Fantasmes

Le 14/03/2005
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par Aka
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Thèmes / Obscur / Triste
De l'amerture en barre pour ce petit texte désabusé et triste, qui fait un premier bilan sur une vie déjà bien trop conforme pour être passionnante, qui liste toutes les occasions manquées et les nouvelles expériences déjà hors de portée. Vingt-trois ans, le début du troisième âge.
Je pense que j’aurais aimé être tout le monde sauf moi. Je pense même que j’aurais préféré être à ta place, sûrement juste par curiosité. Non pas que je ne m’aime pas ou que ma vie ne soit pas intéressante, loin de là. Je m’aime, je suis même sans aucun doute supérieure à toi, c’est juste qu’on ne m’a pas encore reconnue à ma juste valeur.
Ma vie ? Ca va merci. J’ai la tune, juste ce qu’il faut, j’ai l’appart’, j’ai les potes, j’ai Le mec, j’ai un bel avenir tout tracé professionnellement. Et sinon ? On se fait chier non ? Parce que c’est bien mignon tout ça, mais ça ne fait pas une vie hors du commun. Ca ne fait pas une vie qui vaut la peine d’être vécue. Ca fait la vie de Monsieur Toutlemonde, ni plus, ni moins. Et moi, justement, je l’emmerde Monsieur Toutlemonde.

J’aurais aimé aller jusqu’au bout, au-delà des limites. J’aurais aimé être mince, j’aurais aimé être belle, non, j’aurais aimé être baisable. J’aurais aimé être drôle. J’aurais aimé écrire des romans à la pelle. J’aurais aimé savoir jouer de la guitare, j’aurais aimé pouvoir chanter, avoir un don inné pour ça. J’aurais aimé passer mes soirées dans des pubs glauques à jouer de la musique et à crier ce que je suis devant toute la lie de la société, leurs yeux braqués sur moi, leur esprit ravagé par le désir. J’aurais aimé être reconnue, pour ce que je fais et surtout pour ce que je suis. J’aurais aimé être controversée. J’aurais aimé qu’on me crache dessus, qu’on vomisse sur mon art. J’aurais aimé que toutes les femmes m’envient. J’aurais aimé être un homme aussi.
J’aurais aimé goûter toutes les drogues jusqu’à en crever. J’aurais aimé baiser avec une femme, connaître les partouzes. J’aurais aimé sucer tellement de bites que je ne m’en serais pas rappelé le quart. J’aurais aimé me faire retourner par un inconnu dans une boite quelconque. J’aurais aimé que le sexe ne soit qu’un passe-temps parmi d’autres. J’aurais aimé tout obtenir par un mouvement du bassin ou trois mots alignés sur une page. J’aurais aimé que tous mes excès soient idolâtrés.
J’aurais aimé modifier mon corps à coup de piercing et de tatouages, pourquoi pas à coup d’automutilation aussi, ça aurait bien collé au personnage. J’aurais aimé sombrer dans la déchéance encore plus profondément que ce que j’ai pu en voir, et ce coup-ci ne pas en revenir. Et surtout, j’aurais aimé qu’on m’admire pour ça. J’aurais aimé mourir jeune et laisser le souvenir indélébile d’une vie bien remplie, originale, unique et d’une mort violente. J’aurais aimé m’en foutre de tout, ne pas avoir d’attaches, de respect pour des gens, des choses aussi futiles. J’aurais aimé regarder les gens de haut et qu’ils baissent les yeux sur mon passage, se retournant discrètement, happés par mon charisme. J’aurais aimé n’avoir aucun respect pour la vie et encore moins pour la mort.

Si tu savais putain tout ce que j’aurais aimé.

Pourquoi je ne le fais pas alors ? Mais parce que je suis comme toi, comme vous. J’y tiens à mon confort, à mes tunes, au respect de mes proches, à mon mec. Parce que la mort me fait peur, l’ivresse et l’absence de contrôle aussi. Parce que je ne suis pas celle sur laquelle on se retourne dans la rue, parce que mes écrits valent bien des millions d’autres, parce que mes envies sont les mêmes que tous les putains de frustrés qui m’entourent.

Parce que comme toi, je ne suis rien.