Noir

Le 26/06/2004
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par Nagash
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Thèmes / Obscur / Propagande nihiliste
Des phrases de trois kilomètres de long, une progression à base d'hallucinations, de l'abus sur les champs lexicaux de la souffrance et de l'organisme, un style alambiqué et un poil prétentieux, si j'avais un frère d'écriture, ce serait Nagash ! Le narrateur plonge dans le passé de l'humanité, revit une série de scènes historiques sanglantes et aboutit à la découverte d'une vérité ultime et amère.
Creuser.. encore.. encore, encore et toujours.. Sans trêve, sans rêves.. Au bord de l’évanouissement.. La douleur suraiguë de mes articulations vibrait dans les tréfonds de mon être brisé. Au point de me faire oublier le sang qui coulait indéfiniment de mes mains meurtries, au point de porter mon esprit jusqu’à cette frontière où les cyniques entités se perdent dans l’obscurité des gouffres de l’oubli. Ma psyché se mit à tourner comme une toupie .Mes globes oculaires se retournèrent dans leur orbite me présentant la vision de mes propres ténèbres.. quelque chose prit forme dans ce noir.. un couloir s’étendant à l’infini, parsemé de portes. D’un pas tremblant j’avançais dans ce corridor, les multiples portes défilaient de chaque côté de ma trajectoire inconsciente.. Ma main se posa sur la poignée de l’une d’elle, « pourquoi celle ci plus qu’une autre ? »Me demanderez vous..Probablement les impénétrables caprices du hasard . La porte s’ouvrit sur une brume, j’y pénétrais tandis qu’au bout une lumière grandissait, jusqu’à me recouvrir.. Où suis je ?

..Une steppe, un sol poussiéreux clouté de quelques végétaux éparses, un soleil brûlant, pas un souffle d'air. Un vieil arbre tordu et sec semble agoniser au milieu de ce paysage désertique, et à quelques mètres de là trois créatures réunies en cercle. Elles sont petites et courbées, l'une d'elle tient une baguette entre ses mains et la frotte.. encore.. encore.. inlassablement.. jusqu'à ce que la fumée apparaisse, puis les créatures se mettent à crier et à sautiller autour de la flamme, nouvelle née.. première lueur d'une histoire. La flamme devient grande, beaucoup plus grande, elle devient gigantesque, les créatures apeurées s'enfuient. Le vent souverain s'est levé et donne encore plus de vigueur au feu, qui devient brasier, tout devient rouge autour de moi, il fait chaud, la sueur coule le long de mon dos. Je suis encerclé par le feu, je n'y vois plus rien, la fumée noire qui s'échappe des flammes m'entoure, m'emprisonne en elle, je vais étouffer...

La fumée se dissipe, où suis-je?Au paradis?..Ou en enfer?
J'ouvre les yeux, je suis allongé sur un sable brûlant, autour de moi des milliers de personnes sont regroupées derrière des tribunes placée en cercle.. une arène...Elles hurlent toutes ,aussi déchaînées que moi je suis enchaîné..
Un homme à fière allure semble être à part de la masse, il a une couronne de laurier autour de la tête. Il me regarde fixement et un sourire acéré de perversité apparaît sur son visage..
Un homme s'approche de moi,sa peau noire luit de peur, il est lui aussi enchaîné. Il tient dans sa main un fléau qu'il fait machinalement tournoyer autour de sa tête, comme si il n'était qu'un pantin. Obligé de me tuer pour prolonger sa vie de quelques jours, il se précipite vers moi en hurlant. Mon poing serre de toutes ses forces ma masse d'arme, son fléau frôle ma joue y gravant une profonde entaille. Je le frappe instinctivement ,ses os craquent, son sang gicle sur mon visage.Son corps tombe, les fils du pantin sont coupés..
Je me mets à genoux près de lui et m'écroule sur son corps, les gens hurlent autour, je ne les entends plus, je ne vois plus que sa peau noire, tout est noir..

Noir..oui noir comme une marée humaine se dirigeant vers les portes de la ville. Ils sont armés d’épées et de boucliers, une croix rouge orne leurs habits.. le rouge ne se contente pas de marhqer leurs habits de la foi, il ne tarde pas à apparaître également sur le blanc de leurs armes. La marée humaine déverse vite son flot bilieux dans les rues de la cité, déchargeant sa rage sans limites. Des femmes violées et massacrées sans pitié, des enfants découpés en une furie jouissive .. Une armée d’assoiffés de sang et de richesses se déverse dans les artères de la cité exterminant tout sur son passage. Mes pieds stagnent dans des ruisseaux de sang qui coulent interminablement le long des ruelles, juste freinés par des combats acharnés et par quelques membres éparses ..Pourquoi ?Pourquoi de tels massacres ? Pourtant le souffle de la rumeur m’avait rapporté que le Dieu de l’Occident était un Dieu d’Amour.. J’allais me réfugier dans la cave d’une demeure.. J’entends quelqu’un descendre les escaliers.. une ombre traverse la seule parcelle de lumière qui se présentait à ma vue.. Mon regard se perd dans l’ombre en attente du verdict du glaive…

L'obscurité se dissipe pour laisser place à un plafond orné de sombres et majestueux tableaux. Je me lève du lit à baldaquin et descend un étroit escalier menant à une grande salle à manger.
Des victuailles y sont exhibées, du pain en abondance, quelques agneaux rôtis se prélassent sur la table, un serviteur approche un énorme plateau de fromage. Tout un tas de fruits languissent au milieu de cette pièce bercée par la musique d'un luth: amandes, figues, raisins.. Le vin coule à flot, des cracheurs de feu et des danseurs exhibent leur talents tout autour de moi. Je porte à ma bouche ma coupe de vin, j'en bois une longue rasade.. je sens la saveur exquise de cet élixir couler dans mon corps.. une légère chaleur envahit mes artères et réchauffe mon cœur ..l’ivresse semble me monter à la tête jusqu’à ce qu’une douleur suraiguë me saisisse les tripes, je suis pris de spasmes, je ne peux plus respirer.. tout ce décor virevolte en une macabre valse.. poison...je m'écroule sur la table, la coupe se renverse.Le vin coule, envahissant mon visage, et voilant une fois de plus ma vue de la noirceur de l'existence...

