Néo-Inquisition 06

Le 11/11/2004
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par nihil
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Rubriques / Néo-Inquisition
Néo-Inquisition touche à sa fin. Le narrateur se retrouve une nouvelle fois isolé et désemparé, mais il poursuit sa route sans tenir compte des embuches au milieu du chaos qui gagne peu à peu l'Hôpital-Prison. Comme dans toute bonne saga, on a droit au combat final, genre le boss de fin de niveau. C'est l'occasion pour quelques dernières révélations. Episode brutal, sombre et axé principalement sur la confusion générale qui se répand et le basculement de la société.
JOUR - 01


« L’intérêt n’est plus de s’autodétruire mais de se reconstruire aléatoirement avant même de s’être détruit. Dans l’anéantissement de toute fonction ne se trouve plus la volupté sacrée de l’indicible, seulement la modification au hasard de cette fonction, pour la vider de son utilité. Entends-moi et désespère. L’amputation sauvage d’une articulation n’équivaut plus la saveur suave de sa restructuration absurde artisanale. L’automutilation n’a plus de sens devant la dérivation stupide d’une artère sur une veine. »
Enseignements morphiniques - la chirurgie aléatoire 444A

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A mon réveil, j’étais pris dans une nasse chaude et suante de corps entassés. Mon champ de vision était bouché par une agglomération de membres, de masses adipeuses frémissantes, de têtes aux yeux fermés. Je ne pouvais pas bouger, écrasé par le poids des dormeurs empilés. Une vague de panique primaire me secoua et je me mis à me débattre. Il fallait que je sorte de là, que je trouve de l’air. Je me pressais contre des articulations enchevêtrées, m’empêtrais dans une forêt de bras malmenés, de thorax contusionnés, de jambes cassées. Je me battais contre une armée immobile qui m’étouffait sous son nombre, je suffoquais. Je cessai de chercher à retenir mes coups et me mis à briser des poignets, à déchirer des parties charnues, je lacérais et cisaillais de mes scalpels tout ce qui me barrait le passage.
Je réussis enfin à m’extraire de ce piège de chair, fourbu et couvert de sang.
Je me redressai difficilement et regardai autour de moi. La salle où nous étions était plongée dans la pénombre et résonnait d’un vrombissement de chaudière. De l’obscurité se détachait l’amoncellement blanchâtre de dormeurs dont je venais de me libérer, monstre à mille têtes et mille bras, mais il n’était pas le seul. Au fond de mon champ de vision apparaissaient d’autres entassements de fortune similaires. Des brancards poussés par des chirurgiens amenaient des dormeurs, encore et encore, et les balançaient sans ménagement au sol. Rien ne semblait pouvoir troubler le sommeil des esclaves, ni le bruit, ni les chocs, ni même leurs os brisés par l’entassement. Certains devaient déjà être morts dans leur sommeil à la base des amas, la cage thoracique enfoncée. Les autres respiraient calmement ou ronflaient légèrement.
Nous étions de toute évidence dans un charnier-forteresse réaménagé pour l’occasion pour son nouvel usage, le stockage de dormeurs potentiellement infectieux. On avait du me déplacer, moi aussi durant mon sommeil, jusque dans ce bunker mortuaire gardé par des militaires armés.
Des plaques de lueur maladive rampaient au sol, agitées de tressautements. En m’avançant peu à peu, j’aperçus une rangée impressionnante de fours crématoires énormes et noirs, reliés entre eux par d’épaisses canalisations de gaz. Devant ces monstres s’agitaient des fossoyeurs-traqueurs par dizaines, ils transportaient le corps des dormeurs sur des brancards et les poussaient les uns derrière les autres dans les flammes. La Néo-Inquisition cherchait désormais à éradiquer l’épidémie, de la manière la plus expéditive possible.

Où en est la situation. L’état psychique du Christ 0257-01 est alarmant. Nous allons devoir annuler l’expérience et mettre un terme à la menace que le sujet est devenu. Très bien, euthanasions-le, nous avons encore plusieurs Technochrists Ephémères dont la configuration messianique est satisfaisante et qui n’ont pas reçu les nodules d’empathie. Hélas la toxicité de l’aura du Christ 0257-01 s’est considérablement aggravée. Toute personne qui pénètre dans le caisson de plomb succombe immédiatement à un afflux énorme de radiations de type nucléaire dont nous sommes incapables de déterminer l’origine.Quelle solution doit être envisagée dans ces conditions. Comme nous ne savons pas si les Rêveurs sont immunisés ou non contre les radiations du Technochrist, il faut les empêcher à tout prix d’arriver jusqu’au caisson et de disposer du corps du Christ à leur guise. Nous allons donc devoir protéger les abords du caisson d’isolation en attendant la date de péremption du sujet. Nous devrons tenir, si les fossoyeurs-traqueurs laissent passer des Rêveurs, nous courrons à la catastrophe. Le barrage est bien en place, tous les rêveurs subissent l’overdose sanctifiée. Ils ne se défendent pas. Non, ils ne se défendent pas.

