La Zone
La Zone - Un peu de brute dans un monde de finesse
Publication de textes sombres, débiles, violents.
 
 

Tri séléctif : Titox

Démarré par nihil, Septembre 19, 2007, 17:30:45

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nihil

Les filles qui portent des sandales meurent prématurément
Posté le 13/08/2007
par Titox



Avertissement : A travers les lignes qui vont suivre, ainsi que dans celles à venir plus tard, vous allez tout bonnement assister à l'éclosion de mon génie. Merci.





J'ai été mordu...

Train 2934, entre deux villes, voici l'histoire de ma vie.

Je quittai mon Liban natal pour changer d'air. Pas exactement : c'est Flaubert de sa tombe qui, par les cheveux, m'a traîné jusqu'ici, rue de la demi-lune.

Les briques de cette maison nordique sont entassées comme mes jours. Je suis fatigué de toujours faire semblant d'être moi.

La campagne est belle. Il y règne une atmosphère de paix. C'est sûrement là où mon âme aimerait se reposer- on s'est concertés hier et on trouve que c'est un lieu spacieux et sujet aux courants d'air.

Toute à l'heure, j'ai appris que j'avais 27 ans. Une claque.

« 3 juin 2007 » a dit le contrôleur. « Périmé, votre titre de transport est périmé, monsieur »

Entre les rails du train tout le monde sait qu'il existe de camps de concentration jamais explorés.

Cet après-midi, j'avais compris que je ne pourrais jamais vivre avec une femme qui, d'une façon ou d'une autre, venait à me montrer ses orteils. Les orteils c'est la mort.

Le képi du contrôleur abrite la vacuité.

Hier, j'ai appelé mon ex. Je lui ai dit que je pensais à elle. Toujours. Elle m'a répondu : « Moi, jamais. » J'ai pleuré de tout mon cœur, pleuré comme ce n'est pas permis. Une mer, un océan de larmes. J'étais sur le point de l'atteindre quand elle s'est noyée.

J'essaie de dormir. Impossible : j'ai trop bu de coca. Mon âme est tendue comme un trampoline.

La voix-off du contrôleur n'a pas lieu d'être. Le contrôleur, en tant que tel, non plus.

Mon amie chinoise, inlassablement, me répète que je serai un grand écrivain. Moi, toujours je lui réponds :

- Mais non, à 27 ans on ne peut plus grandir. Pour les filles, cela s'arrête à 16 et chez les garçons, à 21, au plus tard.
- Hahahaha, qu'elle réplique.


Chaque jour, même itinéraire :
Effet-mer – Outrereve- Msn- Effet-mer- Msn.
Je pense que juste la mort pourrait mettre terme à une aliénation pareille.

Entre toi et moi, il y a moi.

J'ai dit à mon père que je souhaitais qu'il crève. Il a pleuré un bon coup avant de m'avouer que j'avais complètement raison. Par la même occasion j'ai appris que ma mère s'appelait Yolande. Toute la soirée je l'ai passée à prononcer son prénom en boucle. Résultat : je n'aime pas son prénom.

La lune est ronde dans la fenêtre.

Cette nuit j'ai rêvé ceci : je suis dans la rue, une inconnue vient à ma rencontre. Elle me tend un verre vide et me demande si je pourrais le lui remplir car elle meurt de soif. Je lui dis « pas de problème, je vous apporte ça ». Je monte à la maison. Trois jours après, découvrant le verre sur une table basse, je me rappelle que la bonne femme m'attend toujours en bas de chez moi.

Verser des larmes c'est comme verser de l'argent sauf que c'est moins cher.

Trois quart d'heure, c'est le temps que j'ai mis pour trouver une position décente pour m'endormir. J'ai opté pour celle de l'embryon. La buée sur les vitres est amniotique.

J'ai beaucoup d'humour, je trouve. C'est sûrement parce que, quelque part, je souffre.

Je souffre beaucoup, je trouve. C'est sûrement parce que, quelque part, je ne ris que très rarement.

