Surfaces (4)

Le 22/03/2005
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par Konsstrukt
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Rubriques / Surfaces
Atmosphère de plus en plus bizarre dans Surfaces, la frontière entre le contrôle et le pétage de plombs est maintenant largement franchie. On sombre en pleine violence et en pleine confusion, mais sans les débordements lyriques qu'on nous sert habituellement dans ces cas-là, c'est assez surprenant.
Je suis obligé de m’asseoir. J’ai trop chaud. Je me sens mal. Je déboutonne mon col. Je défais ma cravate. Je ne respire pas mieux pour autant. J’ai trop mangé ce matin. En face ce con me regarde comme si j’étais un ogre ou un truc comme ça.
Il fait chaud. Je suis de mauvais poil. J’ai du mal à respirer. Merde je suis trop vieux. Je suis presque à bout. Les nerfs en pelote. C’est rigolo cette expression. Je regarde ma montre. C’est une montre chronomètre. Je reprends conscience de mon revolver. Sa présence son poids qui tire ma main vers le bas. Les muscles de mon bras qui sont tendus pour compenser. En face de moi l’autre commence à pâlir sérieusement. Il grimace et se cramponne le ventre. J’espère qu’il ne va pas gerber dans mon bureau. Je lui dis ça. Je brandis mon canon sous son pif. Je l’agite pour donner de la force à mon propos. Il secoue la tête avec le peu d’énergie qu’il lui reste. Quel con. Ah oui le chronomètre. Je le consulte. Encore cinq heures à attendre. Il faut trop chaud. J’ouvre la fenêtre. Le bruit des voitures. C’est doux. Je me sens comme un type au bord de l’exil. A qui tout paraît à la fois familier beau et déjà nostalgique. Nostalgique par anticipation. Moi ce bruit me rappelle un sèche-cheveux. Bien sûr j’ai mes raisons. Je lui dis ça à l’autre. Il ne comprend pas. Allez maintenant c’est bon. Je l’abats. Il tombe de la chaise. Il y a du sang. C’est normal. Je tire encore trois quatre fois. Le bruit me rend à moitié sourd. Malgré la fenêtre ouverte la fumée me prend à la gorge. Chaque impact fait trembler le cadavre et couler plus de sang. On a peine à croire qu’un corps contient de telles quantités de sang. Il tressaute à chaque balle que je lui colle on dirait qu’il veut ramper fuir. Fuir vers où je me demande vu qu’il est mort. Moi j’ai encore plus chaud. Plus chaud que tout à l’heure. Mais ça va mieux. Je regarde le chronomètre. Encore cinq heures. Pour les minutes je sais pas trop je m’en fous un peu. Dans la pièce ça sent la poudre et le sang. Je vais à la fenêtre. Mon bureau se situe au vingt cinquième étage. Je lâche le revolver. Il tombe. Je regarde jusqu’au bout. En bas il défonce le toit d’une voiture et tire. La voiture roulait. Elle fait un brusque zigzag. Le conducteur a du perdre le contrôle. Ou alors il est mort. La voiture en percute une autre. D’ici ça ne fait presque pas de bruit. Je retourne à mon bureau. Le travail. Ah oui il y en a. Mais plus pour moi. Il y a un type de vingt ans ou une fille de vingt ans qui attend de me remplacer. Dans cinq heures. Et moi je ne sais pas moi. Pas envie de me suicider. Pas envie de leur simplifier la tâche. Qu’ils fassent donc ce qu’ils ont à faire. Qu’ils appliquent les procédures. Je m’en fous. Je n’ai pas envie de vivre de toute façon ni de mourir même. Ni d’obéir ni de me rebeller. Je m’en fous. D’ailleurs il paraît qu’il y en a qui ne meurent pas. Qu’ils en gardent pour les maîtres. Pour qu’ils s’amusent. Je retourne à la fenêtre. En bas ils se bastonnent. Le type à la voiture est bien mort. Je m’emmerde. Faut quand même qu’ils se dépêchent. Je regarde la montre. Ca va pas vite le temps. Pourtant je pensais qu’à la fin au moins qu’à la fin on s’emmerdait moins que ça accélérait un peu. Ben non.