Rêve : abandon

Le 25/02/2005
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par Aka
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Dossiers / Rêve
Le dossier Rêve inspire pas mal de monde, et c'est au tour d'Aka de se lancer. Le texte commence assez mal, c'est du pur onirique : incohérent, imprécis, déstabilisant. Mais peu à peu les choses se mettent en place, une forme d'intrigue apparait et la tension se met à bien monter. Les scènes et les dialogues se mêlent de symboles psychanalytiques et dérapent dans la violence jusqu'à la chute laconique et terrible.
On est en voiture.
Dans la suite logique d’un rêve que j’ai fait juste avant, il me semble qu’on revient d’un garage et qu’on a fait une halte dans un restau entre temps. Je trouve la configuration dans la voiture assez étrange : c’est toi qui conduis mais tu es à la place du passager (maintenant que j’y pense, c’est la place du mort). Moi je suis à l’arrière. Je trouve ça bizarre de ne pas être assise à côté de toi, surtout que c’est moi qui suis censée conduire : tu as bu une bouteille de vin à table alors que je n’ai bu que de l’eau. L’ambiance est tendue entre nous. C’est moi qui t’indique la route, tu ne connais pas le chemin. Je te dis de tourner à droite mais tu tournes trop tôt. Je t’indique que c’est à la prochaine, donc tu piles mais tu loupes la bonne sortie. Je te le fais remarquer et tu t’énerves. Tu dis que c’est de ma faute, que je ne sers décidément à rien, que je ne suis même pas capable d’indiquer une route. Je commence à bouillir mais je ne dis rien. Je suis vraiment frustrée de ne pas réussir à me faire comprendre à temps. Je n’arrive plus à savoir si c’est de ma faute ou pas.

On arrive. Je reconnais l’ancien appartement de ma mère, apparemment c’est chez nous le temps de se rêve. On se gare sur le parking qui longe le canal. Un mec arrive, se plante devant moi et dit qu’il me reconnaît. Ca me gène, je lui explique que je ne suis qu’une voisine, et encore éloignée et qu’il n’a pas à s’emporter comme ça. Je sens que c’est le genre de truc qui pourrait t’énerver. Je coupe court à la conversation et j’avance en direction de l’immeuble en te devançant.

Au loin je vois un attroupement de flics autour d’une voiture. J’ai tout de suite le pressentiment que c’est à cause de mon père qu’ils sont là. En effet, mon père est au milieu du groupe. Il porte un costume étrange, noir et blanc, un képi, on dirait un costume nazi. Il tient un fusil à pompe dans la main. Il est bourré. Tout le monde me semble beaucoup trop grand. Le coffre de la voiture est ouvert : j’aperçois ma belle-mère dedans. Elle a les mains liées et se relève péniblement. Elle est donc vivante, juste sonnée. Je sais à ce moment là que mon père, dans son délire, est venu l’exécuter devant moi pour me faire plaisir.

Je m’avance au milieu du groupe et lui dis : « Putain, j’étais sure que t’allais faire ça ». Les flics s’agitent, mon père me fait les gros yeux. Avec ce que j’ai dit, ils ont compris qu’il y avait préméditation, j’ai donc fait une gaffe. Je cherche à me rattraper mais pars sur autre chose. Je lui parle de son boulot, qu’il n’a pas le droit de faire des conneries.

Je me tourne vers toi en te disant de rentrer à la maison, j’ai peur qu’il t’arrive quelque chose. Tu me regardes avec haine et scrute mon père de la tête aux pieds en disant : « Ca c’est clair que je rentre, j’ai pas de temps à perdre ici ». Avec tout ce qui s’est passé avant, et le mépris que tu affiches envers mon père, je me vexe et pète un plomb. J’ai l’impression qu’à travers lui, c’est moi que tu juges. Une rage que je n’ai jamais ressentie auparavant jaillie sans que je puisse la contrôler. Je tourne le dos à mon père et je commence à t’insulter de connard et de fils de pute en hurlant. Tu ne te retournes même pas.

Au moment où je dis ces mots, je prends conscience que je suis en train de m’énerver après toi alors qu’il porte une arme : il va forcément vouloir te tuer vu qu’il ne supporte pas que qui que ce soit me fasse du mal ou, plus simplement, me manque de respect. En effet, je me retourne vers lui et il a braqué son fusil. Je pose ma main devant le canon et lui dis : « Si tu fais ça… ». Je sais que d’habitude je suis la seule à pouvoir le canaliser. Je sais qu’il ne me ferait pas souffrir pour tout l’or du monde. Il me coupe la parole : « T’inquiète pas, je voulais juste faire semblant de te tirer dans le doigt ». Mais je vois le bout du canon fumer…

Je me retourne. Tu t’écroules. Il t’a tiré une balle dans la bouche. Tellement précis qu’on a l’impression que c’est toi qui te l’ai tirée. J’essaye de comprendre comment il a pu te toucher sans m’exploser la main. Je me retourne vers mon père, il a le sourire. Je deviens folle et hurle à l’attention des flics : « tuez-le, mais putain tuez-le » sans pouvoir m’arrêter. Ils ne réagissent pas. Mon père a retourné le canon dans sa bouche. Je réalise que tout ça, il l’a voulu depuis le début. Je ne comprends pas : jusqu’alors j’avais toujours réussi à la canaliser et là il m’a fait du mal et il a encore le sourire. Il m’a trahi, tu m’as trahis, tu es mort. Je perds complètement la raison, je le ressens. J’ai tout perdu. Il a le doigt sur le gâchette mais je m’empresse de poser le mien aussi : il faut que ça soit moi qui le tue.

J’appuie en vain : il n’y a plus de balle dans le chargeur.