Le noir devient gris.. le gris des pavés. Je me retrouve directement sur une place publique. Beaucoup de gens, quelques uns armés de fusils et de canons, mais ils n'ont rien de soldats. Une excitation palpable se promène dans l'air. La foule se déplace en un brouhaha, m'emportant avec elle. Il me faut peu de temps pour voir se dresser devant moi une sorte de forteresse..
Un coup de feu retentit, suivi de plusieurs autres.. la masse est prise d'une fureur imparable. Les canons des manifestants de braquent sur les tours de la prison. La foule pénètre dans les cours intérieures, saccageant tout sur son passage tel un impitoyable cyclone humain. Des coups de feu, des cris, des cadavres par ci par là, des clefs qui s'enfoncent dans des serrures, des geôles qui s'ouvrent, début d'une libération. Liberté illusoire?
Des têtes au bout de piques.. et une fumée noire qui s'échappe de la battisse...

La fumée noire est toujours là, mais le décor semble avoir changé. La chaleur estivale a laissé place à la froideur de l'hiver.
De longues cheminées.. une fumée noire dans le ciel qui contraste avec la blancheur du sol enneigé.. quelques individus habillés de ternes haillons sont placés en ligne.. l'atmosphère est envahie d'un odeur de chair calcinée. Un homme en uniforme fait l'appel.. cela dure des heures, les échos du froid se répercutent jusqu'à mes os, je ne peux pas m'empêcher de trembler de froid.. et de peur.
Un homme ,encore plus maigre que les autres s'écroule ,évanoui d'épuisement. L'homme en uniforme sort son arme et ,sans autre forme de procès, lui met une balle dans la tête.
Son regard croise le mien. .il s'approche de moi, me hurle des mots que je ne comprend pas il pointe son pistolet vers moi, je vois le canon.. mon regard se perd dans la noirceur du canon.. celui de la mort...

Mes yeux sont toujours plongés dans la noirceur, mais cette fois c'est celle d'un café dans un petit gobelet en carton.
Je suis à un étage élevé d'une tour ,une paperasse sur un bureau qui m'attend, je me sens serré dans mon costume gris. Je vois tous ces regards, neutres, presque vides, leur peau à l'instar de l'esclave noir suinte le stress.. encore une arène?Mais la chaîne n'est plus à mon pied mais à mon cou ,elle n'est plus en fer mais en soie...
Le boss qui arrive, lui aussi a un regard vide.. un regard de carnassier...
Je regarde par la fenêtre la ville qui s'étend en bas à perte de vue, une journée ensoleillée. Mais d'un coup le soleil semble disparaître des bureaux, une ombre gigantesque parcoure le sol, glisse sur les documents, l'ombre de quoi?Celle d'un avion qui, en messager fanatique,se dirige tout droit vers moi.Les vitres volent en éclat, une monumentale explosion hurle dans la ville. Le ciel est voilé de poussière.. décor apocalyptique.. un ciel noir...

Une larme céleste s’écrasant sur ma peau brûlante m’extirpa de mes pensées pour me ramener face à cette terre noire et grasse que je violais depuis des jours, creusant sans cesse en quête de quelques trésors de vérité. Ma pioche maltraitée se brisa, je continuais à creuser de mes mains sanguinolentes.Mon esprit était sans cesse harcelé par les souvenirs dantesques des défunts qui habitaient cette nécropole géante.Cité mortuaire s’étendant à perte de vue, ultime vestige d’une humanité destructrice.. Le ciel se mit à ruisseler de tristesse.En mimes du destin, mes yeux furent inondés de vagues lacrymales, troublant ma vue en une coulée de larmes.. Tandis que je creusais encore.. encore et encore.. en quête de cette main céleste qui, d’un doigt gracile, m’avait indiqué dans mes songes les plus secrets,le Pourquoi.. Mes doigts frôlèrent alors quelque chose de lisse..un coffre ?Une boite de Pandore ?
Non.. juste un miroir.. Je le déterrais...tout ça pour ça ?Pour me voir ?Pour juger de mon apparence après avoir vu l’humain et son histoire meurtrière?Je regardais mon reflet que je n’avais pas vu depuis des mois, épuisé, barbu, ridé..une larme s'écrasa sur le verre..c’était donc ça l’ultime visage de l’humanité ?Puis les larmes laissèrent place à un sourire.Le sourire devint alors rires tandis que le ciel se brisait d’éclairs et hurlait de tonnerres ..Et mon œil se plongea dans le noir de la pupille qui se présentait sans pudeur à moi.. et en elle je vis défiler le passé, le présent et le futur. Le bonheur et le malheur se massacrèrent sans pitié dans les couloirs de mes ressentis.
D’un coup de poing je brisais ce miroir.. j’ en pris l’un des morceaux tranchant, le fis danser sur ma peau avec douceur, le froid du verre me caressait avec la grâce de la plus expérimentée des maîtresses ..le sourire aux lèvres je lui indiquais l’entrée pour pénétrer le sentier sinueux de mes veines. Le sang se mit à couler à flot.. jusqu’à ce que mes yeux se révulsent à nouveau.. jusqu’à ce que la flamme s’éteigne.. jusqu’à ce que l’Homme s’efface.. à jamais..