Sylvie m'a dit que je serai un grand poète et qu'un jour, il y aurait une rue à mon nom.
Je lui ai dit :
- Mais non
- Si, si.
- Non.
- Si.
- Non.
- Si.
- Non.
- De quoi on parlait déjà ?
- Expldr.

Les arbres défilent comme des mannequins, à ce détail près qu'on ne les reverra jamais, les arbres.

- Tu connais l'arbre le plus célèbre ?
- Non, c'est quoi ?
- Naomi Campbell.


Juste au dessous de moi il y a un bruit, un sifflement. Les bombes sifflent-elles avant d'exploser ?
Trop tard.

On est rentrés dans ce resto chinois. « La Grande Muraille » qu'il s'appelle. Très original. Il n'y avait personne. Jusqu'à ce qu'une femme au yeux bridés- la serveuse ?- fasse apparition. « Bonjour » qu'on lui a dit. Elle n'a pas répondu. « On peut manger », on a demandé. « Pardon ??!! » elle s'est exclamée. « ON PEUT MANGER ? » « Bah installez-vous » qu'elle nous a fait. Quand elle est revenue pour nous remettre les cartes, on n'était plus là.

Mon reflet dans la fenêtre m'a crié que je serai plein d'asticots un de ces quatre. Alors j'ai fermé les yeux et me suis imaginé, sans grand effort, la sensation que l'on pourrait avoir quand on se brise le cou. Je crois que je l'ai juste. A voir.

Ces deux derniers jours, j'ai dessiné des femmes nues, des maisons en 3D et beaucoup, beaucoup de taureaux.

Je louche légèrement : dans un visage aux traits réguliers, cette douce anomalie trahit ma folie.

J'ai caché mon bassin par une chemise noire, sorti mon sexe et pensé à Johanna qui voulait toujours baiser quand on était encore ensemble. « Je suis à toi, toute entière. » qu'elle me disait. Je suis venu en moins d'une minute. Je pense que je préfère notre vie sexuelle d'aujourd'hui.

Johanna,
Parfois, les trains tanguent comme les bateaux.
Parfois, il est préférable de fermer les yeux pour voir plus clair.
Parfois, l'amour a une odeur douteuse.
Parfois, 3*5 font 15.
Parfois, j'ai envie de voler
Parfois, j'ai 27 ans
Parfois, je pense à toi souvent.
Parfois, la mort surgit quand on l'attend le plus.
Parfois, quand je suis dans une gare j'attends le moment où mes yeux rencontreraient les tiens.
Parfois, je pense que mon dernier souffle serait un rire de cochon.
Parfois, il y a une chose qui se brise en moi et c'est irrécupérable.
Parfois, je me rappelle qu'à un moment donné de mon existence, j'adorais les chats. Même si je les balançais du cinquième étage, ça n'empêchait pas. C'était aussi l'époque où, petits encore, je m'amusais à renverser la glace de mon frère cadet. Jamais je n'oublierai ce filet de bave qui se suspendait à sa bouche quand il chialait.

Chaque nuit, j'embrasse mes quatre doigts en guise d'affection pour ma famille, qui est loin : Joe, Fabien, Maman et Papa.

Chaque nuit, je me dis comment cela serait-il si je me casse le cou.

Cette nuit, je rentrerai à pieds, pour changer.



Trafiquant d'organes
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nihil

Le jour où j'ai donné ma vie aux chats
Posté le 16/12/2007
par Titox



07/11/2010.

Le pays est sans président, je suis sans femme. Je suis le pays.
Réveil sur la voix de maman, on veut régler le chauffage.
A travers la porte :
- Nom de chien, pourquoi tu ne m'as pas prévenu avant, maman ?
- Chéri, ce n'était pas prévu, justement.
- Il est quelle heure ?
- 10 heures.
- Eh merde.

Je m'extirpe du lit avec l'énergie d'un zombie. Direction cuisine pour le même rituel : nescafé, bananes au sucre enroulées dans le pain puis, le salon, pour la première clope du jour. Depuis deux jours je fume des Bond. Fini les Marlboro, ces saloperies m'arrachent la gorge ( des rumeurs stupides stipulent que le tabac des Marlboro libanaises est substitué par des feuilles de platane. )

Première taffe, premier dérangement, la servante :
- Monsieur, j'ai démarré votre ordinateur par mégarde, je voulais l'essuyer...
- « Ah laisse, pas la peine, je le fais avec un produit spécial et puis, t'inquiète, l'ordinateur est toujours en veille » que je la rassure avec un clin d'œil.

