Bible du néant 9

Le 10/08/2004
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par nihil
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Rubriques / La bible du néant
Après un an d'absence, la Bible du Néant, la rubrique de la subversion psychopathologique a un peu changé. Moins grandiloquente et moins tournée vers l'introspection haineuse, elle se tourne quelque peu vers le sarcasme et examine les moyens de faire chuter un système sur un ton par moments presque plaisant. C'est un autre aspect qui diversifie un peu le créneau.
Je suis le Dieu de mon micro-univers.
Composé de milliards de cellules organisées interagissant entre elles, je suis moi-même une cellule contribuant au bon fonctionnement global d’un système. Sous-système d’un sous-système d’un sous-système. Intégré dans des réseaux structurés en perpétuel mouvement, je suis un ensemble autant qu’une partie. Comme toute cellule, je dépends du système auquel j’appartiens, il m’entretient tout comme je l’entretiens. Je suis spécialisé dans une micro-tâche que j’accomplis à la perfection, jour après jour, pour la bonne marche du sous-ensemble dont je fais partie, lui-même essentiel à la survie de l’ensemble supérieur. Notre rôle est de limiter l’extension permanente du chaos en maintenant la cohésion et l’ordre entre les différentes cellules administratives ou fonctionnelles du système. Comme toute sous-partie je suis entièrement remplaçable ou dispensable mais j’ai autant d’importance que n’importe quelle autre sous-partie.

Ceci est un appel à l’immobilisme, à l’isolement, à l’enfermement. Entends-moi et désespère. L’altération d’un système ne peut être rendue possible que par l’arrêt en cascade d’une multitude de sous-ensembles, déclenché par la synergie subite de nombreuses conditions requises. Le chaos et l’ordre, le chaos et l’ordre, le chaos et l’ordre. L’effondrement global n’est possible que si de nombreuses sous-ensembles interconnectés, nécessaires au bon fonctionnement des organes vitaux de l’ensemble, se mettent hors-service simultanément, de manière concertée. Entends-moi et désespère. C’est à ce prix seulement que l’équilibre basculera et que le système se mettra à genoux.

Mais les barricades tombent les unes après les autres.
Mais le système s’asphyxie, cellule après cellule.
Mais les coupe-circuits disjonctent en cascade.
Et la colère gronde. Entends-moi et désespère.

Au fond d’abîmes électrifiés d’une sublime noirceur, au creux de cercles pétrifiés d’immeubles sans sommet, au sein de ces masses animales désorientées dans la tempête, je manquai m’effondrer et choisir l’abandon d’une vie vide de sens. C’est alors que d’entre les décombres de ma vie emplie d’une indicible misère morale je vis les cieux s’ouvrir. Et je rongeai mon chapelet usé de pêcheur immémorial devant la grâce terrifiante.

Et le vent glacé qui s’engouffre en moi a un goût de sang.

Vides. Plus d’émotions, plus de larmes, plus de joies ou de colère, nous ne sommes plus que vide, et notre intérieur n’est plus empli que de cendre. Nous ne pouvons plus qu’attendre de tout notre être la dernière ligne droite, qui n’arrivera jamais.
Car rien n’a jamais de fin.
Nous ne pouvons plus que nous agenouiller, nous effondrer, tous, dans un repentir de circonstance et prier avec une ferveur non-feinte une entité dont nous savons pertinemment l’inexistence. Nous ne souhaitons plus l’aide de quiconque, hormis de ce vide primordial qui nous sert de conscience et de personnalité.