Surfaces (1)

Le 07/03/2005
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par Konsstrukt
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Rubriques / Surfaces
Les épisodes de cette nouvelle rubrique peuvent se lire séparément ou ensemble. Ici l'histoire d'une détresse sans fond qui germe au cœur d’un quotidien écrasant et qui pousse le personnage dans la folie. Le style est précis et laconique, très dépouillé. On a droit qu’à la phase terminale de ce processus, la plus dure.
J’éteins mon réveil avant qu’il ne sonne. J’essuie mes larmes.
Le plafond est gris. Sa couleur normale est blanche ; c’est à cause de la pénombre qu’il paraît gris. Il est encore tôt. Je crois. Je regarde le réveil. Il est 6 :57. Les chiffres lumineux du réveil éclairent mon visage. Ca m’emmerde. Je débranche. J’ai encore envie de pleurer. Je me retiens. Je me sens seul. Je ne comprends pas. Je me lève. Je regarde mon corps. . J’ai quarante-deux ans. Mon corps est mou. J’ai un gros ventre. J’ai une bite flasque. J’ai des ongles sales. C’est à cause de mon travail. Je passe beaucoup de temps dehors. Je suis fatigué mais je n’ai pas sommeil. Je me sens seul je ne sais pas pourquoi. J’ai l’impression d’un ratage énorme. Inouï. J’ai envie de parler à quelqu’un quelqu’un qui ne soit pas ce connard d’enculé de la radio. C’est stupide cette envie. Je ne suis pas sorti la nuit dernière. Pas de loisir. Pas de loisir plus pour moi. Plus rien. Juste que les gens mes voisins ou n’importe qui d’autre m’écoutent. Juste ça rien d’autre. Je m’habille je sors dans le couloir.
Je suis devant une porte. Je ne sais pas ce qu’il y a de l’autre côté. Je ne sais pas quoi faire. Je veux parler à quelqu’un. Je crie. J’ai honte de ma voix dans le vide de ce couloir alors je me tais. Et puis l’envie est trop forte alors je recommence mais la honte est encore plus grande alors je me tais. J’ai une idée. Je donne des coups de poing contre la porte. Plus fort et je n’ai pas honte et je crie de toutes mes forces. Quelqu’un ouvre la porte. C’est un homme de mon âge. Il me regarde avec indifférence. Je lui dis j’ai envie de parler j’ai envie de parler aidez-moi. Il me frappe sèchement au ventre. Il a l’air paniqué. Je crie je le repousse à l’intérieur chez lui il referme la porte d’un coup sec. Je reprends mon souffle. Je retourne chez moi. J’ai mal à l’estomac.
J’ouvre une fenêtre. Je regarde en bas. J’appelle. A l’aide. Il n’y a personne. J’enjambe la fenêtre. Mon cœur bat trop fort. L’autre jambe passe. Je suis assis au bord. Je ne me retiens plus. Je n’ai plus honte. Je pleure. Je saute. Je tombe. Ma tête en premier. J’ai froid. Je n’ai pas le temps de penser à grand-chose. Je n’aime pas cette vie et c’est tout et puis je suis mort.