J'allume la télé : des ourang-outangs dansent. Je change de chaîne : une gazelle présente le journal. J'éteins. Je rallume. J'éteins. Je rallume. En gros plan, le visage d'un concitoyen au bord des larmes : « La bonbonne de gaz a augmenté de 15000 L.L en cinq mois !! Comment je vais faire moi ? Dites-moi ! COMMENT JE VAIS FAIRE MOIIIII !! »

Ma mère est dans la cuisine à discuter politique avec le mec du chauffage. Le mec du chauffage est un type costaud, bonnet avarié sur le crâne, braguette ouverte. Il parle fort, il parle trop. Manifestement, il a perdu son esprit : trois enfants à nourrir et des clients comme maman, ça va de soi.

Je change encore de chaîne. Sujet : « Le salon du livre, entre le commercial et le littéraire ». Une pute-poétesse est invitée pour tergiverser sur le statut de l'écrivain arabe.
« Tous les écrivains arabes, dit-elle, solennelle, souffrent du même syndrome : le manque de liberté ». Quant à la question « quel genre littéraire marche le mieux dans le monde arabe ? », elle nous apprend que les koweitiens ont une préférence pour le roman. La pute.

Aujourd'hui je change de psy. Un mâle. Ca rigole plus, les médocs s'imposent. La combine « enfance-malheur-blabla » ne marche plus. L'autre pute, la femelle, m'a raqué 500000 L.L. Cinq séances, au bout desquelles elle a conclu qu'on était encore très loin de la guérison. « Je dois vous connaître encore plus...Ce qui est sûr c'est que vous avez des problèmes avec vos souvenirs, notamment votre ex que vous n'arrivez pas à oublier au bout de quatre ans alors que c'est bien vous qui l'aviez quittée... Vous ne vous sentez nulle part à votre place, vous n'arrêtez pas de penser à la mort, vous avez l'impression que votre jeunesse est impossible, vous n'arrivez même pas à faire les choses que vous aimez... Vous êtes lucide, je vous l'accorde, mais vous avez besoin d'assistance. Cinq séances, ce n'est rien, c'est à peine que j'ai eu le temps de cerner votre profil, en cinq séances... Et là vous me dites que vous allez arrêter la thérapie. N'êtes-vous pas, encore une fois, en train de fuir ? Comme vous l'avez fait avec tout ce que vous avez entrepris jusqu'à présent ? Quoiqu'il en soit c'est à vous de voir, vous avez 28 ans et vous n'êtes plus un enfant...
J'ai lui ai dit que je vais y réfléchir. Depuis, je n'y suis plus retourné, bien entendu.

Je suis en train de m'imaginer le bide déchiqueté, barbouillé de tripes à cette jolie danseuse du ventre quand la servante décide de provoquer un deuxième dérangement :
- Monsieur, j'ai trouvé ce papier sous votre lit, je l'ai mouillé en repassant la serpillère, j'en suis extrêmement navrée !
- Ah, ce n'est pas grave, t'inquiète, c'est une facture sans importance, donne.

Je saisis énergétiquement le papier et au moment où j'esquisse le geste pour le jeter dans la gueule béante de la poubelle juste à côté, une voix se fait entendre.
« Elle vaut combien la facture qui est dans vos main ? ». N'ayant pas cru mes oreilles, je baisse le son de la télé pour mieux entendre.
« ELLE VAUT COMBIEN LA FACTURE QUI EST DANS VOS MAIN ? »
Nom de dieu, la poubelle parle !