J’étais devenu sourd et aveugle. La chaude présence du Christ avait disparu, son rayonnement n’était plus qu’un souvenir. J’étais seul, abandonné entre ces monceaux de corps exsangues. Je me lamentai et demandai au sol de s’ouvrir sous moi pour m’engloutir. Ma vie avait perdu tout son sens. La substance qu’on m’avait injecté n’avait pas pu me rendre aux bras du sommeil permanent, mais elle m’avait coupé du Christ. On m’avait retiré tout ce pour quoi je m’étais battu encore et encore. Je n’avais plus qu’à rester ici et me laisser porter dans les flammes par les fossoyeurs. Je me laissais glisser à terre, la tête enfouie dans les bras, secoué de sanglots.


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Je me relevai après des heures et des heures passées à me morfondre. Je titubai, au bord de l’inanition.
Ma vie avait un sens. Je devais en être convaincu. Ce n’était pas parce que je n’entendais plus le Christ qu’il n’existait pas. J’avais la foi et elle me maintiendrait en vie. Je ne me laisserais pas ainsi exclure de la bataille qui germait sous l’exode des contaminés, je tâtonnerais dans l’obscurité jusqu’à trouver ma voie. Je ne comprenais pas ce qui se passait, je n’étais qu’un pion jeté dans un jeu qui le dépassait, un pantin dans la tourmente de l’Histoire, mais tant que je vivrais, mon bras serait au service du Technochrist. Je frapperais fort et vite, en son nom.

J’avançais entre les décombres et c’était comme si les corps se rejetaient doucement de ma route comme les eaux devant l’étrave d’un navire. J’avais l’impression d’avoir été investi d’une partie du pouvoir christique, j’étais ivre d’une puissance imaginaire. Je voyais les obstacles tomber devant moi, j’étais le prophète pathologique devant qui les hommes se mettraient à genoux. Je brûlais d’une colère renouvelée, rien ne m’arrêterait plus. Rien, ni portes, ni murs ne m’empêcherait de rejoindre mon maître. Je m’avançai vers les fossoyeurs-traqueurs comme si ils n’existaient pas. Lorsqu’ils se tournèrent vers moi, je fauchai l’air de mes scalpels et ils s’abattirent sans un mot. J’abandonnai ce charnier-forteresse dans lequel on avait tenté de m’enfermer, sans me retourner, et je repris mon pèlerinage insensé.

Que personne ne se mette jamais en travers de ma route. Ceci est un ordre.

Sur les tables d’opérations, les dormeurs mourraient en série sous les coups des chirurgiens déréglés. Ils s’acharnaient, répétaient inlassablement leur procédure obsolète, pratiquaient des actes chirurgicaux inadaptés et destructeurs encore et encore. Ils incisaient et suturaient, et incisaient et suturaient encore, des heures durant jusqu’à ce que l’organisme du patient soit totalement bousillé. D’autres chirurgiens s’entre-égorgeaient consciencieusement, pris d’une frénésie sacrificielle. Le monde entier était devenu fou, suivant le Christ dans sa pathologie délirante.

Bien.
Puisqu’il nous faut réagir… Vous dépêcherez notre frère l’Inquisiteur Harfang Sombrecendre, et lui adjoindrez deux commandos de fossoyeurs-traqueurs. Ce sont ce que nous avons de plus proche de soldats d’élite. Et puisque frère Harfang est celui qui avait entrepris l’éducation du prêtre-chirurgien 9906-14 avant d’être rappelé pour les expérimentations messianiques, il est le plus désigné pour prendre en charge l’opération.



