Névrose

Le 01/01/2005
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par Kirunaa
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Thèmes / Obscur / Psychopathologique
Hypocondrie, détresse, insomnies, dépression, c'est tout le quotidien de l'Homme Moderne qui défile sous nos yeux. Ce texte n'a aucun sens, ni intrigue ni chute. Juste les angoisses incessantes d'un personnage perturbé, qui glisse d'une seconde à l'autre de la douce fantaisie à la psychopathologie plus effrayante. Et vice-versa.
Il est 23h. Je n’arrive pas à dormir. L’appartement est calme, j’entends l’horloge qui égrène les secondes, et je ressens au fond de moi une angoisse sourde qui refuse de me quitter. Comme une présence étrangère au creux de mon ventre.
Plus j’y pense et moins j’arrive à me souvenir si j’ai bien fermé la porte d’entrée… je pense que oui parce que je le fais toujours, mais je n’arrive pas à en être certaine. Et si je ne l’avais pas fermée à clef ? Et si elle était mal fermée et qu’elle s’ouvrait à cause d’un courant d’air ? C’est ridicule. Je la ferme tout le temps, et je l’aurais entendue si elle s’était ouverte. Non, c’est ridicule, je dois dormir.

En fait il est possible que je l’aie laissée ouverte, justement parce que je suis tellement habituée à la fermer… Il faut que j’en aie le cœur net. Je sais qu’elle est fermée, mais je vais quand même vérifier, sinon ça va m’empêcher de dormir. Je ne pourrai pas dormir si je ne vais pas vérifier.

Il est 8h15. J’ai bu mon café mais j’ai rien pu manger. J’ai l’estomac noué ce matin. Ca m’arrive souvent, il paraît que je suis trop stressée, et que c’est ça qui me donne des aigreurs d’estomac. Mais moi je sais que je suis pas stressée ! Je suis juste un peu angoissée parfois, quand je n’arrive pas à dormir.
Je prends mon sac et enfile mon manteau, il est temps d’embaucher. Je ferme ma porte d’entrée (consciemment ; c‘était quand même ridicule, le coup d‘hier soir…) et j’appelle l’ascenseur.
Et tout à coup je revois cette image d’un film où l’héroïne découvre un cadavre dans l’ascenseur. Il était bien ce film. En fait c’était le fils qui avait tué le père pour récupérer l’héritage.
Et s’il y avait un cadavre dans mon ascenseur ? Un voisin, massacré par un tueur pervers… je vois la lumière de la cabine qui se rapproche, je sais que quand les portes vont s’ouvrir, il y aura un macchabée qui me regardera. Il sera pendu au plafond, sa chemise sera déchirée et maculée de sang. Il m’accusera de son regard mort et borgne, et son œil droit, arraché de l’orbite, pendra au bout du nerf, se balançant doucement après l’arrêt - toujours un peu sec - de la cabine. Je sens les battements de mon cœur qui s’accélèrent.
Le filet de lumière est remonté jusqu’au plafond les portes sont sur le point de s’ouvrir… J’inspire un grand coup, retiens mon souffle et ferme les yeux… Rien.
Je sélectionne le rez-de-chaussée, soulagée. C’est étonnant comme parfois on peu s’inquiéter d’un rien !

Il est 19h. La journée a été dure. J’ai vraiment cru que le bus allait finir en boite de conserve, partie intégrante du camion de devant suite à un épouvantable carambolage. Ce midi, il m’a semblé que la nourriture avait un goût étrange mais je n’ai pas été malade, donc finalement la viande ne devait pas être avariée. Enfin, je suis persuadée que l’écran de mon ordinateur fait des bruits étranges. J’ai vu plusieurs fois le moment où il allait exploser, me déchirant le visage de ses morceaux de verre pendant que quelques composants électroniques me transperçaient la tête pour clouer des morceaux de mon cerveau à la cloison, recouvrant les posters et les tableaux analytiques.
J’ai demandé à le faire changer mais le technicien m’a regardée bizarrement, me certifiant que tout était parfaitement normal. J’espère pour lui qu’il n’aura pas ma mort sur la conscience.

Il est 20h. Le soleil vient de se coucher, le four vient de sonner. J’ai un bon petit plat qui m’attends, je sais que je vais me régaler. Il y a un bon film à la télé ce soir, et rien de tel qu’un plateau repas devant un bon film ! Je m’installe devant l’écran et me prépare à profiter de cette soirée de calme. Ca fait du bien de temps en temps, le calme.

Il est 1h. Je n’arrive pas à dormir. L’appartement est calme, j’entends l’horloge qui égrène les secondes, et je ressens au fond de moi une angoisse sourde qui refuse de me quitter. Comme une présence étrangère au creux de mon ventre. Je sens que le plafond est prêt à tomber. Il va tomber et je vais mourir écrasée sous des tonnes de béton. Non c’est ridicule, je dois dormir.

En fait il est possible que le plafond commence à fatiguer, le bâtiment est tellement vieux ! Il faut que j’en aie le cœur net. Je sais qu’il est en parfait état, mais je vais quand même vérifier, sinon ça va m’empêcher de dormir. Je ne pourrai pas dormir si je ne vérifie pas…