- C'est la facture de mes cours de dessin.
- Combien ?
- 600000 L.L
- Je n'en veux pas, donnez-moi votre vie à la place.
- Ma vie ?! Vous voulez que je jette ma vie à la poubelle ?
- Oui.
- Nom de Dieu, mais si je vous donne ma vie, je ne serai plus.
- Au contraire, vous vous n'en porterez que mieux. Vous n'aurez même plus besoin d'aller voir votre nouveau psy cette après-midi. Vous vous réveillerez avec une énergie d'un trapéziste, vous aimerez tout ce qui croisera votre chemin et vous écrirez des pavés, des pavés !
- Et qu'est ce qui me le prouve ?
- Je peux vous dire votre fantasme le plus secret. Si ça, ce n'est pas vous connaître !
- Vous voulez dire que...si...si vous dites juste je serai contraint de vous donner ma vie ?
- Oui.

Elle murmura des mots dans une langue qui m'était étrangère- que je compris néanmoins- et dont j'ai pu retenir ces derniers mots :

« ...ruye treao kuleta agoni »





Avoir un nez, des yeux, de la salive a toujours été un supplice pour moi. A chacun de mes réveils j'assimile le craquement involontaire de mes os à une des choses de cette vie. Le craquement de ma colonne vertébrale, par exemple, représente toutes ces nuits où je faisais semblant de m'amuser dans les boîtes de nuit. Celui de mon cou s'attribue à mon ex, quant au craquement de mon genou, cela me rappelle la cafétéria enfumée de cette fac qui me donnait la nausée aussitôt que j'en franchissais les portes.
Je ne saurais pas vous expliquez davantage, c'est assez abstrait et j'en conviens. Cependant je vous garantis que ma paranoïa physique est aussi réelle que ma respiration. Ma mort c'est mon occupation première, ma vie.

Mais alors, me diriez-vous, puisque vous y tenez tant, pourquoi avez-vous décidé de balancer votre vie à la poubelle ? N'êtes-vous pas heureux, au fond ? Vivez-vous dans la misère ? Votre femme vous a-t-elle quitté ? Souffrez-vous d'un cancer ? Avez-vous subi un harcèlement sexuel dans votre lieu de travail ?

Non pas vraiment. Pas du tout, en vérité. Je suis en très bonne santé, dieu merci, je n'ai, pour ainsi dire, jamais connu de maladie grave et je ne manque de rien. Je suis probablement le type le plus heureux de ces dernières décennies : je n'ai ni femme ni boulot. Quant au fait d'être victime d'harcèlement, je suis, ma foi, pas mal séduisant mais pas assez pour subir ce genre de déviation.

Pour tout dire, et après réflexion, même si la poubelle n'avait pas deviné mon fantasme le plus secret, je lui aurais quand même jeté ma vie. La demande de la poubelle était comme si quelqu'un vous demandait, sans crier gare « préférez-vous les roses ou les cyclamens ? » Vous pourriez beau me convaincre que vous pencheriez pour les cyclamens, je ne vous croirai pas, étant sûr que vous opteriez pour les roses, pour la simple et bonne raison que les cyclamens vous ne connaissez pas, tout simplement. Oui voilà, c'est exactement ce que j'ai fait. Ayant depuis toujours possession de ma vie, j'ai voulu voir ce que cela donnerait sans.

Je me relève direction la salle de bains pour une douche. A priori, rien n'avait changé ( ou presque ( effet placebo ? ) car je ressentais une certaine légèreté à la démarche et mes os craquaient involontairement sans pour autant me rappeler les choses de la vie. )
Une fois la douche prise, je me suis positionné en face du miroir pour voir à quoi je ressemblais, maintenant que je me suis débarrassé de ma vie. Oh mon dieu !!! Mes yeux ! Mes yeux ! Au niveau de mes yeux il s'est effectué un changement : mon strabisme léger de toujours s'était atrocement accentué ! Et, soudain, comme mû par une force extraordinaire, je me suis écouté dialoguer avec mon reflet dans le miroir.