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J’arrivai enfin aux abords du caisson d’isolation du Technochrist. Un lourd sas de plomb rond était vissé au bas d’une cyclopéenne façade noire, on y accédait par une volée d’escaliers flanqués de statues à demi-détruites. Des dizaines de dormeurs jonchaient les marches, tombés à quelques pas de leur destination. Des brancards grinçants évacuaient peu à peu ces contaminés qui avaient du réussir à déborder les barrages de la Néo-Inquisition.
J’avançais lentement, marche après marche, enjambant les corps endormis. En haut de l’escalier, j’aperçus une quinzaine de fossoyeurs-traqueurs qui montaient la garde. Ils ne m’avaient pas encore repéré.
Je fixai cette façade de plomb granuleux qui me séparait encore du Christ. Je la savais fine, infime, spectrale. Elle n’avait pu retenir les vagues de puissance atomique de notre sauveur, ni sa présence rayonnante qui était devenu en quelques semaines le point focal de l’Hôpital-Prison.
Je ne ressentais rien, pas la moindre inquiétude ou excitation dans mon âme, rien de rien. Tout était calme, on n’entendait que les grincements des roues des brancards, tirant lentement les dormeurs hors d’ici. Et mon cœur ne battait pas plus qu’à l’ordinaire, c’est comme si j’étais mort à l’intérieur. Je me sentais juste vaguement fatigué, j’avais l’impression d’avoir porté le poids de l’univers sur mes épaules ces derniers mois. Il était temps que tout ça s’achève, d’une manière ou d’une autre. Le monde entier ne demandait plus qu’à s’éteindre, et moi avec.

Les fossoyeurs-traqueurs remuaient, discutaient, faisaient les cent pas. Ils avaient toute leur conscience, c’étaient des Inquisiteurs formés pour le combat, des militaires, pas des chirurgiens. Ce surplus de vie, cette débauche de mouvements et de mots me dégoûta soudainement. Cette agitation vaine, insupportable, qui anéantissait la sérénité obscure, l’immobilité séculaire des lieux devait cesser. C’était la conscience l’hérésie, pas le Rêve. Et la Vie elle-même était une monstruosité sans nom, à détruire au plus vite. L’humanité n’accoucherait d’aucune espèce supérieure, elle n’était qu’une boursouflure stupide à la face de la planète. Elle refusait l’évidence en comatant en masse, mais ce n’était qu’une stupide reculade. Il fallait accepter l’éradication, entrer dans le grand Néant sans peur. Tout ce qui bougeait était appelé à s’immobiliser, tout ce qui brillait était appelé à s’éteindre. Tôt ou tard, il faudrait que le silence revienne, et qu’il soit définitif. Telle était la vérité, et ce devait être la seule et unique fonction du Technochrist. Le Christ n’était pas le Sauveur, mais le Destructeur Terminal, celui par qui toute la chienlit organique serait lavée, une bonne fois pour toutes. La Néo-Inquisition s’était fourvoyée et avait conçu elle-même l’arme atomique qui causerait sa perte.

