des enfants m’enflamme la tête, je vois toute ma vie défiler en quelque secondes, ma fin est venue je vais mourir ici et maintenant, je sens une main se poser sur ma jambe..... non sur mon tibia... mon 1er réflexe je mets la main dans ma poche pour chercher le rasoir et j’enlève le cache en plastique... Le bus s’arrête enfin, je me suis affolé pour rien mais je remarque que le cache est tombé par terre le professeur, cet abruti, l’a remarqué et je me penche pour récupérer une partie de mon objet fétiche, d’une autre main je vérifie dans ma poche gauche si je n’ai pas fait tombé le rasoir, heureusement non. En me relevant je remarque la chose qui m’a tant fait peur une fillette d’environ 8ans accrochée à ma jambe avec un manteau violet ressemblant plus à une doudoune, elle me sourit, il lui manque quelques dents. Elle a de grands yeux marrons de la même couleur que ses cheveux..... Elle se met a rire, moi la fixant incapable d’exprimer le moindre sentiment mais j’arrive à faire un seul geste, j’écarte les lèvres sans pourtant les ouvrir, les yeux aussi vides que ceux d’une mouette, je crois que je suis crispé. Néanmoins, elle me remercie, enfin je pense car elle marmonnait tout en souriant ce qui est d’après moi quasi-impossible. Ensuite je me replonge dans mon coma. Au bout d’un temps, le professeur, cet abruti, crie: « Allez on descend au prochain, on sort tous par cette porte là », je sursaute, tout le monde me prend pour un être spécial j’ai envie de hurler « je suis comme vous » mais je pense que personne ne fait attention à moi a part le professeur, qui me regarde bizarrement et la fillette souriante qui me fixe depuis que je lui ai sauvé la vie. Tous les enfants descendent dans un bordel monstre sauf la petite fille qui me demande :
- tu viens pas avec nous ?
-non désolé je m’arrête plus loin, moi aussi j’ai une vie tu sais.
Elle ne m’écoute pas et descend forcée par le professeur, cet abruti. Je descends du bus et je repense à elle...... Je crois que je m’y suis attaché à ce petit être édenté.

Révolution, j’ai enfin décidé d’utiliser Tatouéta, je vais faire ça cette nuit. Ca y est, je vais me rase. Je me rince le visage à l’eau chaude puis je mets de la mousse j’crois que j’en ai mis trop je vois plus ma peau, je suis devenu blanc je me sens un autre homme....je prend Tatouéta je le plaque contre mon visage.... Merde quel con ! je me suis coupé ça pisse le sang j’ai l’impression de mettre ouvert la carotide bon tant pis j’essuie et je désinfecte mais je décide de ne pas laver le rasoir je trouve que c’est beau ce sang mélangé à des poils et de la mousse, c’est un joli dégradé de couleur, ça me fait penser à la révolution russe de 1917, le sang, le rouge: Lénine et les révolutionnaires et la mousse, le blanc: les monarchistes et le Tsar. J’espère que cette plaie va se refermer un jour je crois que je suis un peu hémophile, peut-être qu’il faut que je demande de l’aide à Raspoutine, lui au moins il sera quoi faire....... Je crois que je vais changer mes draps j’en ai marre de dormir dans mon sang. Enfin dormir.........

Aujourd’hui problème en classe mon rasoir est tombé de ma poche la prof l’a récupéré elle veut me voir à la fin de l’heure.... Malheur.... Ca y est elle me fait la morale sur les armes à l’école, merde elle a remarqué le sang, elle me demande a qui appartient ce sang je lui réponds qu’il est a moi elle ne veut pas me croire alors je lui montre la blessure a peine refermée. Tout est rentré dans l’ordre. Je sors de chez moi ce week-end. Je vais au cinéma.

J’ai pris un bain, que c’est bon d’être propre ! Je me sens plus léger, plus libre. J’ai un problème je souris dans le bus, tout le monde me prend pour un niais je m’en contre-balance : la vie est belle je suis heureux..... La vie est belle....... Bizarre, une pensée positive et en plus ce n’est pas la première depuis ces temps ci. Je crois qu’il y a un réel changement en moi comme une sorte de réveil. Voila j’ai été touché par la grâce mais laquelle........ Je n’arrête pas de repenser à cette épisode du bus et je me dit que cette fille est la cause de ce changement.... Que faire ?