- Salut.
- Salut.
- Tu as une drôle de tête, tes yeux baisent.
- Ah ouais ?
- Oui, on dirait que tu as vu un truc pas très joli. Qu'est ce qui se passe ?
- Oh rien, je viens de jeter ma vie à la poubelle, là, il y a quelques minutes.
- Ah, et tu te sens comment ?
- Très bien. Je n'ai plus à voir ma psy cette après-midi.
- Bien. C'est quoi les dernières nouvelles du pays ?
- La bonbonne de gaz a augmenté de 15000 L.L en cinq mois. L'autre jour j'étais allé me prendre une pizza. Ca coute 12000 L.L au lieu de 10000L.L
- Tout devient cher, c'est ça ?
- Oui, bigrement cher, « même les champignons, c'est plus donné » avait lâché désespérément le pizzaiolo. Finalement je lui ai commandé une « mankouché », c'est bien moins cher, tu penses bien...
- Et tu cherches du travail ou tu te prends encore pour l'écrivain du siècle ?
- Je suis un être d'espoir.
- Tu vis comment ?
- Mon père est quelqu'un de bien. Il ne croit pas en moi mais il me trouve sympa.
- Et si ton père crève demain, tu fais comment ?
- Le destin prendra un autre cours : je m'éclaterai la cervelle à quarante ans au lieu de soixante.

C'est sur ces jolies paroles que ma conversation avec mon reflet prend fin quand ma mère, de l'autre côté de la porte, me signifie qu'elle souhaite faire usage des toilettes ( j'ai toujours eu un élan d'affection pour ma mère dans ce genre de situations. )
« Je termine ! »
Avant de sortir je secoue frénétiquement ma tête espérant revoir mes yeux regagner leur état initial. En vain. Quand je sors pour céder les toilettes à maman, je la frôle en passant, le pas vif et la tête baissée.

En revenant au salon je constate que le sachet de poubelle a été changé. Un frisson parcourt mon corps : ma vie était probablement perdue à jamais. Et maintenant qu'elle n'était plus à ma portée, j'ai eu comme un besoin urgent de la récupérer tout de suite si bien que j'ai couru vers la grande poubelle qui se trouve sur le balcon de la cuisine pour l'y chercher. Rien. Quand ma mère revient dans la cuisine pour surveiller la cuisson des escargots, elle me trouve affalé par terre, exténué, les larmes aux yeux.

- Qu'est ce qui se passe, chéri ???
- Maman, j'ai perdu ma vie.
- Comment ça, tu as perdu ta vie ? Tu parles, tu pleures, ta barbe ne cesse de pousser depuis trois mois. Tu es vivant mon fils !
- J'ai jeté ma vie à la poubelle...
- Tu as jeté ta vie à la poubelle ?... De toutes façons, je viens de changer le sachet. Dans celui-là j'ai jeté les lentilles d'il y a trois jours, deux trois journaux, l'ancien encrier de l'imprimante et...c'est tout !
- Et la poubelle du salon tu l'as jetée où ?
- Randa l'a déposée dans les grandes poubelles, en bas, en partant...

Certes elle ne comprenait pas comment on pouvait jeter sa vie dans une poubelle et j'ai eu comme une envie pressante de l'étrangler mais, à la vue de ses petites mains ajuster le sachet de poubelle agressé, j'ai eu un élan de tendresse à son égard et me suis repris pour me précipiter tel un fou, en pyjama et en pantoufles, vers la porte de l'entrée et j'ai dévalé les escaliers jusqu'à la rue.

Une horde de chats sauvages encerclait le sachet anthracite typique de maman le déchiquetant rageusement à coup de griffes et de morsures. J'essayais de leur donner peur en gesticulant et en se confondant dans des interjections ridicules, mais ils y allaient de plus belle comme s'ils étaient au courant qu'il y avait là une chose de valeur, notamment ma vie.
Un chat noir tacheté de blanc au niveau de l'œil gauche s'acharnait plus que les autres à telle enseigne qu'il fut le premier à trouer le sachet et à en choper, avec maestria, une chose rougeâtre d'aspect mou qui pendait dans sa gueule. Il me regardait alors fixement avec ses yeux ocre quand soudain il porta ses pattes à son cou.
C'est exactement à l'instant où je me mis à sa poursuite que, dans cette journée grisâtre de début d'automne, une bombe explosa à une vingtaine de mètres de moi atomisant le beau figuier des Arméniens que, petit, je pillais et que j'aimais tant.

La guerre civile venait juste de commencer.


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