Là-haut, un fossoyeur-traqueur en poussa un autre du coude et tendit le bras vers moi. Aussitôt l’escadron s’agita, les militaires sortirent leurs seringues à piston, et l’un d’eux avança de deux pas dans ma direction. Je continuais à avancer, ces fantômes ne me retiendraient pas.
Leur meneur porta les mains à son masque à gaz et le déboîta. C’était l’Inquisiteur qui avait pris en charge ma rééducation. Celui qui par son absence subite avait fait de moi un monstre handicapé. C’était à lui que je devais d’être ce que j’étais. Je reconnaissais ses traits durs, sa barbe finement taillée, son regard d’acier. Il leva la main lentement, et je souris sans m’arrêter.
- Bienvenue à toi, mon fils. Nous t’attendions. La nouvelle de ton arrivée est parvenue jusqu’à nous et nous tenions à t’accueillir dignement. Sois remercié de tout ce que tu as fait pour nous.
Même si j’avais su parler je n’aurais rien eu à répondre à ça, aussi je continuai d’avancer vers eux, d’un pas égal.
- Tu as bien travaillé et tout a fonctionné selon nos plans, et tu vas désormais pouvoir trouver le repos que tu mérites. Maintenant que ta mission est remplie, nous allons pouvoir poursuivre ton conditionnement, et une fois pour toutes t’épargner les souffrances qui te tourmentent depuis ton réveil. Nous sommes désolés de tout ce qui t’es arrivé, mais nous avions besoin de ce que tu nous as appris. Je suis fier de toi, tu sais.
Je secouais la tête doucement sans ralentir.
- Tu ne me crois pas ? Nous t’avons pourtant suivi tout au long de ton épopée et, crois-moi, elle satisfaisait pleinement nos ambitions, sinon nous t’aurions arrêté. Chaque instant nous étions derrière toi, nous t’observions, et nous n’avons jamais hésité à réorienter ta progression lorsque nous l’avons jugé nécessaire. Les nodules d’empathie du Technochrist ne fonctionnent pour le moment que sur les dormeurs, mais nous voulions savoir si ils pouvaient avoir un effet sur les dormeurs réveillés et les futurs chirurgiens, notamment dans le cas où leur conditionnement serait défaillant. C’est pour ça que la procédure de réveil n’a pas été suivie à la lettre, en ce qui te concerne. Toute cette affaire est un leurre. L’épidémie a contrarié nos plans, certes, mais elle est désormais contrecarrée, comme tu as pu le constater, et les prochains nodules seront parfaits. Les prochaines lignées de Technochrists seront très proches de ce que nous attendons de notre Sauveur, et nous pourrons fabriquer des Messies à la chaîne. La situation est sous notre contrôle. Le Technochrist n’a pas de pouvoirs réels, il se contente de partager ses angoisses et sa mémoire avec les dormeurs. Il ne peut rien faire d’autre que ce que nous voulons qu’il fasse. Ce n’est qu’un lobotomisé, une marionnette dont nous tirons les ficelles à chaque instant !
Je sentais les fossoyeurs-traqueurs de plus en plus nerveux au fur et à mesure que j’approchais, ils s’agitaient derrière l’Inquisiteur.
- Tu crois vraiment que ce pauvre automate trafiqué t’a sauvé des griffes de la mort quand tu t’es stupidement éventré dans les catacombes de Sainte-Hypnocodéine ? Quelle foutaise ! C’est moi-même qui t’ais remis sur pieds à la suite de ce malheureux épisode, tu entends ? Tu crois que le Christ utilise du fil de suture pour recoudre les âmes qu’il ressuscite ? Les anomalies n’existent pas, l’erreur est impossible car la Procédure est infaillible, tu m’entends ? Arrête-toi donc stupide machine !
J’étais maintenant trop près d’eux, et déterminé à passer qu’ils le veuillent ou non. J’avais fait mon choix et plus rien ne saurait le remettre en question. Ce pantin imbécile cherchait à me tromper : le Christ était en possession de bien d’autres pouvoirs. C’était lui qui m’avait ressuscité, je le savais. J’avais la foi.
Soudain un fossoyeur-traqueur tira l’Inquisiteur par l’épaule, et plusieurs des militaires se précipitèrent dans ma direction, leurs seringues en avant.
Je me rejetai en arrière pour éviter la charge, mais le plus rapide d’entre eux était déjà sur moi. Le choc m’envoya dix marches plus bas et je sentis une douleur sourde cisailler ma colonne vertébrale au niveau des reins. Déjà le fossoyeur s’apprêtait à me retomber dessus, mais cette fois j’étais prêt, et lorsque qu’il fut à mon niveau, je le reçus de toutes mes lames. Mes avant-bras s’enfoncèrent dans son abdomen et je vis avec satisfaction ses yeux s’écarquiller derrière le masque à gaz. Je rapprochai laborieusement mes poings à l’intérieur de lui, et les inclinai vers le haut. Et d’un coup brutal je les enfonçai au travers du diaphragme, dans la cage thoracique. Sa tête glissa vers l’arrière alors que je le tenais à bout de bras, empalé. Son agonie ne dura qu’une seconde. Déjà je laissais glisser son corps au sol pour accueillir ses frères.
Rapidement, cette lutte perdit tout son sens. Ces pauvres animaux suants et frétillants n’étaient pas de taille. Ils étaient trop vivants, trop inquiets, et leur stupide volonté de vivre leur faisait peser chacun de leurs gestes, alors que ma détermination était sans faille. Ils étaient faibles et lents, et je les abattais les uns après les autres, mécaniquement, sans grand effort. Leur contact me révulsait, ils étaient gluants, fiévreux, des foutus pourceaux au regard voilé par une peur intrinsèque. Ils venaient s’effondrer sur mes lames comme des pantins disloqués, ça n’avait aucun sens.

Nous avons déclenché quelque chose d’incontrôlable. Nous avons tenté de fabriquer un Messie artisanal, en l’opérant et en lui greffant des implants pour lui insuffler la puissance sacrée. Nous n’avons réussi qu’à faire renaître des puissances depuis longtemps endormies. La ruine plane désormais sur notre univers clos, menaçant de s’abattre. Il n’y a plus d’échappatoire. Nous avons déjà perdu la partie, nos lignées de Christs incomplets n’auront débouché que sur l’élévation d’un nouveau Léviathan, inconscient et dévastateur. Une puissance naturelle aussi incontrôlable qu’un cyclone. L’équilibre est rompu. Le chaos est en marche.

Là-haut, l’Inquisiteur avait reculé jusque contre le sas tandis que je réduisais ses hommes en charpie. Il était livide, il cherchait une issue du regard. Mes yeux restaient rivés sur lui tandis que j’en terminais avec les fossoyeurs.
Après m’être assuré que la vie avait définitivement quitté tous ces fantômes sans substance, je montai les quelques marches qui me séparaient encore de l’Inquisiteur. Celui-ci semblait avoir retrouvé sa contenance, il observait mon approche d’un œil froid.
- Très bien, je m’incline. Je ne suis pas de taille à t’empêcher d’avancer, et de tu ne m’écoutera pas. Je n’ai plus rien à t’opposer. Tu es le dernier survivant de l’exode et tu mérites de rejoindre celui qui t’a appelé tout ce temps. Ta supériorité sur tes compagnons de route, c’est ta conscience, mais tu as acquis ton avantage sur mes hommes grâce à ton conditionnement. Tu as été créé par erreur, je veux bien l’admettre, mais c’est grâce au hasard que sont créées les grandes choses. C’est ce en quoi je veux croire, et je me soumets à ta sentence.
Il posa un genou en terre devant moi et baissa la tête. La scène se figea de longues minutes.
J’élevai un scalpel, pointe vers le bas, au-dessus de sa nuque. Puis j’abattis mon arme, sans hésitation.

Le statut des expérimentations messianiques est catastrophique. Les Technochrists Ephémères ont maintenant tous été contaminés par la maladie du Rêve qui leur a été inoculée par le Christ 0257-01, dont la puissance pathogène s’accroît de jour en jour. Ils hurlent et se convulsent sans que l’on puisse les approcher. Leur synergie est effrayante, c’est comme une symphonie chantée synchrone en dix-sept points isolés de l’Hôpital-Prison. Leur puissance messianique se cumule de façon effrayante, provoquant des catastrophes totalement imprévues. Les prêtres-chirurgiens ne sont plus tenus par les Déités-Machines et atteignent un stade critique de dérèglement. Les patients que nous opérons ne cicatrisent plus, ils se vident de leur sang sur les tables, nous n’arrivons plus à les soigner. Nos opportunités de réaction se limitent d’heure en heure. Tout est en train de basculer.
Merci de votre attention.


Je tournais sur les marches parsemées de corps, comme un fauve en cage. Je brisai leur échine contre les statues ou tombait, genou en avant entre leurs épaules. Je détachai laborieusement leurs muscles des os, cassai les articulations de ces bâtards. Je labourai leurs traits de chiens indignes jusqu’à les rendre méconnaissables. Il fallait que je les démonte, pièce après pièce, que je les répande tout autour de moi. Je les dépeçai de mes lames et les éviscérai, j’ouvrai toutes leurs artères pour leur faire dégorger leur sang maudit sur ses marches poussiéreuses. Il fallait que je les démolisse, que je les réduise en miettes, qu’il ne reste rien d’eux. Je consacrai toute ma rage à la destruction de leur soma.

Procédure de démolition somatique. Préparation du matériel et de l’espace de travail.
L’ennemi est égorgé au cours de l’affrontement et de multiples incisions successives sont pratiquées sous le regard bienveillant de notre Seigneur le Christ Neurotoxique. Le corps est ligoté et pendu tête en bas. Le sang qui provient des artères carotides sectionnées est recueilli dans un récipient et bu. Les saintes incantations bestiales sont récitées. Le corps est éventré et les viscères arrachés. L’ennemi est détruit et anéanti. L’ennemi est détruit et anéanti. L’ennemi est détruit et anéanti.
Nettoyage de l’espace de travail.


J’avais franchi les dernières frontières, j’avais violé toutes les lois, et je me redressai, nu et couvert de sang dans ce théâtre de mort, enfin vierge de toute humanité. Je m’étais lavé dans le sang de ces porcs et j’étais né une seconde fois. J’étais le prophète-monstre et le dernier représentant des rêveurs. J’étais purifié de la souillure de la morale, enfin libéré des entraves de la conscience et j’avançai vers mon idole nucléaire.

Alerte générale. Les Déités-Machines ne répondent plus. Nous semblons être l’une des seules encore en état de marche, mais nous ne pourrons rien faire si nous sommes séparée de nos sœurs. La conscience collective de l’Hôpital-Prison a semble-t-il été elle-même contaminée par la maladie du Rêve. Les machines rêvent. Alerte générale.